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Rachid Taferssiti : «Tanger renaît au niveau culturel mais beaucoup de chemin nous reste pour devenir compétitifs»

© D.R

Entretien avec Rachid Taferssiti, président de l’Association Al Boughaz

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A l’issue du festival Ibn Battouta, organisé tout récemment à Tanger, le président de l’Association Al Boughaz livre ses regards sur l’offre socioculturelle de cette ville et son impact sur l’essor économique de celle-ci.  

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ALM : Quel est l’impact du festival Ibn Battouta sur le rayonnement de la ville de Tanger ?

Rachid Taferssiti : Le festival organisé par l’Association marocaine d’Ibn Battouta, avec son programme varié, vient enrichir l’offre culturelle de Tanger. J’espère de tout cœur que ses initiateurs sauront l’inscrire dans la durabilité et le développer davantage avec le temps. Dans cette ville, il y a eu d’importants événements qui n’ont duré que le temps de la disponibilité de leurs initiateurs et des moyens dont ils ont pu disposer. En s’appropriant l’image d’Ibn Battouta, le Tangérois le plus universel, et en s’ouvrant sur l’Afrique et l’Amérique, le festival s’internationalise et trouve le moyen de servir la dimension  de la «valeur universelle exceptionnelle» de Tanger dont dépend le classement de notre ville au patrimoine mondial de l’Unesco.

Comment, à vos yeux, la ville renaît-elle aux niveaux culturel et social?

Au niveau socioculturel, Tanger a connu une longue période de léthargie. Près de deux décennies (1970-1990) avec, entre autres, la démolition du conservatoire de musique, la fermeture du théâtre Cervantès, la fermeture de sept salles de cinéma, dont certaines sont transformées en immeubles comme le Capitol, le Maghrib et le Lux ou en café comme l’American. Le stade espagnol du Rio Souani devient un terrain en friche où des bergers amènent leurs troupeaux. Pendant toute cette période, les membres de l’Association Al Boughaz, fondée en 1988, dont je suis actuellement président, essayaient de militer en faveur d’un développement harmonieux de Tanger, respectueux de l’environnement et du patrimoine. Heureusement la renaissance de Tanger et son renouveau culturel sont arrivés sous l’impulsion extraordinaire donnée par S.M. le Roi Mohammed VI à Tanger et à sa région dès son accession au Trône. Pour ma part, quand je vois le majestueux Palais des arts en cours de finition en face de la Villa Harris, je dis qu’il y a une renaissance culturelle et sociale. Au niveau des infrastructures, de nouvelles unités ont vu le jour et d’autres ont reçu un coup de lifting : le théâtre Mohamed Haddad, le Centre culturel Abdellah Guennoun dans la Qasbah, le Centre culturel Ahmed Boukmakh, Dar es-Sahafa. De nouvelles galeries d’art, le Centre international des musiques traditionnelles de Borj El-Hajoui. Le Musée de la Qasbah a été restauré comme le Musée de la Légation Américaine. Dar Niaba et la Mendoubia sont en cours de restauration.  Tanger renaît au niveau culturel mais beaucoup de chemin nous reste pour devenir compétitifs avec nos voisins du Nord, espagnols, français ou italiens.      

Qu’est-ce qui fait que ces renaissances culturelle et sociale contribuent à l’essor économique de la ville ?

L’essor économique est certes très importants car il permet d’assurer un revenu décent aux familles et influence le pouvoir d’achat des habitants, leur niveau de vie qui conditionne l’activité donc l’image d’une ville et d’un pays. Tanger et le Maroc en général sont de plus en plus attractifs sur le plan économique. L’attractivité de Tanger c’est également cette image atypique d’une ville internationale et interlope, telle qu’elle continue à être perçue par l’imaginaire collectif. C’est un atout considérable pour la promotion touristique de la ville. La prise de conscience est aujourd’hui palpable à tous les niveaux. Il s’agit d’adopter une véritable stratégie, à long terme, impliquant toutes les parties concernées, pour exploiter ses spécificités comme un atout «unique», un argument fort pour la promotion de la ville. Au-delà de l’intérêt économique immédiat, l’attractivité de Tanger dépend aussi de sa dynamique culturelle et de ses repères identitaires qu’il faut savoir valoriser. Les premières initiatives sont là et il faut savoir tracer la bonne voie pour aboutir.

Au-delà du festival, comment la ville retrouve-t-elle son rayonnement d’antan?

Il est évident que notre Tanger d’aujourd’hui n’est pas celui de nos parents et de nos grands-parents. Il ne sera pas non plus celui de nos enfants et de nos petits-enfants. Ce qui nous amène à poser la question de savoir quel Tanger souhaitons-nous pour demain? Quel Tanger allons-nous léguer aux générations futures ? Car, effectivement «… une civilisation, comme une culture, est «ce qui dure», par opposition à ce qui passe, au rythme saccadé de l’actualité politique et de l’histoire courte» (Jean-Pierre Denis, La Vie, et Vincent Giret, Le Monde –Revue La Vie– Le Monde 2015). Pour ma part, je suis très optimiste. Tanger continue à rayonner et à éblouir. Les anciens tangérois qui l’avaient quittée il y a quelques décennies la trouvent belle avec ses parures actuelles. Même si les endroits de leurs souvenirs ont parfois trop changé.

Comment les projets culturels lancés dans le cadre du programme Tanger-Métropole se mettront-ils à l’écoute du public ?

Le nouveau Tanger qui se construit aujourd’hui dépasse les rêves des Tangérois les plus optimistes. Ils le reconnaissent et en remercient leur Souverain qui suit de près toutes les réalisations. Le programme «Tanger Métropole» est une opportunité à saisir pour restituer à Tanger son identité. Commencer par faire reconnaître une liste officielle du patrimoine est primordial pour mettre un terme aux appétits des spéculateurs. Aussi il faut rechercher les mobilisations nécessaires au soutien de l’inscription de Tanger au Patrimoine mondial de l’Unesco, dans sa diversité territoriale et patrimoniale, comme cela était proposé en 2002 et plus récemment en 2016. Sauvegarder l’image de la ville mythique,  multiculturelle et plurielle afin qu’elle puisse prétendre au classement au «Patrimoine mondial de l’Unesco» constitue le «nouvel appel de Tanger». Car Tanger doit rester cette ville tolérante et ouverte, multiculturelle et plurielle, belle et accueillante. Vivable pour tous ses habitants et attrayante pour ses visiteurs. Pour ce faire, il faut commencer par trouver les moyens de rendre le patrimoine plus visible sur le terrain. Car, il devient vital de sortir le patrimoine de son anonymat. Il s’agit de le mettre en évidence à travers des circuits thématiques attrayants pour les visiteurs de la ville, voire aussi, et surtout, pour les habitants eux-mêmes et les résidents nouvellement installés, qui ne semblent pas s’identifier à leur ville.

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