Culture

Tanger : une cité qui sort de sa torpeur

© D.R

Tanger. Trente ans après l’âge d’or des années 70, la capitale du Détroit refait timidement surface. Délaissée par ses stars, punie par les tours opérateurs, la ville mythique bruit aujourd’hui de  projets gigantesques.
En enjambant l’Avenue Mohammed V, livrée aux quatre vents, en cette après-midi d’un dimanche de début mai, le piéton, sur les pas de Matisse, de Delacroix et de l’intarissable Ibn Batouta, ne peut échapper à cette petite allégresse toute méditerranéenne.
D’un côté, un littoral atlantique engagé dans une transformation au pas de charge. De l’autre, des hôtels qui poursuivent leur rénovation au compte-gouttes. Embellissement des trottoirs, refonte des chaussées, le changement est là.
Il y a à peine quelques mois, cette artère, coupée de la mer par des immeubles lugubres,  asphyxiée par les démarcheurs de tout acabit, était infréquentable pour les «filles de bonne famille », comme le susurre pudiquement un employé de l’ONCF.
Aujourd’hui, tout a changé. Sécurité et salubrité sont au rendez-vous. La rupture avec le sombre passé de ces dernières années est définitive. Le cortège du prochain Tanjazz, festival jusque-là confiné dans de petits îlots de prospérité, passera par ce boulevard en pleine renaissance lui aussi.
Le  nouveau wali, Mohamed Hassad a démantelé une bonne partie des constructions -anarchiques le plus souvent- qui empêchaient de voir la mer. Une corniche est en gestation. Œuvre gigantesque qui gagnerait cependant à être poursuivie, à être généralisée. Il y a encore du pain sur la planche.
Car, en lieu et place des bâtiments démantelés, la mauvaise herbe, les traces de détritus sont visibles, éloignant encore  de quelques bons  mètres, la plage et la grande bleue. Le sentiment d’abandon persiste, en particulier autour des terrains vagues (appartenant à la BNDE?) attenant à la plage. Mais plus de malfrats et de dealers.
Le bâtiment de l’ancienne gare de l’ONCF continue toujours à narguer les urbanistes. Outre le  fait que cela constitue toujours une source de confusion pour les visiteurs d’un jour qui ne savent pas s’il faut se rendre vers la nouvelle gare –déjà fonctionnelle- ou rester dans l’ancienne, qui conserve toutes ses apparences, ce bâtiment est à lui seul un obstacle pour accéder à l’Océan.
Tout à côté, le port de Tanger, somnole en attendant la saison de retour des MRE. La  mutation annoncée  de cet ouvrage en port de plaisance est-elle toujours d’actualité ?  Vieux bâtiments, ruelles toujours sombres, environnement toujours difficile et silhouettes affairées. Difficile pour le passant, peu habitué, de ne pas résister à la tentation de doubler le pas, pour gagner la médina voisine.
Si le programme d’assainissement permet à la ville de se débarrasser de ses mauvaises odeurs, si la police a fait le ménage en rendant la cité de nouveau sécurisée, en revanche, il faudrait déplacer des montagnes pour rendre à Tanger son lustre d’antan, pour renouer avec l’âge d’or. Quand, comme le raconte ce vieillard rencontré au hasard dans un snack, Tanger rayonnait sur toute la Méditerranée. Il y a une certaine mélancolie qui se dégage des conversations par rapport à cette période faste.
Faute de perspectives d’avenir, le Tangérois célèbre son passé.
Chaque endroit a sa célébrité. Le Café Hafa et son luxe simple, son air pur, réceptacle des jeunes touristes et randonneurs,  perpétue la mémoire de Mohamed Choukri, l’auteur du «Pain nu», amoureux des effluves inspiratrices. Ailleurs, en plein centre de Tanger, l’hôtel Rembrandt continue d’entretenir avec soin la chambre qu’occupait Habib Bourguiba, père de l’indépendance tunisienne, qui parviendra inextremis à échapper à ses poursuivants français, en sautant d’une fenêtre du troisième étage,  à l’aide d’une corde.
Du côté de Cap Spartel, à l’hôtel Mirage, résidence où logèrent bon nombre de chefs d’Etat, une statuette noire imposante, perpétue le souvenir d’un passage fastueux de Mobutu Sese Seko, ex-président de la république du Zaire (RDC), venu ici en villégiature avec toute sa cour.
Que dire du Robinson, tout à côté, autrefois lieu du bon snobisme, aujourd’hui transformé en boîte de nuit ?
En fait, l’une des meilleures de la ville car, ailleurs, le plus souvent hélas, la mauvaise fréquentation courtise la bière frelatée et le vin fourgué. Exceptont, le Casino de Tanger, respectable lieu d’animation, fréquenté par une certaine classe. Passé ce havre de tranquillité,  la plupart des endroits de la nuit offrent des cocktails de différentes natures, différentes conditions,  avec des artistes, des hères à l’image du bar de l’hôtel Solazur.
Bruits de tambours, éclats de rires, applaudissements, lumières des candélabres. Sous l’ombre discrète des lampadaires, pressée par la misère,  Tanger la pudique rencontre Tanger la coquette, la fêtarde sous fonds de bruits de décollages.

Décollage : qu’en pense-t-on à Tanger ?
Parti juste avant la décadence, revenu il y a quelques mois, à la veille du «redecollage»,  Abdelah Jenati, directeur général de l’hôtel Rif,  est le témoin oculaire de cette belle époque, quand, comme il le dit si bien, «Tanger était la première ville touristique du royaume». L’insécurité et  la forte saisonnalité ont depuis mis la destination à genoux. La crise du Golfe de 1991, «Une catastrophe», commente M. Jenati,  l’a achevée.
Aujourd’hui, tout comme cet établissement retapé qu’il dirige et  où séjourna  Winston Churchill, Tanger est en pleine renaissance.
Les projets foisonnent : Tanger Med, zone franche, nouvelle gare, Tanger City Center, aménagement de la plage de Ghandouri (10 lots en attribution), mise à niveau de la Médina…éclairage et blanchissement des façades.  Le  frémissement est réel. Grâce aux milliards de dirhams investis par la CDG, la Fadesa, les  Fonds émiratis, le Groupe Chaâbi, la Royal Air Maroc, et  Atlas Hospitality, repreneur du Palais Tazi qui, dès l’année prochaine, offrira à la ville son premier palace. Un terrain de cricket est attendu. Nouveaux stades, nouveaux parcs publics, nouveaux visages.
Du coup, c’est un véritable vent d’optimisme qui s’empare des opérateurs touristiques. Après une longue traversée du désert, l’hôtellerie locale a renoué à la fin 2005 avec des hausses de 7%. Chiffre qui pourrait être encore plus important si la plupart des établissements – en ruine- étaient rénovés.  Mis à part l’hôtel Oumnia, le Movenpick et le Rif, peu ont rénové. Un espoir cependant, l’hôtel Solazur s’apprête  à procéder à une mise à niveau complète. Ne manque plus à Tanger qu’un Palais des Congrès. «C’est urgent!», clame Mohamed Boucetta président de l’Association de l’industrie hôtelière.
«Il y a de plus en plus de demandes pour les séminaires et les congrès qui dépassent de loin nos petites salles de 200 à 300 personnes», poursuit-il, en tenant à féliciter le wali pour le travail accompli il y a peu : «avec M. Hassad, il y a enfin une vision globale, une dynamique. Mais il nous faut tout de suite résoudre certains problèmes ».
L’aérien reste évidemment l’une des grosses carences de la ville. Situés seulement à une heure de Lisbonne, les Tangérois doivent souvent aller jusqu’à Casablanca pour rallier le vieux Continent. Les touristes qui y viennent doivent aussi subir cinq heures d’attente  à l’aéroport de Mohammed V pour des liaisons en général nocturnes et peu respectueuses de l’horaire.

Tanger-Med, le port du futur
La réalisation de «Tanger-Méditerranée» aura des retombées économiques importantes en terme d’emplois, de création  de valeur ajoutée et d’investissements extérieurs. La position privilégiée sur le détroit de Gibraltar, à la croisée de deux grandes routes maritimes, et à 15km de l’Union Européenne permettant de desservir un marché de centaines de millions de consommateurs au travers des zones franches industrielle et commerciale à confier à des opérateurs privés de renommée.
Il permet aussi de capter une part du marché de transbordement de conteneurs  en forte croissance et de devenir le premier hub de transbordement de céréales,  infrastructure inexistante actuellement dans la région Nord-Ouest Africaine. La réalisation du projet dans sa  globalité, nécessite un investissement total estimé à  11 milliards de Dirhams (1 milliard de dollars). La construction et l’équipement du nouveau port nécessiteront la somme de 390 millions dollars (4300 millions Dh), l’aménagement des  zones franches 210 millions dollars (2300 millions Dh), les infrastructures de connexion 310 millions US dollars (3400 millions Dh) et les travaux hors site (eau, électricité, téléphone) 90 millions dollars ( 1 milliards Dh).

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