Culture

Raja : les causes de la chute

© D.R

L’aigle vert a les ailes cassées. Il est tellement mal en point qu’il n’a plus la force de glatir. Affaibli, battu, meurtri…, il souffre. Il est même sur le point d’avoir une syncope. Le tableau est à la fois terrifiant et désolant.
Pourtant, il y a un an, tout semblait être parfait, ou presque. Le Raja de Casablanca, l’un des grands clubs ayant marqué l’histoire du football marocain, survolait la scène footballistique arabe. Avec brio, il tenait tête aux gros calibres. Et malgré le rythme d’enfer qu’on imposait aux diables verts, ils arrivaient toujours à s’en sortir avec les honneurs.
Aujourd’hui, le Raja peine à trouver le chemin de la victoire lors des matchs du championnat national. Une défense fragilisée, une ligne d’attaque en panne d’agressivité et un milieu de terrain inefficace, l’équipe rajaouie est devenue méconnaissable. Collectionnant les contre-performances, l’ancien champion arabe a fini par s’engouffrer en bas du classement du GNFE-1. À mi-parcours du championnat, le Raja n’est qu’à deux doigts de la zone de relégation. La chute a été vertigineuse. Il sera donc difficile de redresser la barre et de rattraper le temps perdu. Quelles sont les raisons du malaise qui ronge actuellement le club ? Comment ce grand club a-t-il pu en arriver là ? Pourquoi n’a-t-il toujours  pas pu sortir de l’impasse ?
Pour comprendre la crise que traverse l’équipe du Raja, il faut revenir en arrière et plus précisément à la saison précédente. La formation rajaouie voulait se remettre à niveau: devant disputer les championnats arabes des clubs champions, ses dirigeants font appel à une vieille connaissance : Oscar Fullone. Une décision unanimement approuvée par les responsables et saluée chaleureusement par les supporters. L’entraîneur argentin était plus qu’un simple technicien aux yeux des Rajaouis. Il était un mythe.
Sous sa direction, les Verts avaient remporté deux titres de champion du Maroc, une Ligue des champions, une Supercoupe d’Afrique et pour couronner le tout : une Coupe afro-asiatique. Il a été donc accueilli comme un héros au sein du Raja.
D’ailleurs, ce come-back arrangeait tout le monde. Pour les verts, c’étaient des retrouvailles avec un homme qui avait beaucoup fait pour l’équipe. Et pour Fullone, le retour à la tête de l’équipe devrait lui permettre de rebondir. En effet, le technicien avait entamé une traversée du désert suite à ses pérégrinations entre les Émirats arabes unis,  la Libye, l’Afrique du Sud, le Burkina Faso, l’Egypte et la Tunisie. Il avait également fait parler de lui lors de son passage au Wydad en 2000 et avait permis aux Rouges de remporter deux sacres : la Coupe du Trône et la Coupe des coupes.
La première mission d’Oscar Fullone sera couronnée de succès. L’équipe du Raja remporte le titre de la troisième édition de la Ligue arabe des champions de football après une belle victoire face à la formation égyptienne d’ENPPI. Le club enrichit son palmarès d’un nouveau sacre et ses caisses d’un million de dollars. Le rêve réalisé, les Verts étaient aux anges.
Mais la joie ne va pas trop duré. A l’instar des autres grands favoris, le RCA a commencé la saison timidement avec des résultats fluctuants. Puis, rien n’allait plus. L’équipe s’est montrée, au fil des matchs, incapable de vaincre ; se contentant souvent du nul. C’était la période de la dégringolade, mais aussi de la mésentente. Le courant ne passait plus entre l’entraîneur et un nombre non négligeable de joueurs. Les mauvais résultats s’enchaînèrent et Oscar Fullone, n’arrivait plus à contrôler son équipe. L’atmosphère devenait tendue à tel point qu’il décide de suspendre trois éléments : Hamid Nater, Hassan Daoudi et Sami Tajeddine. Ce fut le temps d’une  contestation alimentée par une série de départs. Adil Bekkari, Bendamou, Moussa Souleimane et Fofana quittent le navire et l’étau s’est resserré autour de son coup lorsqu’il a écarté Mustapha Bidodane, celui-là même qui a fait la légende du Raja. Mis à l’écart, ce buteur a fini par rejoindre le MAS. C’était l’une des plus graves erreurs que le coach argentin a commises. C’est en tout cas ce que pensent  les supporters et même un grand nombre d’adhérents. L’ironie du sort a voulu que ce même Bidodane devienne vite une pièce maîtresse du MAS en inscrivant quatre buts en six matchs. Soit le total des buts inscrits durant la même période par le Raja !
Nombreux sont ceux qui estiment aujourd’hui que l’inflexibilité dont a fait montre Oscar Fullone durant cette période a causé un grand préjudice à l’équipe. «La situation était assez délicate. D’un côté, Oscar Fullone agissait avec autorité, pour garder le contrôle. De l’autre, des joueurs qui traversaient une période difficile surtout après le rythme infernal imposé la saison précédente. Le Raja battait sur tous les fronts. Dans ces cas de figure, c’est à l’entraîneur de trouver une autre solution que la confrontation», estime un ancien dirigeant du Raja.     
La douloureuse défaite face au frère ennemi (le Wydad) a été la goutte qui a fait déborder le vase. C’était donc suite à un échec cuisant que le divorce entre le Raja et Oscar « le messie » fut consommé. Mais le départ d’Oscar n’arrangea guère les choses. L’équipe rajaouie est toujours souffrante. Les Verts semblaient avoir perdu leur créativité, leur jeu, leur rythme… tous les ingrédients qui faisaient du Raja un club redoutable semblaient volatilisés.
Plusieurs personnes tiennent Oscar Fullone pour le premier responsable des déboires du Raja. Mais alors pourquoi le Raja n’a-t-il pas renoué avec la victoire après son départ ?
La crise actuelle du Raja est donc beaucoup plus complexe. Elle ne se limite pas à une simple affaire d’entraîneur et dépasse même les joueurs et leur encadrement technique. Elle se situe plutôt au niveau des instances dirigeantes du club.
Selon plusieurs sources, le comité actuel du Raja de Casablanca n’affiche qu’une unité de façade. En réalité, les membres de ce comité n’arrivent pas à se mettre d’accord sur plusieurs points cruciaux.
Le comité serait même divisé en trois clans. Le premier est celui des pro-Souiri qui soutiennent les positions du président, le second serait mené par Ibrahimi Khalid soutenu, entre autres, par Essaid Wahbi et le troisième est conduit par Mostafa Dahnane.
«Tant que le comité ne sera pas uni, on n’arrivera jamais à sortir le Raja de cette mauvaise passe. Plus cette "guerre froide" va durer, plus le club va en souffrir. Et c’est fort dommage!», déplore un responsable rajaoui ayant requis l’anonymat.
La situation se complique davantage dans la mesure où au sein même des adhérents il y a plusieurs petits clans. En effet, aujourd’hui le Raja est plus divisé que jamais. Mais ce qui est grave, c’est que, à en croire certains responsables du club, des adhérents et même des membres du comité influenceraient les joueurs. Une sorte de sabotage, selon eux, visant à torpiller l’actuel bureau. Vrai ou faux ? Peut-être que oui. Peut-être que non.
En tout cas, le malaise au sein du comité se fait sentir. Les tensions étaient tellement intenses, ces derniers temps, que le président du club, Abdelhamid Souiri, a failli mettre la clé sous le paillasson.
«Abdelhamid Souiri était sur le point de démissionner. Mais on a fini par le convaincre que ce n’était pas la meilleure solution et qu’il ne fallait pas abandonner le club dans ce genre de circonstances», témoigne une personne de son entourage.
En attendant la cessation des hostilités entre les dirigeants, le nouvel entraîneur du Raja, Paco Fortes, a entre les mains une véritable patate chaude. Soigner un aigle blessé est une chose, le rendre apte au combat en est une autre. Le technicien espagnol pourra-t-il relever le défi ?

Le palmarès du Raja

• Huit fois champion du Maroc:
 1988, 1996, 1997, 1998, 1999, 2000, 2001, 2004
• Six fois vainqueur de la coupe du Trône :
1974, 1977, 1982, 1996, 2002, 2005.
– Finaliste : 1965, 1968, 1983, 1992.
• Trois fois champion d’Afrique:
1989, 1997, 1999.
– Finaliste : 2002.
 – Demi-finaliste : 2005
• Vainqueur de la coupe de la CAF en 2003
• Vainqueur de la Supercoupe d’Afrique en 2000 et finaliste en 1997.
• Vainqueur de la Ligue des champions arabes en 2006 et finaliste en 1996.
• Vainqueur de la Coupe afro-asiatique en 1999

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