Culture

Portrait : Youssef Fadel, fils de son oeuvre

© D.R

Qui aurait imaginé que Youssef Fadel, l’un des écrivains marocains les plus illustres d’aujourd’hui, a abandonné ses études à l’âge de 17 ans? En dépit de cet abandon précoce,  Fadel, adolescent, a réussi à se faire une carapace de graine d’écrivain. D’où est venu alors cet auteur autodidacte ? Né à Derb Soltane, dans le quartier populaire Derb Lyhoudi de Casablanca, Youssef Fadel a été élevé dans un milieu plutôt conservateur.
Fils d’un fquih, hadj Si Omar Fadel, il a acquis une éducation religieuse très rigoureuse. Issu d’un milieu modeste, il a eu la chance de faire des études primaires dans une école de la grande bourgeoisie, en l’occurrence l’école du Prince Moulay Al Hassan, qui fut fondée en 1943. Plus tard, il se voit ouvrir les portes du célèbre lycée Lyautey. Mais l’étape Lyautey fut sans résultat, de l’avis de Youssef Fadel. Ce dernier, qui aurait eu tendance à l’isolement, quittera ce lycée pour intégrer l’école des Beaux-Arts de Casablanca. Mais là encore, ce fut sans résultat. Pour l’hadj Si Omar Fadel, il n’était pas question que son fils fasse des études en Arts plastiques, il avait du mal à imaginer que son enfant puisse vivre du métier de pinceau. Changement de cap.
En 1968, Youssef Fadel sera admis sur concours à la Marine marchande. Mais, au lieu de naviguer, il sera un simple employé de l’administration. Qu’à cela ne tienne, puisque cela lui a permis de s’adonner à sa passion du théâtre. Il fera alors ses premiers pas sur scène avec le comédien Mohamed Tsouli. Puis, le jeune Youssef fondera une troupe de théâtre dans son quartier natal, « Troupe Al Bassim ». A cette époque, il a monté avec cette troupe des pièces de grands auteurs dramatiques universellement connus tels que Bertolt Brecht, Edward Albee …  Entre-temps, il nourrissait son rêve de devenir écrivain.
Ainsi publiera-t-il, en 1969 dans le quotidien «Al Alam », sa première nouvelle intitulée « Une tête échevelée et chevelue ». Les écrits se multiplieront par la suite, au bon gré des pages culturelles de grands journaux arabophones à cette époque comme Al Ittihad Al Ichtiraki. Mais, ironie du sort, sa pièce de théâtre intitulée « La Guerre » lui vaudra deux mois de détention dans la tristement célèbre prison de Derb Moulay Chrif. Relâché, Youssef Fadel sera retourné après en prison. Le militant de Gauche sera épinglé cette fois pour son appartenance au Mouvement de 3 Mars. La période de captivité se déroulera de novembre 1974 jusqu’au printemps de 1975. Sorti de prison, Fadel sera admis dans un Centre pédagogique régional de Casablanca (CPR).
Il deviendra enseignant de langue française. Cette nouvelle fonction ne l’empêchera pas de poursuivre sa pratique du théâtre. En 1978, Fadel jouera dans la pièce de théâtre « Le coiffeur du quartier des pauvres », dont le texte avait été écrit par Fadel lui-même. Jouée au théâtre municipal de Casablanca, la représentation de cette pièce sera marquée par la présence de plusieurs personnalités des milieux de théâtre. « A la fin de la représentation, le regretté Mohamed Reggab était venu me féliciter, tout en me disant : Je veux bien monter cette pièce à l’écran». Ce fut chose faite, le film qui a gardé le même titre, « Le coiffeur du quartier des pauvres », est resté gravé dans les annales du cinéma national. La fin des années soixante était pour Youssef Fadel une période marquée par la créativité mais aussi et surtout par une boulimie de lecture. Côté littérature, Fadel dévorait les livres de Youssef Sbaï, Ihssan Abdel Qoddous, Najib Mahfoud et Jorgi Zidane, se souvient-il avec affection. Côté théâtre, Fadel lisait avec passion de grands dramaturges tels que Ionesco, Beckett et Arrabal. Tenté par l’écriture journalistique, Fadel fera partie de l’équipe de rédaction de la revue «Attaqafa Al Jadida », aux côtés du poète Mohamed Bennis, Mostapha Mesnaoui et Abdelouahed Bellekbir.
Au début des années quatre-vingt, il a commencé à réfléchir sur l’écriture de romans. Il compte, d’ailleurs, à son actif plusieurs récits : « Aghmat » (1989, sur un policier qui viole une femme), «Christina » (1989, sur un gendarme déserteur), « Le roi des Juifs» (1992, sur la vie intime d’un caïd) et « Hachich », récompensé en 2000 par le prix Grand Atlas. Avec la troupe « Shems », qu’il a co-fondée avec Mohamed Khouyi, Bastaoui et Jirari, il montera ses propres pièces : « Les enfants du pays » (publié en France, en 2000) et « Je traverse une forêt noire ». A présent, Youssef Fadel est en train d’écrire un nouveau roman intitulé « Le Nain » dont la parution est prévue pour le mois de septembre. Un parcours atypique jalonné de plusieurs distinctions. On peut citer, entre autres, le Prix du scénario au Festival national du cinéma de Casablanca, et le Prix du dialogue pour le film « Ali Zaoua » au Festival national du film à Marrakech.

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