Culture

Une bonne graine de dramaturge

© D.R

Il a adapté pour le théâtre marocain un total de quinze pièces de théâtre. Parmi ces œuvres adaptées, on peut citer «Mademoiselle Nastassia» du dramaturge roumain Mihail Zamfirescu, « Le système Ribadier», -en arabe «Ma chaf, ma ra»-,  du Français George Fidou, «L’Ours» et «Demande en mariage » de Tchekov, «La Dernière heure» et «Une étoile sans nom » de Mihai Sebastien, «Jacques ou la soumission», «L’Avenir est dans les œufs» d’Eugène Ionesco… Cette passion remarquée de l’adaptation,-et de l’écriture dramatique-, ne date pas d’hier ; alors qu’il était encore lycéen, Messaoud Bouhcine avait déjà écrit ses premiers essais. En écrivant à cette époque «Le Retour de Charles Dickens», l’élève avait montré que l’on peut être lycéen et connaître de grand écrivains internationaux. A l’époque où le commun des lycéens découvrent des auteurs de renom, Bouhcine avait déjà constitué sa petite famille d’esprit. A l’époque, il ne jurait que par Marcel Pagnol, dont il avait interprété l’un des personnages de sa pièce «Marios», ou encore l’auteur de la pièce «Les Nuées», en l’occurence Aristophanes. Bouhcine, voyez-vous, avait accusé une préférence prématurée pour le théâtre. Qu’est-ce qui aurait alors suscité son intérêt pour le théâtre ?
Né le 14 janvier 1973 à Essaouira, dans le village « Lokrimat », situé dans les environs de la Cité des Alizés, Bouhcine a été marqué à son très bas âge par une forme de spectacle traditionnelle connue par ses co-villageois sous le nom de « l’houir ». L’artiste se souvient avec affection de ce spectacle « identique à l’art des Abidat R’ma » et qui était fort sollicité pour les fêtes familiales dans son village natal. « Il m’est arrivé des fois de joindre ces artistes pour improviser des sketches sur la vie quotidienne », se rappelle-t-il. Sept ans plus tard, après avoir cultivé cette passion pour le spectacle, ce fils de marchand d’épices mettra le cap sur Rabat. Inscrit à l’Ecole « Al Farabi », l’élève se fait remarquer par son penchant pour le théâtre. Il devient le clou des fêtes de fin d’année. En plus de l’école, Bouhcine fera ses classes dans le cadre associatif. Au milieu des années quatre-vingt, il devient membre de l’association « Aide ton frère », avant de décrocher sa carte d’adhésion à l’Association «Hawd Bouregreg » (Estuaire du Bouregreg). L’année 1987 marquera sa rencontre avec le metteur en scène Abdelati Lembarki, qui venait à peine d’obtenir son diplôme de fin d’études à l’Institut supérieur d’art dramatique de Rabat (Isadac). Avec Lembarki, Bouhcine créera le Club de la recherche théâtrale. C’est à cette époque que l’artiste approfondira ses connaissances théâtrales. En 1992, il entre à l’Isadac par la grande porte. Là-bas, raconte Bouhcine, « j’avais la chance de faire partie d’un groupe d’étudiants très homogène » : Bousselham Daïf, Saïd Bey et autres artistes qui sont aujourd’hui sous les feux de la rampe. « J’ai également eu la chance d’avoir été formé par des enseignants calés, comme Ahmed Izadda,- spécialiste de l’école de théâtre américaine-, qui m’a appris l’importance du côté cognitif dans la construction du personnage, et Jamaleddine Dkhissi (Ndlr : actuel directeur du Théâtre national Mohammed V, à Rabat), qui m’a pour sa part enseigné la méthode du dramaturge russe Stanislavski ». Pendant ce temps-là, Bouhcine a bénéficié de plusieurs stages de formation aux techniques théâtrales : gestuel, art de la narration, improvisation, mime, pecariscas (Ndlr : un style théâtral espagnol qui ressemble à la comédie dell’arte)… Des voyages en Tunisie, financés par l’Isadac, venaient cimenter la formation de Bouhcine, d’autant plus qu’ils ont été encadrés par des professionnels de la scène tunisiens tels que Fadel Jaïbi et Fathi Lekkari. Ce cursus sera couronné, en 1996, par l’obtention du diplôme de fin d’études à l’Isadac, mais aussi et surtout d’une bourse d’études en Roumanie. En 1997, Bouhcine débarque à Bucarest pour poursuivre ses études supérieures à l’Université nationale d’art théâtral et cinématographique (UNATC). Après une année d’apprentissage du roumain, Bouhcine aura la chance de côtoyer des enseignants roumains de renommée internationale : Catalina Buzoianu (metteur en scène) et Ion Tobosru. Bouhcine est redevable à cet esthéticien de théâtre d’avoir rigoureusement dirigé sa thèse sous le thème « La Modernité de l’art de l’acteur ». « J’ai eu la chance aussi de bénéficier de plusieurs stages qui ont enrichi ma recherche académique avec Leviu Culei (monstre sacré du théâtre roumain, connu pour être l’un des grands shakespearologues).
De retour au Maroc, en 2001, Bouhcine multipliera les apparitions sur scène et à la télévision. Il a joué dans les téléfilms « Le prix du départ », « Al khayl tasqoto tibaân » (Les chevaux tombent successivement), et « Ghazl al-waqt » de Charif Mohamed Tribeq. Il a également adapté la pièce « Zoo story » d’Edward Albee (Ndlr : jouée par Abdelati Lembarki et Abdelkbir Rgagna). Le succès de cette pièce s’est traduit par sa distinction au 2ème Festival national du théâtre professionnel et une participation distinguée au Festival du théâtre expérimental du Caire.
Entre-temps, Bouhcine a fait du théâtre pour la télévision. Pour le petit écran, il a adapté la pièce « L’Homme qui a vu la mort » de Vector Eftimiu. Preuve de sa maîtrise de l’écriture dramatique, Bouhcine a remporté un appel d’offres lancé il y a 5 mois par le ministère de l’Education nationale pour l’écriture du premier manuel de la culture artistique programmé pour le compte de la saison 2005-2006.
Dans ce livre, l’auteur s’occupe du volet «théâtre ».
La trajectoire de Bouhcine se présente ainsi comme une odyssée. Qu’à cela ne tienne, le travail finit par payer.

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