Culture

Nass El Ghiwane : le choc des paroles

Nass El Ghiwane refont parler d’eux. Cette fois-ci à travers Abdelhaï Sadiq,  enseignant chercheur à la Faculté des lettres et des sciences humaines de Marrakech qui vient de publier un ouvrage intitulé «Nass El Ghiwane, la protest song marocaine». «C’est un recueil qui rend hommage à ce groupe légendaire qui continue à séduire des générations entières», affirme-t-il en mettant en avant le fait que ce livre de 179 pages s’inscrit dans une démarche «ghiwaniste». «C’est-à-dire une démarche qui consiste à faire le travail artisanalement. C’est un acte de liberté totale», explique l’auteur.
Une liberté d’autant plus enivrante qu’il dit avoir «réalisé ce livre de A à Z» et que les textes et les illustrations lui appartiennent. Ce qui n’empêche pas qu’«un éditeur peut rééditer ce livre» autant de fois qu’il veut. Interrogé sur l’intérêt d’un tel ouvrage sur Nass El Ghiwane, Abdelhaï Sadiq répond que c’est une manière de démontrer que le poids des mots et le choc des voix peuvent conduire vers de merveilleuses aventures musicales.
Aussi a-t-il traduit les textes les plus emblématiques de ce groupe mythique. Dans le lot, on retrouve «Sabra oua Shatila», «Zad El Ham», «Al Madi Fat», «Ouach Hna houma Hna», «Ya bani Insane» et «Fin Ghadi Bia». Par la suite, il a analysé «cette écriture à travers deux tendances : celle de Larbi Batma et celle de Abderahmane Paco».
La première tendance est visitée à travers le texte Sabra Oua Chatila composé par Larbi Batma. «Dans cette chanson, il s’agit d’un fait concret et le vocabulaire aidant, l’auteur ne cherche pas à dissimuler la critique, ni user de la métaphore ou d’allusions», déclare M. Sadiq. Quant à la tendance Paco, elle est illustrée par la chanson Zad El Ham. «Fidèle à ses origines, à la musique gnaouie et à l’écriture maraboutique, Paco imprime à ses textes un caractère mystique et soufi accentué par le choix de rythmes, eux aussi confrériques,  au sein desquels la basse prédomine», précise l’auteur. Selon lui,  la tendance Paco dans l’écriture ghiwanéenne use de métaphores et d’allusions et cet aspect est encore plus accentué du point de vue de la performance vocale.
Enfin, en deuxième et dernière partie de l’ouvrage, Abdelhaï Sadiq donne à lire quelques textes traduits. Pour réaliser ce travail, l’auteur s’est basé sur les souvenirs qu’il en a engrangés en fréquentant Nass El Ghiwane durant les années 1980. «J’ai eu la chance de les fréquenter en 1981 et en 1985 et je me suis déplacé avec eux pendant leur tournée en France ». Omar Sayed, membre du groupe, se rappelle encore de cette période. «Cet écrivain nous a suivis durant certains de nos concerts et nous avons continué à entretenir de bons rapports jusqu’à nos jours».
Ce musicien voit l’initiative de la publication d’un tel ouvrage comme étant bénéfique, mais il attend de recevoir son exemplaire pour se faire une idée sur l’ouvrage et émettre, éventuellement, un jugement à son propos. «Je suis au courant de la parution du livre, mais j’ai hâte de pouvoir m’enquérir de son contenu», souligne Omar Sayed.
Dans l’attente, il faut préciser que «Nass El Ghiwane la protest song» n’est que le premier d’un projet de trilogie que Abdelhaï Sadiq souhaite consacrer à la chanson contestataire au Maroc. Ses prochaines parutions concerneront «Jil Jilala» et «Lemchahab».

Le temps de la nostalgie
En juin 1971, l’assistance du théâtre national Mohammed V de Casablanca se déchaîne littéralement et manifeste son enthousiasme par un tonnerre d’applaudissements.
Sur scène, cinq garçons chevelus interprètent, avec conviction et sur un rythme soutenu, un répertoire qui revisite le patrimoine musical marocain tout en y incorporant des textes de qualité, reflets de la misère morale et matérielle du peuple. Le succès du groupe est tel que le public clame son rejet de la seconde partie du programme : l’orchestre de la radio jouant des chansons-loukoum, pâles imitations de la variété égyptienne, qui ont sans doute étouffé des années durant l’émergence d’une musique plus proche de la réalité du pays.
Les auteurs de ce nouveau courant musical né une année plus tôt se nomment Nass El Ghiwane
Leurs textes sont frondeurs et impitoyables pour l’idéologie dominante. Ils font revivre la poésie, les proverbes et les dictons populaires, à coup de rythmes empruntés aux confréries et de sonorités qui rappellent celles usitées dans les villages des contreforts de l’Atlas et des plaines atlantiques.
Nass El Ghiwane ont influencé deux générations de Marocains et ils continuent à alimenter la nostalgie de beaucoup d’autres.

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