Culture

Saïd Bey, l’étonnante ascension d’un comédien

© D.R

Né dans un patelin situé à Aïn Taoujdat (à 30 km de Meknès et à 27 km de de Fès), Saïd Bey n’aurait peut-être jamais imaginé qu’il puisse un jour être au centre… d’intérêt. Comme tous les enfants de Taoujdat, ce fils d’instituteur a eu «droit» à sa part de privations. Dans cette petite ville isolée, les habitants manquaient du minimum de moyens de vie, fortiori de structures culturelles. Le seul cadre où les jeunes de cette petite ville marginale pouvaient se réunir, c’était une église qu’ils ont squattée. «C’était dans cette église que nous avons pu créer l’Association culturelle Bni Mtir», se souvient-il avec fierté. Mais à défaut de salle de spectacle, d’encadrement, et tout, l’enfant devait parcourir une trentaine de kilomètres pour nourrir sa passion précoce pour le théâtre à la maison des jeunes de Meknès. Ni l’éloignement, ni le manque de moyens et moins encore l’hésitation de parents suspicieux à l’idée que leur enfant puisse vivre de théâtre ne l’ont empêché de s’adonner à son art de prédilection. Quand on sait qu’il a laissé tomber une formation aux Beaux-Arts, sachant que la peinture faisait également partie de ses préférences, qu’il abandonnera la Faculté des lettres et des sciences humaines de Meknès un an après y avoir accès, qu’il a mis un point d’honneur à passer l’épreuve de l’Institut supérieur d’art dramatique et d’animation culturelle (Isadac), qu’il lui a fallu supporter de lourdes charges matérielles pour pouvoir poursuivre ses études dans cet établissement, qu’il a dû surmonter son handicap d’enfant issu d’un milieu défavorisé pour s’intégrer dans un milieu rbati très fermé, quand on sait tout cela, on peut mesurer à quel point Saïd Bey a dû souffrir pour se forger une place parmi le gotha restreint des jeunes acteurs les plus en vue aujourd’hui. « Pendant mes études à l’Isadac, j’étais presque sans le sou.
A la veille d’être admis à cet institut, j’ai dû habiter dans un hôtel minable à Bab El Had à Rabat », se rappelle-t-il. Imaginez dans quel état cet artiste devait passer son examen : gêne matérielle, incommodité du lieu d’hébergement, trac de l’examen avec ce que cela implique en termes de stress… Il aura fallu avoir un moral d’acier pour franchir le pas. Saïd Bey n’y était pas allé de main morte, pour lui il était question de décrocher à tout prix une place parmi les étudiants de la 7ème promotion de l’Isadac. C’était parti pour quatre ans de formation à l’art dramatique. « C’étaient les plus longues années de ma vie, j’ai dû avoir recours à quelques petites participations dans des films étrangers pour financer mes études à l’Isadac», explique-t-il. Au commencement, il y a eu une participation à la série « Rencontre avec la Bible» réalisée par le cinéaste allemand Werner Hans Smith. «J’ai tourné dans deux épisodes : Joseph vendu par ses frères dans lequel j’ai incarné le frère de Joseph Gad et Jérôme traduit la Bible dans lequel j’ai campé un petit rôle ». Cette participation a permis au jeune étudiant de se faire un peu d’argent mais aussi d’affronter pour la première fois la caméra. Passé ce moment, il se remettra à ses études. A l’instar des étudiants de sa promotion, il bénéficiera de plusieurs stages encadrés par des metteurs en scène marocains et étrangers. Saïd Bey dit être fier d’avoir travaillé avec son compatriote Mohamed Khoms sur la mime, le mouvement, la souplesse…  Il dit également être fier d’avoir côtoyé à ses débuts Nabil Lahlou, « un bon directeur de comédiens », et côté international, Roger Young, réalisateur du film «Jésus », etc.
Un cursus riche de rencontres avec des professionnels de la scène, nationaux et internationaux.
Mais voilà, après avoir obtenu en 1996 son diplôme de comédien à l’Isadac, Saïd Bey avait rendez-vous avec une mauvaise surprise. « J’ai été choqué de constater que l’on demande aux comédiens d’apprendre les textes par cœur, alors qu’il fallait travailler sur l’analyse du texte, discuter la vision du metteur en scène… », fait remarquer le comédien, d’un ton lucide. Remarque partagée par l’ensemble des lauréats de l’Isadac qui ont le mérite d’avoir bousculé un certain théâtre empreint de bavardage et d’avoir privilégié un théâtre plutôt visuel. Une nouvelle tendance qui se traduit par l’introduction de nouvelles techniques scéniques : exploitation de l’audiovisuel, utilisation de l’expression corporelle, mise en place et scénographie fonctionnelles… Ce sont ces techniques-là que l’on peut trouver dans les créations de cette jeune génération d’Isadaciens. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Saïd Bey a joué dans des pièces de théâtre recherchées. On pense particulièrement à « Bladi, mon pays» et « La Dernière danse » de la troupe Théâtre des Sept.
S’agissant de cinéma, Saïd Bey doit sa révélation au réalisateur Mohamed Smaïl. « C’est grâce au film Et après de Mohamed Smaïl que j’ai pu me faire connaître du large public, mais aussi des réalisateurs  qui ont apprécié mon interprétation », reconnaît-il. « Ce film a été pour moi un porte-bonheur dans la mesure où juste après j’ai été sollicité par Mohamed Smaïl pour tourner dans son téléfilm «Amwaj al-bar » réalisé pour le compte de 2M ». Alors, non seulement Saïd Bey a pu percer au théâtre, et plus encore au cinéma, mais aussi à la télé où il a pu installer une tête. Et là, son passage dans la sit-com « Ich nhar tsmaâ khbar » ou encore « Lalla Fatéma» lui a permis d’apparaître sur un autre registre d’interprétation, à savoir le genre comique. La percée télévisuelle de Saïd Bey ne s’arrêtera pas là. L’acteur recevra plusieurs propositions pour des téléfilms dont « Mission », « Ould Al-Hamria », « Brigade » « Allal Ould Qalda », « Addam Al-maghdour »… Le dernier téléfilm où Saïd Bey a tourné date de ces dernières semaines, en l’occurrence « Demande d’emploi » de Saâd Chraïbi.
Cette forte sollicitation n’est pas le fruit du hasard, loin de là. Elle est bien entendu le résultat d’un travail patient.
Le sérieux finit par payer.

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