Culture

Portrait : Mohamed Rouicha, le prodige du Moyen-Atlas

© D.R

Décidément, rien ne pourra arrêter Mohamed Rouicha. A 55 ans, il n’a pas pris une seule ride. Sur le plan de la créativité, après quarante ans de scène, il nous dit, du haut de sa modestie, qu’il en est encore à ses débuts ! Les organisateurs de festivals, les producteurs de chanson et autres professionnels de la scène lyrique se disputent sa vedette.
Rien qu’au mois de juillet 2005, il est l’un des têtes d’affiche du 2ème Festival amazigh « Timitar », prévu du 2 au 9 du mois prochain. Pour sa première édition, le Festival de Casablanca, qui se déroulera du 16 au 23 juillet, prévoit une rencontre tant attendue avec cet artiste (rendez-vous le 18 juillet). On pourrait allonger la liste, mais abrégeons : Qui est cet artiste dont l’éclat ne déteint jamais ? Qu’est-ce qui est derrière sa percée qui continue de résister à l’épreuve du temps ?
Cet homme, qui braque les projecteurs encore et toujours, vient pourtant de l’ombre. Né en 1950 à Khénifra, ville jalousement gardée par les hautes cimes du Moyen-Atlas, considérée comme le berceau de la culture « zayane », Mohamed Rouicha a grandi dans une famille modeste. A l’âge de 11 ans, il quitte l’école. Il n’a eu droit qu’à 3 ans d’études primaires à « Dyour Chiouks », école située à Khénifra. A l’instar des enfants prodiges, il s’est rebellé si tôt contre le carcan de l’académisme. Son destin, c’est ailleurs qu’il allait le forger.
En 1964, après s’être fait remarquer par son don quasi-inné pour le chant et la musique, il intègre la Radio et Télévision Marocaine (RTM). A 14 ans, il fit sa première entrée en studio pour enregistrer sa première chanson «Afak ya l’kia ». Cette mémorable chanson a eu la grâce des responsables de la RTM et permis à l’enfant de se faire déjà connaître du public ; elle marque également le lancement d’une carrière qui s’annonçait prometteuse. Mais la véritable révélation, Rouicha la doit à son tube « Ya l’hbiba, bini w’binek darou l’hdoud ».
Un tube qui a suscité un intérêt public tel qu’il a conquis tous les foyers marocains ou presque, arabophones et berbérophones compris. S’inscrivant dans le registre sentimental, il a le mérite d’avoir conquis les cœurs sur le plan aussi bien des paroles que de la composition, le tout portant la signature de Mohamed Rouicha. Nombre d’auditeurs auront succombé sous le charme de la poésie du texte, de la composition, du timbre soyeux que dégage la voix de Rouicha et de la mélodie chagrine qui perce à travers les douces sonorités de son instrument-fétiche, l’outar. Cet instrument, considéré comme étant porteur de l’authenticité marocaine, l’artiste a appris, à l’âge de 11 ans, à le caresser plutôt qu’à le frapper, au même titre que les célèbres spécialistes de cet instrument : Oubraha, « Sidi Jaber moul l’bneder », Mostapha Naïniâ,  Karzouz et Mahrach, Kachbal et Zeroual, ainsi que d’autres.
Influencé par ces derniers, Rouicha, après une phase de maturation, s’en démarquera en forgeant son propre style. En effet, Rouicha a le mérite d’avoir apporté à cet instrument une note orientale. Dans ses compositions se côtoient des notes amazighes et d’autres inspirées des musiques de Sayed Darwich et Mohamed Abdelouhab. A travers ces noms/renoms, se dégage une famille d’esprit où deux courants se croisent : musique orientale et musique locale. Rouicha, qui n’est pas passé par un conservatoire, a appris la musique sur le tas.
Réfractaire, depuis son enfance, à l’académisme, il a dû compter sur son talent précoce et sur la bonne écoute pour se former. Il offre le joli exemple de l’artiste autodidacte, celui également du fils de son œuvre, Rouicha ayant par ailleurs perdu son père Moulay Lahcen à l’âge de 24 ans. Ni le manque de moyens, ni le décès prématuré de son père ne l’ont empêché de se forger une place… au soleil. Pour l’enfant, ces handicaps ont plutôt représenté une sorte de motivation. D’où cette hargne à non seulement percer sur le plan artistique mais aussi à s’assurer une vie sociale confortable.
A l’âge de 18 ans, Rouicha quitte Khénifra pour Mohammédia où il avait rendez-vous avec un destin radieux : il sera admis en tant que responsable dans une unité de textile, en contrepartie d’un salaire équivalant à 3.000 dirhams.
Un salaire qui, à l’époque, lui a permis de vivre suffisamment. Quand à ce salaire, viennent s’ajouter les cachets perçus lors des multiples concerts pour lesquels il était sollicité, les fortunes auxquelles il avait droit après l’enregistrement de chaque album (une soixantaine, au total), sans oublier ces 132 prix qui ont jalonné son parcours, dont le dernier lui a été décerné le 10 mars dernier par l’Institut Royal de la culture amazighe (IRCAM), quand à tout à cela il faut également ajouter le fait que Rouicha ne baisse toujours pas le ton, sachant qu’il n’a pas pris une seule ride de l’âge, qu’il n’a rien perdu de son dynamisme créatif, on imagine facilement la joie de ce père de quatre enfants, dont le dernier, « Choukrallah » de son nom, est né il y a à peine un mois.
Après cette longue et brillante trajectoire, Rouicha caresse maintenant le rêve de transformer en musée son chez-soi, situé en plein centre de Khénifra. Pour cet artiste, qui aime à se définir comme le «fils du peuple », il s’agit de mettre son patrimoine au service du public.

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