Culture

Peinture fraîche de Saïd Qodaid

La peinture de Saïd Qodaid ne se préoccupe ni d’être actuelle ni de spéculer sur les tendances de l’art moderne. C’est une peinture qui n’est pas prétentieuse. Elle n’entend pas réformer les arts plastiques. Au premier abord, elle heurte peu l’oeil, l’apaise plutôt et peut même prêter à de fâcheuses équivoques. Un regard attentif permet toutefois d’y découvrir la présence d’un homme qui a non seulement la passion de la peinture mais est un peintre passionné. Saïd Qodaid est résolument tourné vers la figuration des scènes d’un Maroc non occidentalisé. Cette obsession du Maroc d’antan est la marque patente de son art. Peu de citadins pourront reconnaître leur décor quotidien dans ce Maroc-là. C’est un choix du peintre, et puis le sujet n’est rien dans la peinture.
Comme support de travail, la photographie en noir et blanc est un outil important dans la peinture de Saïd Qodaid. Il part souvent d’une scène représentée dans une vieille photo, modifie complètement son cadrage et sa composition initiaux pour n’en retenir qu’un détail : un homme ou une femme, généralement, qu’il aime isoler dans un tableau pour mieux souligner leur présence. Isoler par un gros plan un personnage souvent noyé dans la foule d’une vieille photo, c’est mettre pleins feux sur sa singularité d’homme qui existe ou qui a existé et qui mérite que notre regard s’attache à sa réalité. Cet attachement, le peintre tend volontairement à le provoquer, et ce en laissant l’environnement du personnage exempt de tout motif apte à distraire notre regard de la réalité nue de l’homme qui lui est proposé. Les derniers tableaux de Qodaid sont intéressants en ce sens qu’ils donnent à voir une conjonction des plus singulières dans la peinture : une neutralité au point de vue figuratif du premier plan et un traitement du motif dans l’arrière-plan. D’habitude, ce sont les fonds qui ne sont pas figurativement traités. Tandis que les tableaux de Qodaid montrent une superposition de traits et de couleurs quasi abstraits à laquelle succède une scène figurée.
De la conjonction de ces deux pôles naît une tension d’où tirent leur énergie les toiles récentes de Qodaid. Cette énergie heurte celui qui regarde, le frappe de plein fouet, l’oblige en quelque sorte à se sentir concerné par le monde qui lui est présenté. Dans les toiles récentes de Qodaid, la figuration s’est repliée, et ce retrait ne peut qu’annoncer de grands bouleversements dans le faire de ce peintre.
D’autre part, la lumière a une importance capitale dans les derniers travaux de Saïd Qodaid. Il s’agit d’une lumière parlante, expressive comme celle dont use un scénographe dans une scène de théâtre. L’éclairage vient des petites taches blanches que le peintre dispose de façon à répandre une atmosphère dans le tableau. Et si chacun de ses tableaux semble avoir une atmosphère qui lui est propre, c’est dans d’infimes taches blanches qu’il faudra chercher à en pénétrer le mystère.
Il arrive à Saïd Qodaid de spéculer, lorsqu’il peint, sur l’intervention du hasard. C’est ainsi qu’il récupère les couleurs qui sont restées sur la palette du tableau auquel il vient d’apporter sa dernière touche, les mélange, avant qu’elles ne sèchent complètement, et en enduit la toile vierge qui fera, un autre jour, l’objet d’une figuration nouvelle. Parier sur le hasard, c’est ouvrir constamment sa peinture à des possibilités inédites, c’est être résolu à ne pas cloîtrer son faire dans une grille préconçue, c’est laisser sa peinture respirer le souffle de la rencontre hasardeuse, l’ouvrir à la poésie. Cette couleur, fruit du hasard le plus pur, manifeste de temps à autre sa présence à travers les épaisses couches qui s’y sont superposées, et son effet est des plus heureux. Saïd Qodaid est né le 28 octobre 1965 à Rabat. Il est lauréat de l’Ecole nationale des Beaux Arts de Tétouan. Est-ce que je suis peintre ? Telle est la question que Saïd Qodaid se pose souvent lorsqu’il est en face d’un tableau. Ce doute-là l’honore.

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