Culture

Un cavalier controversé

Qui l’aurait cru ? Plusieurs chaînes de télévision arabes viennent de gagner une bataille médiatique contre les Etats-Unis. Celles-ci n’ont pas cédé aux pressions du gouvernement américain–interpellé par des associations juives-qui a exprimé haut et fort son inquiétude à l’égard de la diffusion pendant le mois de ramadan du feuilleton égyptien «Faris Bila Jawad» (Cavalier sans monture).
Presse et gouvernement américains accusent les auteurs de cette production de s’inspirer d’un texte antisémite. Cette polémique explosive aura suffi à susciter la curiosité des téléspectateurs arabes pour cette série télévisée de 41 épisodes produite par la chaîne satellitaire privée Dream TV qui a diffusé le premier épisode mercredi dernier dans la soirée, alors que la deuxième chaîne nationale égyptienne l’a programmé dans la nuit de mercredi à jeudi. La chaîne télé Al-Manar, du mouvement Hezbollah entame déjà la quatrième partie de cette série.
Dans les Emirats arabes unis, Dubai TV est la seule télévision qui a prévu de mettre le feuilleton égyptien dans ses programmes de Ramadan. «Notre programmation du feuilleton n’est pas influencée par cette affaire», a déclaré à l’AFP un responsable de cette télévision.
Le Yémen et le Bahrein ont aussi programmé la série pour le Ramadan, et le Qatar après le jeûne. Seule la TVM a fait profil bas. Prévu pour la programmation de Ramadan, ce feuilleton a été dégommé à la dernière minute. Les responsables de la chaîne affirment qu’ils n’ont pas fait l’objet de pressions dans ce sens. Ils justifient sa non-diffusion non pas pour de raisons politiques, mais du fait qu’il traite des sujets qui n’intéressent pas le téléspectateur marocain. Comme si la première chaîne est en mesure de prévoir les goûts et les attentes de son public en matière de télévision. Passons…
Revenons à notre sujet. Pourquoi «Cavalier sans monture» suscite autant de réactions chez les responsables américains et les organisations juives ? Tout simplement, parce que le feuilleton mentionne le «protocole des sages de Sion, programme juif de conquête du monde». L’Ambassadeur des Etats-Unis au Caire, David Welch s’est entretenu à ce sujet avec le ministre de l’Information égyptien, Safouat Al-Chérif. Le responsable américain a souligné que la diffusion d’un programme qui «fait la promotion de la haine, à un moment où le gouvernement égyptien travaille pour la paix dans la région, serait extrêmement regrettable et contre-productif». On ne voit pas le lien entre la programmation d’un feuilleton et les efforts de l’Egypte en matière de paix dans la région !
De son côté, le Chef de la diplomatie égyptienne, Ahmad Maher a dénoncé «le tapage injustifié» autour de ce feuilleton télévisé. «Nous ne ferons pas cas de ces tentatives de porter préjudice aux relations américano-égyptiennes, qui sont fondées sur les principes de non-ingérence et d’égalité», a-t-il souligné. Le ministre a affirmé «que ceux dont les voix s’élèvent n’ont pas vu le feuilleton». «Notre politique médiatique est de refuser qu’une oeuvre dramatique, un documentaire ou un programme comporte des allusions portant atteinte aux valeurs sacrées religieuses », avait déclaré M. Chérif, interviewé par le quotidien Al Ahram. Notons que quelque 200 artistes et intellectuels égyptiens se sont mobilisés pour défendre le feuilleton, dont le producteur et les deux scénaristes ont assuré qu’il n’était pas antisémite.
Cette série raconte l’histoire de la région à la fin du 19ème siècle, mettant en scène un égyptien en lutte contre l’occupation anglaise et le mouvement sioniste. «Je suis un artiste et non pas un politicien. Pourtant, j’ai cherché un moyen pour changer notre situation de personnes qui ne font que réagir en des citoyens qui agissent», a déclaré Mohamad Sobhi, principal acteur et scénariste du feuilleton en guise de réponses aux critiques américaines.
La polémique autour de ce feuilleton remet encore une fois sur le devant de la scène le problème de la liberté d’expression. Du moins si l’on en juge par les propos de la presse égyptienne qui estime avoir aussi beaucoup à redire sur l’image des Arabes dans le cinéma américain, présentés généralement comme des terroristes. Rappelons que le feuilleton a été également critiqué dans la presse américaine, et son scénario est présenté depuis plusieurs mois comme un modèle «d’antisémitisme arabe» sur plusieurs sites Internet. L’équipe du feuilleton avait diffusé vendredi un communiqué dans lequel ils qualifiaient la position américaine de «nouveau maccarthysme qui vise à imposer des restrictions sur tout point de vue différent de la vision américaine».
Le communiqué a également estimé que ceci représente une atteinte aux principes de base de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. «Il est inconcevable qu’un pays, quelle que soit sa puissance, impose aux médias égyptiens quoi diffuser et quoi interdire», s’insurge Ahmad Badreddine, réalisateur du «Cavalier sans monture». A noter que ce n’est pas la première fois que des campagnes sont lancées contre des artistes et intellectuels égyptiennes les accusant d’antisémitisme.

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