Culture

Portrait : Triki, une réalisatrice dans le vent

© D.R

Depuis quelques années, le nom de Leïla Triki revient avec insistance dans les milieux cinématographiques. Figurez-vous que cela a même été le cas à Cannes, pas plus tard qu’en mai dernier lorsque cette jeune réalisatrice a présenté son court-métrage « Sang d’encre ». Prévu dans la catégorie « Cinémas du Monde », ce court-métrage, -le 2ème après « Chapelet »-, a laissé planer de bons échos sur la Croisette.
La jeune réalisatrice a eu le privilège de voir son court figurer dans la catégorie « Cinémas du Monde ». Un exploit pour cette trentenaire décidée à poursuivre sa montée… au soleil. Mais d’où vient alors cette graine de réalisatrice qui pousse ?
Née à Rabat en 1975, -dans l’ex-quartier de l’Agdal-, Leïla Triki a baigné très tôt dans un milieu artistique. « Le tourne-disque fonctionnait à plein-temps à la maison, je pouvais écouter du blues, du rock et apprécier des saveurs de musique arabes», nous dit-t-elle. Fille de banquier, elle fera ses premières classes dans la semi-mission Jeanne-D’Arc.
Dans cette école, -où le français et l’arabe étaient enseignés-, l’élève a déjà commencé à faire des cours de solfège, à caresser le piano plutôt qu’à le frapper, à apprendre la danse classique… Et ce n’est pas tout… « Chaque dimanche matin, il y avait des films projetés dans la salle de l’Agdal », se rappelle-t-elle avec affection. Là-bas, dans cette salle obscure située au quartier « Keïss », l’enfant a eu la chance de regarder un florilège de belles pages du cinéma mondial. A l’âge où l’on ouvre à peine les yeux sur le monde, l’enfant avait déjà un regard critique sur des films comme « West side story ».
Simplement, sa formation la prédestinait à une carrière autre qu’artistique. Orientée vers les sciences expérimentales, l’élève avait du mal à convaincre ses parents de changer de branche. « Après mon Bac, il était exclu pour mes parents que je fasse une carrière artistique», raconte-t-elle, avec une pointe de regret. « Vivre en tant qu’artiste n’est pas un avenir assuré, il y a beaucoup de précarité », lui répétaient ses parents. Mais c’était mal connaître la passion que la jeune fille cultivait pour l’art.
Elle a réussi à décrocher une formation à l’Ecole des sciences de l’information. « J’ai cru au départ que cette formation allait me rapprocher des médias », explique-t-elle. Une sorte de passerelle vers ce qu’elle aimait faire : le cinéma. Un an plus tôt, elle s’est rendu compte que cette formation n’avait pas, -comme elle l’espérait-, nourri sa passion pour l’art. « En 1994, j’ai tenté le concours de l’Institut supérieur d’art dramatique et d’animation culturelle ». Elle sera en effet admise sur concours, arrivant même en tête de liste des candidats retenus. C’était donc parti pour quatre ans de formation à l’Isadac.
Au début, l’étudiante opta pour l’actorat. Seulement voilà, « je n’étais pas contente de l’interprétation (…) Au fait, j’avais un petit faible pour le dessin, la sculpture, la lumière, bref la scénographie ». En portant son dévolu sur la scénographie, l’étudiante a vu juste. Elle finira son cursus, avec en prime une belle consécration : major de sa 9ème promotion. Un titre qu’elle devait à un travail de recherche, accueilli très favorablement par le jury de son mémoire, sous le thème « La lumière et les volumes dans Faust», la toute première œuvre que le jeune Goethe avait écrite à l’âge de 24 ans.
Une fois le diplôme en poche, la lauréate sera confrontée à la question difficile : « que faire?». « J’avais envie de poursuivre mes études à l’étranger, ce n’était pas une mince affaire. Il fallait obtenir une bourse. Même si on est major, c’est un sacré chemin de croix », déplore-t-elle. Faute d’aide financière, Triki sera obligée de décliner une offre d’études à l’Université de Boston (Etats-Unis). N’ayant pas le choix, elle se contentera d’une formation sur le tas en intégrant des plateaux de tournage. Elle travaillera en tant que set-decorator dans le film «Spy game» (Jeu d’espion) de Tony Scott, et plus tard, dans le département «Accessoires », dans le célèbre «Kundun » de Martin Scorsese.
S’agissant des films marocains, elle sera recrutée en tant qu’assistante-script et script dans tour à tour « « Ali, Rabia et les autres » d’Ahmed Boulane, « Ali Zaoua » de Nabyl Ayouch, et en tant qu’assistance-réalisatrice dans « Mémoire en détention » de Jilali Ferhati. A côté de cela, – et pour fourbir ses armes de réalisatrice-, Triki décroche un master-class à l’Ecole supérieure des métiers de l’image et du son (Paris).
Dans cette école, Triki apprendra à manier la caméra, à faire le montage, à prendre le son… « J’ai pu apprendre tous les métiers ou presque qui entourent la réalisation », se réjouit-elle. De retour au Maroc, elle prendra du service pour huit mois sur la 2ème chaîne de télévison nationale. Mais ce passage sera si bref. Pour Triki, il était question d’acquérir une expérience plus solide. « Comme j’avais un certain bagage, j’ai décidé de franchir le pas », dit-elle.
En 2000, elle réalise son premier court-métrage « Chapelet ». Premier coup d’essai, premier coup de maître. Bien ficelé, ce film remportera, à Milan (Italie), le « Cinit ciemme ». Décerné par une association culturelle qui travaille en collaboration avec la Mostra de Venise, ce prix permet aux films consacrés à Milan d’être projetés en off à la prestigieuse Mostra de Venise.
Autres preuves du succès de ce court-métrage, sa participation à de prestigieux festivals, entre autres celui d’Oberhausen (Allemagne), d’Oslo (Norvège), sans oublier le Festival du court-métrage méditerranéen de Tanger. Après ce coup d’éclat, Triki partira en repérage pour son premier téléfilm « Jabarout », une fresque épique qui parle des razzias dans les zones loin du pouvoir central dans le Maroc de 1830.
Ce téléfilm a été diffusé sur la TVM au mois de Ramadan dernier. Pour le Ramadan 2005, Triki nous a préparé deux créations :  un télé-feuilleton intitulé « Maria Nessar », une soap-opéra, et un film policier « Poursuite ». Maintenant, la réalisatrice se prépare à tourner son premier long-métrage. Prometteur…

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