Culture

Nabili ou l’émotion par le sable

Le peintre Mohamed Nabili tient un discours cohérent sur son art. Il ne fait pas partie de ces artistes autodidactes ou timides qui pensent que l’oeuvre n’a pas besoin d’un cortège verbal. Cet homme, né en 1952, a obtenu plusieurs diplômes en arts plastiques et a enseigné à l’Ecole des Beaux-Arts d’Aix-en-Provence, avant de revenir au Maroc pour s’établir à Benslimane. C’est dire que c’est en plasticien, nourri d’histoire de l’art, que Nabili construit son oeuvre. Le sable et le signe constituent la marque patente de cette oeuvre. Nabili a intégré le sable dans ses premiers tableaux, et mène depuis une recherche ininterrompue pour le faire apparaître, chaque fois, sous une apparence nouvelle.
Les grains de sable sont mélangés à des pigments de différentes couleurs. Mais certains grains, d’infimes points, échappent au bain de couleurs. On voit cela particulièrement dans les tableaux bleus-nuits qui possèdent une lumière et un éclat particuliers. Cette lumière vient de foyers minuscules : nous la devons aux grains qui ont échappé au traitement de la couleur.
La texture des tableaux de Nabili est plastiquement dense. La surface est d’abord rugueuse, jonchée d’accidents.
Le support lui-même est volontairement strié par endroits. Il présente plusieurs fissures. Mais ce qu’il y a incontestablement de plus intéressant dans certains tableaux de Nabili, ce sont les reliefs et bas-reliefs qu’ils présentent. Une reproduction photographique de ces oeuvres ne permettrait pas dans ce sens de se faire une idée de la nature quasi sculpturale du travail de l’artiste.
Elle aplatirait des tableaux dont l’intensité tient au fait qu’ils donnent l’impression de n’être pas une peinture sur une surface plane, mais une oeuvre en 3D. Par ailleurs, les formes dessinées dans les oeuvres récentes de Nabili sont épurées. Elles rappellent les dessins des enfants ou ceux que les hommes primitifs ont laissés sur les parois des cavernes.
Les tracés géométriques qui délimitent l’espace des signes et des figurines sont généralement stricts. La forme géométrique parfaite par excellence y prédomine : le cercle. Cette exactitude géométrique se retrouve dans un tableau bleu. Diverses petites formes taillées dans le bois y sont collées. Étendue sur le sol, cette oeuvre s’apparenterait à quelques vestiges aztèques ou du Pérou, vus du ciel. Et justement Nabili a visité les restes de ces deux civilisations.
Au reste, la principale réserve qu’on peut émettre sur le travail de Nabili a trait à l’usage du signe. L’utilisation du signe, la référence au signe, est un leitmotiv lassant dans la peinture marocaine. On a pourtant tort de croire qu’en intégrant un signe berbère ou autre, on imprime – à tout prix – la marocanité sur une peinture. Cela réduit d’ailleurs ses possibilités d’expression et limite son champ de rayonnement.
En plus, l’usage forcené du signe peut confondre la peinture avec la décoration. Ce risque est accentué dans les oeuvres de Nabili par l’usage des couches dorées. La tangence entre certaines de ses oeuvres et la bijouterie existe. Cela dit, Nabili, en homme rebelle aux étiquettes, se préoccupe bien plus de l’émotion que de l’aspect formel de ses peintures.
L’émotion est un mot-clef de son esthétique. Il dit à cet égard que «L’art doit communiquer une émotion à n’importe quelle personne, indépendamment de son bagage culturel». Cette émotion a partie liée, dans ses tableaux, avec la couleur. Nabili est un grand coloriste, et ses oeuvres sont à cet égard une véritable fête pour les yeux.

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