Culture

Santé : Oncoma : La convention est signée

© D.R

ALM : Vous exercez au Centre anti-cancéreux Léon Bérard à Lyon depuis 1989. Depuis 4 ans, vous participez et animez les rencontres de l’Amicale des cancérologues marocains. Quel regard portez-vous sur l’évolution de la cancérologie au Maroc ?
Hervé Mignotte : Lors de ma première participation en 2002, j’avais été d’emblée frappé par le sérieux et la compétence des différents orateurs marocains. S’y ajouter l’envie évidente de progresser et d’acquérir de nouvelles connaissances. Cela se traduisait et se traduit encore cette année par des questions nombreuses et pertinentes. Dans le contexte actuel du plan Cancer mis en route au Maroc, on ne peut qu’être persuadé de l’essor de cette spécialité dans votre pays. J’ai pu, au cours de ces nombreux échanges, mesurer la qualité des équipes ainsi que des établissements privés que j’ai pu visiter l’an dernier. En toute franchise, je n’avais pas cette vision avant mon premier séjour !!

Au travers du réseau Oncora, vous êtes le parrain en quelque sorte du réseau Oncoma qui est en cours de gestation. Quel intérêt d’un tel réseau ? Comment pouvons-nous gagner le temps précieux qui nous sépare de son application ?
Il y a deux ans, il m’est clairement apparu que l’un des buts de cette Amicale était de faire progresser la cancérologie, d’échanger des connaissances et de construire des outils pour la prise en charge des patients atteints de cancer. C’est la base d’un réseau, entité qui réunit de façon volontaire et donc dynamique des cliniciens animés du même désir d’accroître le nombre de malades guéris. Je ne sais pas si je suis le parrain d’Oncoma mais je suis très fier d’avoir pu œuvrer pour sa création. Ce n’est que la première pierre et nous avons eu le même sentiment à Lyon en 1994 lors de la création d’Oncora : où va-ton ? Que va-t-on y gagner ? C’est en fait un lieu d’échanges et de progrès dont la construction sera progressive et parfois un peu chaotique. Notre expérience au sein du réseau Oncora est mise à la disposition du Maroc au travers de cette convention signée samedi entre Oncoma et Oncora. Cet acte fort et symbolique vous permettra d’avoir accès aux référentiels de notre réseau afin que les cancérologues marocains en discutent et se dotent eux-mêmes ainsi d’outils performants. A terme, cela pourra conduire à des procédures d’accréditation, qui peuvent sembler contraignantes mais qui sont en fait source de progrès. Le but est simple : offrir la même qualité de soins au maximum de patients, quelle que soit leur situation.

Nous sommes au Maroc au démarrage de l’Assurance- Maladie qui, cela va sans dire, a des soucis de bonne gestion. Comment les protocoles thérapeutiques peuvent-ils être pensés compte tenu de la contrainte coût/efficacité ?
Je suis particulièrement intéressé par cette mise en place de l’Assurance-Maladie au Maroc et je mesure, en comparant cela au système français, les difficultés et l’immensité de la tâche. Le rapport coût/bénéfice est, quel que soit le pays, le nerf de la guerre. Même en France, l’époque à laquelle on pouvait prescrire tout et n’importe quoi est en train de disparaître, même si le chemin est loin d’être totalement parcouru. La mise en place au Maroc de groupe d’experts pour chaque pathologie s’accompagnera forcément d’un besoin de protocoles pour la prise en charge. Nous avons eu en France la même démarche. Ceci a conduit les spécialistes à mettre en commun leur connaissance et leur analyse de la bibliographie. Les différents réseaux français, réseaux en règle régionaux, ont construit des protocoles standards pour chaque situation. A côté de ces standards, les options et les recommandations permettent à chaque médecin de proposer un parcours de soins personnalisé. La route sera longue mais les conventions type Oncoma/Oncora sont d’importants moyens d’aide.

Quelle est l’approche actuelle de la prise en charge des cancers du sein chez la femme ?
La pluridisciplinarité en premier lieu car il faut être plusieurs pour être efficace ( chirurgien, oncologue médical, radiothérapeute, radiologues, pathologiste…).
Des progrès importants ont été effectués ces dernières années dans toutes les spécialités qui combattent ce fléau. En chirurgie, on peut citer la place du ganglion sentinelle qui évite dans 60% des cas l’ablation des ganglions de l’aisselle et diminue ainsi les séquelles au niveau du membre supérieur (gros bras, douleur,etc). Nous sommes aussi particulièrement attachés à proposer aux patientes atteintes d’un cancer du sein de participer au choix du traitement soit conservateur, soit plus mutilant avec l’ablation du sein. Les taux de guérison sont identiques mais dans notre expérience une  femme sur quatre préfère la chirurgie radicale.
Enfin, la chirurgie de reconstruction et les techniques de chirurgie plastique font maintenant partie intégrante du traitement chirurgical du cancer du sein. Les progrès sont identiques en radiothérapie avec un meilleur ciblage et un meilleur dosage des rayons qui doivent être délivrés. D’autres techniques plus sophistiquées voient le jour (radiothérapie partielle du sein).
En oncologie médicale, l’arsenal thérapeutique s’est enrichi ces dernières années tant en chimiothérapie qu’en hormonothérapie. L’avènement des thérapeutiques ciblées qui n’atteignent que la cellule cancéreuse et qui sont mieux tolérées représente la voie de recherche actuelle.
Mais dans tous les cas, plus la prise en charge est précoce, plus grandes sont les chances de guérison.

Peut-on concevoir un dépistage de masse au Maroc et quel en serait le retour sur investissement ?
C’est l’éternelle question !!! Oui bien sûr, il faut encourager une telle démarche car l’effet bénéfique du dépistage de masse est prouvé comme en témoigne la baisse de mortalité observée.
De telles campagnes de dépistage sont lourdes à mettre en place et imposent des règles strictes, avec un cahier des charges contraignant: qualité de l’information des femmes, formation des «dépisteurs» et mise à niveau des matériels, création d’un organisme de recueil et d’analyse des données, information et formation de tous le corps médical et pas seulement des spécialistes, le médecin de famille étant souvent le premier et le seul interlocuteur de santé.
Bien sûr, la situation et la répartition démographique du Maroc, avec un habitat rural et dispersé important, compliqueront la mise en place. Peut-être la création d’unité mobile de mammographie est-elle une des solutions complémentaires possibles.
Quant au retour sur investissement, il est évident : augmentation du nombre de patients guéris avec des traitements souvent moins agressifs et moins coûteux.

Propos recueillis
par Dr A.H.Tadlaoui

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