Culture

Reportage : Turin : un bout de Fquih Ben Saleh en Italie

© D.R

Une foule de marocains s’agite autour d’une voiture. Le plus jeune d’entre eux tente de les convaincre qu’il s’agit d’une bonne affaire et qu’il n’a décidé de vendre le véhicule que pour régler ses problèmes financiers. Un autre fait son entrée en scène en apportant des verres de thé sentant la menthe. Des négociations à la marocaine que seul un sifflet interrompt. Les célèbres carabinieri (gendarmes italiens) viennent d’arrêter un dealer, un jeune Subsaharien, surpris en flagrant délit.
Nous sommes à Porto Palacio, en plein cœur de Turin, au nord de l’Italie. Jetant un regard furtif sur ces policiers, les jeunes Marocains continuent leurs tractations. Les affaires semblent marcher. Le traditionnel contrôle d’identité n’est pas la tasse de thé des carabiniers qui font leur ronde dans ce marché qui ressemble au célèbre Derb Ghalef à Casablanca. Ici, on ne risque guère de se sentir à mille lieues de chez soi. Le dépaysement est loin d’être garanti et on dirait que FBS (Fquih Ben Saleh pour les initiés) est plutôt à un vol d’oiseau. À Porto Palacio, on  trouve de tout. À quelques encablures de cette célèbre place, un quinquagénaire tient une épicerie finement marocaine. Sur les étagères, des produits de première nécessité tels que l’huile, la farine et le thé. Et en tête de gondole, des boîtes de beurre rance et des pains de sucre. Le tout «made in Morocco» !
«Les Marocains de Torino optent pour des produits importés du pays. À titre d’exemple, une bouteille d’huile italienne est moins chère qu’une bouteille marocaine, mais eux, ils préfèrent acheter des produits chers mais sentant le bled!», avoue l’épicier  souriant. C’est une sorte de label terroir que cet épicier exploite en compagnie de ses enfants qui travaillent avec lui.
Des clients qui, au nom de la solidarité, s’approvisionnent chez le même fournisseur. C’est le cas d’Abdelkader, 35 ans, qui vend de la menthe et du persil. «Cela fait 8 mois que je suis à Torino. Et c’est grâce aux familles marocaines que j’arrive à payer le loyer et subvenir à mes besoins dans l’attente de trouver un autre travail, un vrai», raconte-t-il. L’histoire d’Abdelkader ressemble à celle de centaines d’autres jeunes rêvant de l’Eldorado de l’autre rive de la Méditerranée. Son long périple commence dans un village dans la région de Marrakech et se termine dans un appartement étroit partagé avec six autres immigrés clandestins. Entre le point de départ et celui de l’arrivée, il s’est recroquevillé, quelques jours, dans une remorque transportant de la marchandise vers la France. Une fois à l’Hexagone, Abdelkader continue son voyage à pied suivant l’indication d’une mystérieuse intuitive boussole. Lui qui n’a jamais quitté son village et qui ne comprend pas un mot de la langue de Molière ou de Prodi. Pour trouver un logement, une fois à Turin, il n’est pas question de faire tout un parcours du combattant. L’astuce trouvée semble ménager tout le monde. Un Marocain qui vient de régulariser sa situation partage sa maison avec ses amis immigrés contre une cotisation mensuelle. Hamid est de ceux qui arrivent à peine à payer leur part du loyer. Cela fait presque deux mois qu’il a mis les pieds sur la terre italienne.
Ici, chacun a une histoire. Hamid, un jeune Casablancais qui n’a pas l’air d’un clandestin raconte qu’il est parti pour deux années d’études approfondies en littérature française à Paris. Après avoir échoué, il décide de mettre le cap vers Turin. «Je ne savais pas à quel saint me vouer. J’ai bien réfléchi et j’ai décidé de partir pour l’Italie, au moins ici je suis sûr que je vais régulariser ma situation plus rapidement qu’en France», dit-il.
La discussion avec ce jeune de 27 ans s’interrompt avec l’arrivée, à Porto Palacio,  d’une dizaine de marocains, armés de derboukas et bendirs. Une entrée en fanfare qui ne laisse personne indifférent. Comme chaque matinée dominicale, la place est envahie par des communautés étrangères dans une sorte d’exposition à ciel ouvert. Les célèbres rythmes de Nass El Ghiwane et autres Hajib et Daoudi joués par de jeunes musiciens, eux aussi immigrés clandestins, font régner une ambiance marocaine   dans un décor parfaitement italien.
De tous les autres ressortissants Marocains installés en Europe, ceux de l’Italie sont vraiment particuliers. Travaillant essentiellement dans le secteur de l’industrie de l’automobile, ils sont majoritairement issus de la même région : Beni Mskine, Béni-Mellal, Fquih Ben Saleh et Khouribga. En effet, Turin abrite les sièges des usines Fiat, Iveco et Alpha Roméo.
Depuis le début des années 1990, l’Italie est devenue la destination favorite. Au bout de deux ans d’installation, le premier arrivé emmène avec lui son épouse, ses enfants, ses parents, ses cousins… En attendant le reste !
«Les Marocains sont des clients particuliers. L’achat de billets d’avion se fait tout au long de l’année puisqu’ils invitent leurs parents et autres membres de la famille à venir dans le cadre du regroupement familial », remarque Alfredo Paciccio, directeur d’une agence de voyages qui fait plus de la moitié de son chiffre d’affaires avec les Marocains. 
Officiellement, ils sont 60.000 marocains à résider dans la région de Piémont dont la capitale est Turin. C’est sans compter les milliers de sans-papiers qui attendent impatiemment la régularisation de leur situation. Une attente qui ne sera pas longue à en croire certains représentants d’associations marocaines. Au pouvoir en Italie depuis quelques semaines, la gauche a promis de régulariser près d’un demi-million de clandestins dans les mois à venir. Les Marocains à eux seuls s’accapareront la part du lion. Hormis ce sujet, la vie politique n’intéresse qu’une poignée d’initiés.
C’est que la plupart des familles poussent leurs enfants scolarisés à choisir des filières de formation professionnelle dès le lycée. Il faut travailler, gagner des euros et les envoyer au bled. Ce sont-là trois mots d’ordre qui se transmettent de génération en génération. Peu importent les moyens. L’argent n’a pas d’odeur, encore moins en Italie. L’immigration clandestine est un terreau fertile de recrutement pour les réseaux mafieux.
Une pépinière qui compte de plus en plus de jeunes membres fascinés par l’argent facile. Et pour en gagner, chacun a ses manières. Fatéma «la jument» a choisi le chemin le plus court en faisant le trottoir sur l’une des grandes artères de Turin. La quarantaine, cette originaire de Fquih Ben Saleh a hérité de ce surnom grâce à sa taille «généreuse» et une corpulence qui ne laisse guère indifférent.


 Conseil des MRE : la course
des associations


Il y a 500 associations marocaines à travers le territoire italien. L’annonce de la création d’un Conseil supérieur de la communauté marocaine à l’étranger est le sujet d’actualité dans les discussions entre les représentants de ces associations. En effet, la création de ce Conseil fait partie des quatre mesures annoncées lors du discours royal du 6 novembre 2005, à l’occasion du 30ème anniversaire de la Marche verte, et au cours duquel le Souverain avait annoncé la décision d’octroyer le droit de vote aux Marocains de la diaspora et une représentation à la première Chambre du Parlement de «façon appropriée, réaliste et rationnelle». Aujourd’hui, toutes les associations veulent avoir voix au chapitre et s’activent pour ratisser large auprès des ressortissants marocains.

DNES à Turin

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