Culture

Taroudant, un présent peu reluisant

© D.R

Le 9 juillet 2005, 14H00, Place Joutia-Taroudant. Saïd Oubouhou, artiste-sculpteur, avait l’air épuisé. A l’heure du repas, il continuait à sculpter sur du calcaire un portrait de femme. Sur les façades de son atelier, ayant élu domicile parmi une kyrielle de bazaristes, on pouvait apprécier quelques sculptures d’une finesse désarmante. «Ne pensez-vous pas exposer vos travaux dans une galerie d’art ?», lui a-t-on demandé. Mais voilà qu’il répond par un sourire désabusé, avant de grommeler quelques paroles qui en disent long sur son dépit. On devine facilement le pourquoi de son désenchantement. Taroudant manque cruellement d’animation. Cela paraît paradoxal dans une ville historique, où les monuments sont légion. «Ce qui manque, c’est le manque d’initiative de la part des autorités culturelles de la ville, si tant est qu’il y en ait », précise Oubouhou, d’un ton résigné. En effet, on se demande pourquoi ces monuments, dont des k’sours fabuleux, ne seraient pas convertis en espaces d’art. Cela est de nature à leur redonner âme, et tout simplement à les rendre utiles. Mais d’un point de vue «officiel », cela n’est pas entendu de cette oreille. La culture reste, malheureusement, le secret le mieux gardé. Devant le désintérêt des autorités, ajouté à l’inculture ordinaire dont souffre une population contrainte à subvenir aux besoins pressants d’un quotidien difficile, Oubouhou, qui a hérité l’art de la sculpture de son père, en est réduit à brader ses objets d’art à quelques touristes en quête d’exotisme. «J’ai exposé deux fois à Agadir, mais je ne suis même pas rentré dans mes frais», se plaint-il, avant de formuler son espoir de pouvoir un jour faire le déplacement à Rabat, ou Casablanca, pour présenter ses sculptures. Cela reste d’autant moins possible qu’Oubouhou, a fortiori inconnu du milieu artistique, a un CV dégarni, sachant que ce CV compte quelques expositions qui se comptent sur le bout des doigts, ce qui risque de contrecarrer son rêve d’exposer dans des galeries comme Bab Rouah, Bab El Kébir (Rabat) ou le Forum de la Culture (Casablanca). Le «cas «d’Oubouhou n’est pas une exception, plusieurs autres artistes de Taroudant sont confrontés au même calvaire. Dans le registre de la chanson, les «Roudaniates», héritières d’un mode musical ancestral typique à cette belle région du sud marocain, en savent également quelque chose. Ces femmes, il est vrai, ont été sollicitées à plus d’une reprise à Rabat et Casablanca, notamment dans le cadre des «Belles nuits du Ramadan», manifestation organisée par les Instituts culturels français, mais leur art, à défaut d’être traité pour ce qu’il vaut, c’est-à-dire comme une part vivante de patrimoine, est réduit à sa stricte expression «folklorique». Organiser un festival à Taroudant non seulement permettra de réhabiliter ce mode musical traditionnel, mais aussi donnera à cette région, qui vit dans l’ombre d’Agadir, le moyen de sortir de l’ombre et retrouver son éclat d’antan, d’autant plus qu’elle a de grands atouts historiques, en plus de remarquables richesses naturelles. Ce festival sera en quelque sorte la carte de visite pour une ville qui a de quoi devenir un autre pôle d’attraction touristique dans le sud marocain, sans oublier les retombées que des manifestations pareilles pourront avoir sur une jeunesse roudanie abandonnée à son sort. Pour s’en rendre compte, il suffit de se rappeler les crimes commis ces derniers temps par un serial killer roudani sur plusieurs enfants de cette ville.
Une preuve, s’il en faut, de l’avancée monstrueuse de la délinquance, résultat d’une longue série d’injustices. Prémunir cette jeunesse contre toutes sortes de dérives revient à investir dans son épanouissement intellectuel, à mettre à sa disposition des espaces d’expression, sachant bien que la culture, on ne le répétera jamais assez souvent, constitue un rempart contre la délinquance.

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