Culture

Nigeria : pour Femi Kuti, la lutte continue après 50 ans d’indépendance

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«Ce qu’il y a de positif, c’est que nous avons survécu à ces temps terribles». Survivre, lutter. L’artiste nigérian Femi Kuti mène un combat inlassable contre les maux dévorant son pays qui fête 50 ans d’indépendance, comme le faisait son père Fela Kuti, roi de l’afrobeat. «Corruption», «pauvreté», «mal gouvernance». «C’est un bien triste anniversaire» pour l’ancienne colonie britannique, estime-t-il. Installé dans une loge de son antre, le New Afrika Shrine, gigantesque salle de concert de Lagos ouverte en 2000, quelques années après la fermeture du Shrine de Fela Anikulapo Kuti mort en 1997, Femi, 48 ans, prévient : «je suis fatigué». Pourtant, après quelques minutes, ses yeux s’emplissent de colère ou de passion à mesure qu’il se livre. Le Nigeria qui ne progresse pas; les Africains qui devraient s’unir; la musique, source intarissable d’espoir et de partage. Une arme, disait Fela. «La musique devrait être divine, elle devrait être universelle, elle devrait évoquer l’amour, — je ne parle pas de «chérie je t’aime» — mais on devrait être capable de ressentir la musique et pleurer, penser (…). Je me sers de la musique pour lutter contre les démons de notre société», explique l’artiste.
A son pays, nation la plus peuplée d’Afrique et puissance pétrolière dont la majorité de la population vit dans la pauvreté malgré les milliards de pétrodollars engrangés au fil des décennies, Femi Kuti ne trouve pas d’excuses. «Quand je vois la pauvreté et que je vais en Europe, cela me met vraiment en colère. Qu’est-ce qui cloche chez nous ? Pourquoi nos dirigeants sont-ils si mauvais?», s’insurge-t-il, en référence aux régimes qui se sont succédé, militaires ou civils, qui ont harcelé son père, défenestré sa grand-mère activiste ou encore puisé dans les coffres de la nation. «Quand mon père luttait, j’avais 13 ans (…) mon fils a maintenant 15 ans (…) c’est la même histoire! Rien n’a vraiment changé en mieux», affirme l’auteur du célèbre «Beng, Beng, Beng». L’artiste ne s’en prend pas qu’à l’élite politique. «Les Nigérians feraient n’importe quoi pour de l’argent», regrette-t-il, estimant que la nation s’est construite sur «de mauvaises valeurs, la richesse matérielle et l’avidité». Femi Kuti qui cite comme modèles Martin Luther King ou les pères et militants des indépendances africaines Kwame N’krumah ou Patrice Lumumba, croit profondément en l’unité africaine et refuse de se décrire comme un «Nigérian», les frontières de son pays et de tout le continent étant le produit des colonisateurs. Mais là aussi, ce sage célèbre pour ses prestations sur scène où il donne tout, des heures durant, est sévère. «Beaucoup (d’Africains) ne connaissent même pas l’Histoire, ne sont pas intéressés», dit-il en regrettant qu’ils aient plutôt du goût pour les vêtements ou chaussures de marque.  L’artiste s’est démarqué de son père dans son style de vie. Pas d’alcool ou de drogues, une seule épouse et de la retenue alors que Fela, plus exubérant, avait épousé 27 femmes. Mais il est bien un héritier du «Black president» lorsqu’il s’agit de sa musique et de son engagement aux conséquences traumatisantes. «Je l’ai vu se faire battre, emprisonner. Je l’ai vu avec des bras, des jambes cassés, recouvert de sang, nous avons vécu dans la terreur (…) nous ne savions jamais quand la police ou les soldats viendraient». Malgré déceptions et injustices, Femi dit avoir toujours espoir. Il croit en une jeune génération qui demande des comptes aux dirigeants.  Et il croit en la musique. Grâce à celle de son père, «les gens ont été éclairés et des enfants seront éclairés demain. Il y a beaucoup d’espoir mais le combat continue».

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