Culture

Talal Selhami : «Remporter un prix sera la cerise sur le gâteau»

© D.R


ALM : Que représente pour vous votre participation à cette compétition?
Talal Selhami : Le fait que cela se passe à Marrakech est génial puisqu’on a tourné «Mirages» non loin, à Ouarzazate. L’équipe du film est contente d’avoir participé au tournage. Ce sont des gens très qualifiés qui se sont donné à fond et qui n’ont jamais perdu le cap de l’ambition et de la passion. Ce n’est pas gratuit de dire que déjà la participation de «Mirages» à la compétition le récompense. Après, si vraiment on a le bonheur de gagner un prix, ce sera la cerise sur le gâteau.

Quelle est l’idée initiale qui a fait naître ce film ?
A la base, sans dire que c’était une commande, Nabil Ayouch, le producteur du film et la SNRT cherchaient des projets. Nabil a fait appel à moi et m’a fait confiance sur ce projet. Cela dit, ce film est basé sur l’idée du huis clos. Il y a beaucoup de films qui choisissent le  huis clos pour des contraintes budgétaires, des questions de temps, du nombre de comédiens et de figurants… Or, pour «Mirages», on a choisi un huis clos non à l’intérieur, mais à l’extérieur étant donné que le Maroc a des paysages magnifiques, sachant que j’ai toujours rêvé de faire un film dans le désert.

L’idée du  huis clos a été exploitée dans différents films. Qu’est-ce qui distingue le vôtre?
Pour «Mirages», on part du principe que la peur est universelle, qu’on soit marocain ou américain, on a tous peur de la même façon, c’est humain. Même si c’est un film de genre qui répond à des codes, j’espère que «Mirages» aura sa propre personnalité. Et là, je suis convaincu que sa personnalité réside dans le fait que c’est une histoire marocaine avec des personnages, des problématiques marocains, mais avec une portée universelle.

Dans quelle mesure «Mirages» s’inscrit-il dans une sorte de cinéma populaire?
Dans la démarche de la fabrication du film, c’est qu’au final le spectateur puisse être porté par l’histoire avant toute chose et qu’indirectement, de façon inconsciente, des intentions passent. Par intention, j’entends un cinéma plus autorisant, plus d’auteur. Bien que je ne sois pas très fan de cette distinction des genres dans le cinéma. Au final, ce qui compte le plus c’est l’émotion du spectateur.

Combien de temps ont pris l’écriture et la réalisation ?
L’écriture du scénario a duré trois mois, le tournage 21 jours, la post-production 9 mois. Celle-ci s’est faite à Paris, on avait moins de pression comme lors du tournage, un marathon avec ses contraintes de production. Ce qui fait qu’on a pris le temps d’explorer des pistes en montage, notamment en montage image qui a duré trois mois, le montage son a, pour sa part, pris deux mois.
Prendre notre temps durant cette ultime phase était important, parce qu’une fois qu’on décide que c’est fini c’est toujours délicat de revenir en arrière.

Qu’en est-il de l’écriture cinématographique de «Mirages»?
Le film se fait constamment de l’écriture du scénario jusqu’au dernier moment à la post-production. Oui, il y a eu plusieurs évolutions de «Mirages». Mais là où je suis par contre très content, c’est que le film ressemble beaucoup au scénario qu’on avait à la base. Chose qui n’est pas toujours le cas, parce que tu tombes toujours sur des contraintes ne serait-ce que météorologiques…

Comment êtes-vous arrivé au cinéma ?
Je suis né en France, j’y ai passé dix ans avant de venir au Maroc pour y vivre dix ans puis repartir il y a 7 ou 8 ans pour faire mes études et m’installer en France. J’ai 28 ans, et depuis mes 12 ans j’ai rêvé de faire ce métier. Oui, je sais que j’ai beaucoup de chance car, en général, en France, la moyenne d’âge pour le réalisateur d’un premier long-métrage est de 35 ans. Ce qui m’a le plus permis d’apprendre sur le cinéma c’était de voir des films en tant que spectateur, et avoir des émotions, sans forcément, dans un premier temps, les analyser. Par la suite, mes études de cinéma m’ont permis d’avoir un regard plus critique et analytique, cela a été complémentaire. J’ai fait des courts métrages qui ont participé à divers festivals dans le monde.


Chocolat belge et mirages marocains

La famille dans ses différentes variantes continue d’écrire le scénario des films de la compétition officielle du FIFM, spécialement au sein du cinéma européen. Une variante du paradigme postmoderne qui plane sur une écriture réticente à toute pensée qui prétendrait à la totalité… Le film belge «Marieke»,  premier long métrage de Sophie Shoukens, nous offre par exemple une famille monoparentale où seule la mère, après la disparition du père, est là pour accompagner sa fille unique dont le nom donne son titre au film. La figure du père hante – le mot est approprié puisque le film s’inscrit dans le genre fantastique –  le film «Mirages», du  Marocain Talal Selhami. Les jeunes cinéastes font leur entrée dans «la famille cinéma»  en interrogeant la famille comme  concept à travers ses fondements originaux, ses traumatismes et ses impasses…Dans le film belge, il y a un retour des images passées pour signifier un vide, une lacune dans le dispositif que la maman tente de faire accepter à sa fille. Celle-ci vit cependant une expérience insolite dans sa mutation vers l’âge adulte. Jeune ouvrière dans une chocolaterie, elle vit passionnément des relations d’amour avec des hommes beaucoup plus âgés qu’elle. Des scènes fortes d’une grande émotion qu’elle immortalise en photographiant ces corps livrés à l’œuvre du temps, c’est-à-dire à la déchéance. Montrant ces photos à une de ses amies, celle-ci trouve ces fragments de corps beaux : «c’est toi qui les rend beaux», lui dit-elle, dans une merveilleuse inspiration. Dans son contexte social, «Marieke» est une battante, elle est filmée d’une manière qui nous rappelle Rosetta, la célèbre protagoniste des frères Dardenne qui a marqué tout le cinéma belge : on la voit courir filmée en plans rapprochés et caméra mobile à l’instar du cinéma « engagé » des frère Dardenne… mais , ici, c’est plutôt le triangle freudien mère, père, fille qui encadre l’enjeu dramatique. Le retour à l’appartement originel des parents équivaut à une remontée dans la mémoire collective pour découvrir la part du secret. Le passé familial encore,  livré ici comme une véritable boîte de Pandore. La perte de l’innocence aura coûté le prix fort. Mais le film se termine sur une réconciliation de la mère et de la fille dans un milieu aquatique comme une forme de renaissance : l’eau de l’accouchement d’une nouvelle relation.  «Mirages»  du jeune Selhami interpelle, lui, la famille du cinéma marocain. Ses «Mirages» revendiquent une filiation cinéphilique à travers un genre fortement codé, le fantastique. Abordé ici cependant avec un cahier des charges ouvert sur plusieurs possibles narratifs et esthétiques. C’est un huis clos à ciel ouvert en quelque sorte. A ce niveau, le film a pour ambition de placer le cinéma marocain là où avait abouti le cinéma dominant, l’américain notamment. Il lui offre par la même occasion une nouvelle climatologie extrême, le désert. Cinq jeunes gens sont appelés, pour accéder à un job, à passer un test d’endurance et de compétition pour dégager celui qui remportera le poste. Un clin d’œil aux jeux de télé-réalités qui jettent des personnages dans des îles et les invitent à s’en sortir par leurs propres moyens. Ici, ce n’est pas une île, c’est un désert.   Paysage vide écrasant par son uniformité et son nihilisme stylisé. Selhami nous livre une belle construction métonymique où le monde est un désert, où s’évaporent toutes les croyances et ne subsistent que les mirages… sa mise en scène combine une direction d’acteurs qui puise dans les règles de la dramaturgie (variations de caractères : le bon, la brute et le méchant…) pour rassurer le récepteur qui retrouve des figures stéréotypées et une direction du regard qui déroute par un jeu constamment ouvert sur l’inattendu…au point de partager ce public. Ce qui fait partie du programme. 

Par Mohammed Bakrim

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