Culture

Transport sanitaire : l’urgence d’une réforme

© D.R

Les professionnels du transport sanitaire n’ont même pas encore tous lu la dernière mouture du nouveau cahier des charges réglementant le secteur dans la wilaya du Grand Casablanca qu’ils commencent déjà à rouspéter. Ceux qui en ont pris connaissance notent que le document requis pour l’exploitation omet de préciser les normes de la cellule sanitaire. «Il n’y a ni longueur ni hauteur prescrites pour les ambulances, ce qui revient à encourager l’utilisation de véhicules de type fourgonnette et semi-fourgonnette», avance Abdelhamid Mouden, directeur général d’Inter secours assistance et président de l’Association du transport sanitaire privé au Maroc.
Ce document tant attendu permettra de mettre à niveau le secteur en mettant fin à l’anarchie qui règne devant les grands hôpitaux de Casablanca.
Côté service technique, il n’existe aucune norme pour la mutation des cartes grises en genre «ambulance». D’où les confusions entre d’autres types de transport sanitaire, à savoir le transport des handicapés, le transport des nouveau-nés en couveuse, le transport psychiatrique…
Aussi, avant même qu’il ne soit appliqué, ce texte qui compile sa quatrième année dans le «pipe» des arrêtés à paraître, est jugé incomplet. Et pour cause ! Il ne fixe pas de normes pour la cellule sanitaire aussi bien pour l’ambulance simple dite «normalisée» que pour l’ambulance dite «médicalisée», pouvant être le siège d’interventions chirurgicales.
D’après l’association, qui s’exprime par la voix de son président: «Il est impératif d’arrêter les normes de la cellule sanitaire pour les deux types de véhicules».
Sévères dans leur diagnostic, les professionnels notent qu’actuellement 20% des autorisations sont louées à de tierces personnes qui ne disposent pas de véhicule. Plus grave encore, 30% des intervenants ne sont pas en règle sur le plan fiscal (Déclaration du RC), 15% disposent pour tout bureau d’un local et d’un bureau d’accueil.
Seules sept entreprises disposent des moyens pour assurer le transport médicalisé. Trois entreprises d’assistance sont agréées par le ministère des Finances, à savoir ISAAF, Axa et Maroc Assurance. Quant à Inter Secours Assurance, UMA, Wafa et Safa, il s’agit en fait de représentants d’entreprises étrangères d’assistance.
A Casablanca, le parc déclaré est de 160 véhicules dont plus de 50¨% a plus de dix années d’âge. En tout, quinze véhicules sont ainsi en mesure de faire office de «Blocs mobiles de réanimation» et d’assurer le transport médicalisé. Avec la facilité douanière accordée au secteur en 2002, il y a eu un élan pour le renouvellement du parc du transport sanitaire privé à Casablanca. Plus de 70 véhicules ont ainsi été introduits. L’élan s’est émoussé par la suite. En revanche, il y a eu évolution de la couverture du territoire de la ville en ambulances. Si en 1990, 80% du parc était concentré sur Casa-Anfa, actuellement ce triangle d’or du business ne retient que 30% du parc. Si en lui-même, le métier d’ambulancier n’a pas évolué, il faut noter que le parc a été modernisé à 30% grâce aux facilités douanières.
Pourtant, Casablanca est l’une des rares villes marocaines à avoir libéralisé complètement le secteur du transport sanitaire. Ainsi, il n’y a ni concession ni situation de monopole.
Par contre, les prix ne sont pas libres. L’arrêté tarifaire de 2001 fixe le tarif urbain simple à 170 dirhams hors taxes. En dehors de la ville et pour un transport simple, il faut compter 3 dirhams hors taxes par kilomètre, un tarif figé depuis 2004.
Le gel des prix sonne comme un prétexte à la spéculation dans un secteur où, à entendre les récipiendaires, les marges sont étroites.
Les quelque 80 à 85 entreprises physiques ou morales exerçant dans la willaya du Grand Casablanca (il y en aurait beaucoup plus, vu l’absence d’une liste des entreprises officielles à jour) évaluent leurs tarifs sans tenir compte du règlement imposé. En lieu et place des 170 DH hors taxes réglementaires, le tarif courant appliqué par la majorité des ambulanciers varie entre 200 et 300 dirhams hors taxes. En plus, seuls 20% des entreprises payeraient la TVA.
D’autres éléments entrent en considération dans la détermination des coûts du transport sanitaire. Les sociétés dépendent directement des remboursements pratiqués par les compagnies d’assurance. Celles-ci remboursent sur la base de 170 dirhams le transport urbain simple.
Cela alors que, selon une étude menée par l’association, le prix de revient d’un transport en ambulance à Casablanca oscille entre 120 et 130 dirhams. «La marge brute qui est dégagée est automatiquement épuisée par les impôts», clament les opérateurs.
D’où les fréquents appels à la révision de l’IS (Impôt sur les sociétés). De plus, le parc du transport sanitaire est soumis depuis 1996 au paiement de la vignette. Une lourde charge qui a freiné le développement du secteur. Cette loi provisoire suspend un dahir datant du 13 juillet 1957 et exonérant le secteur des ambulances et pompes funèbres du paiement de la vignette.

Doigt pointé sur le Croissant-rouge marocain
Evidemment, au vu des opérateurs, il s’agit d’une mesure injuste. «On impose la vignette à un parc d’à peine 450 véhicules alors que le Croissant-rouge marocain bénéficie de l’exonération totale», se plaint-on. «D’autres catégories comme les taxis, le transport du personnel et les loueurs de voitures (20 000 unités) profitent quant à eux d’une réduction de 50% sur cette taxe», explique un opérateur de la place. Aujourd’hui, un véhicule de location appartenant à une société morale ne règlera que 1.500 dirhams sur la vignette au lieu des 6000 dirhams.
Vis-à-vis du Croissant-rouge marocain, exempté de la plupart des taxes, certains transporteurs sanitaires n’hésitent pas à parler de «concurrence déloyale». Même jugement donné envers les ambulances de la commune, qui pratiquent des tarifs nettement plus attractifs que ceux des privés. Contacté, un cadre du Croissant-rouge répond doctement : «nous sommes une association auxiliaire aux pouvoirs publics. C’est assez normal que l’on soit exempté de certaines taxes. En tant qu’association à but non lucratif, nous ne sommes pas censés gagner de l’argent. Nous portons souvent assistance aux couches vulnérables et aux nécessiteux». Puis de lancer une pique aux ambulanciers du privé : «pourquoi on ne les voit jamais lors des catastrophes ou des actions caritatives ?».
N’empêche, le secteur privé se dit concurrencé par les ambulances du secteur public à hauteur de 5%, les ambulances du Croissant-rouge marocain à 2% et surtout les ambulances des communes à 30%. Les ambulances des offices et celles des grandes entreprises comme la RAM et l’OCP sont aussi pointées du doigt. Avec la nouvelle décision du ministère de l’Equipement et du Transport de renforcer les visites techniques, l’association estime que près de 15 à 20% des véhicules ambulatoires risquent d’être retirés de la circulation. Notons qu’à travers le Royaume, quatre villes pratiquaient encore une sorte de monopole via des concessions sur le transport sanitaire (ambulances et pompes funèbres). Il s’agit d’Agadir, de Marrakech, de Ouarzazate et de Tétouan. Le monopole ne laisse aucun choix au malade, obligé parfois à voyager dans un véhicule sanitaire non conforme.
Aujourd’hui, ces concessions sont passées de mode. Agadir a ouvert le marché à trois voire quatre sociétés d’ambulances seulement, sur la base d’un cahier de charges. Bien avant la concession, six sociétés exerçaient à Marrakech. Quant à Ouarzazate, obligée de se mettre à niveau avec l’ampleur qu’a connue l’industrie cinématographique, elle s’ouvre elle aussi à la concurrence.
Reste à savoir si la tutelle qui avait passablement démissionné sur ce dossier reprendra les choses en main. Le ministère de la Santé a donné délégation aux présidents de communes de gérer les services de transport par ambulances et les pompes funèbres en général.
Depuis 2001, c’est l’impasse totale dans le secteur à Casablanca, les ambulances circulent sans restriction. Il faut dire, qu’en cette année, le maire a préparé un cahier de charges pour l’exploitation des services d’ambulances. La finalisation de ce document a été reportée à plusieurs reprises.

Transport mortuaire : libéralisation à la californienne
Paie au plus fort et on te transporte ! En l’absence de normes pour les véhicules dans le transport mortuaire, les prix et les équipements varient d’un transporteur à l’autre. Un transport d’une dépouille mortuaire du centre-ville au cimetière revient à 400 dirhams. Pour le rapatriement vers une autre ville, l’addition oscille entre 900 et 4000 dirhams.

Les normes qui font défaut
La longueur de la cellule sanitaire pouvant obligatoirement contenir un brancard  est de 1,90 mètre, avec une hauteur minimale de 1,10 m pour le véhicule  simple. Quant aux véhicules médicalisés, leur longueur  est de 2,20 m pour une hauteur intérieure de 1,80 m permettant la position debout du médecin urgentiste pour prodiguer les soins d’urgences.
De plus, chaque véhicule doit être désinfecté à chaque transport d’un malade contagieux. Le véhicule médicalisé doit être équipé d’un respirateur, d’un aspirateur de mucosité, d’un moniteur avec ECG, d’un défibrillateur, d’un oxymètre, d’une pousse seringue . L‘investissement de ce type de matériel est d’environ 250 000 dirhams.

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