Culture

Voyage au coeur des danses guerrières de l’Oriental

© D.R

La danse comme expression d’un phénomène culturel trouve son originalité esthétique dans la spécificité ethnique, religieuse ou sociale. L’homme dansait pour exhorter la bénédiction et la clémence  du ciel.  La danse était dès lors adaptée à un contexte culturel particulier.
L’Oriental marocain, en tant que zone tampon et refuge pour hommes intègres,  a connu l’invasion  effrayante et  menaçante de tribus et peuples qui, tout en saccageant les richesses locales, ont  laissé des  coutumes dont notamment l’aspect guerrier. Aussi les cultures païennes, judaïques, berbères ou arabo- africaines ont marqué par leurs empreintes les danses locales par une touche de fierté personnelle.
Les chiouk en maîtres incontestables de leurs arts  sont les dépositaires d’une tradition qui glorifie les poèmes antiques et les improvisations des  bergers poètes qui ont perpétué la tradition orale.  Un cantique aux écrits religieux ou aux poèmes populaires   sur des airs qui se rapportent à la joie, la tristesse et le rendement des récoltes entre autres. 
Ces danses typiques diffèrent d’un endroit à un autre et la différence est énorme entre les gens des plaines qui accentuent leurs mouvements sur la fluidité corporelle avec une voluptueuse allégresse  et ceux de la montagne qui exécutent des mouvements vifs élégants et effrénés. La danse en tant que mouvement des épaules et des pieds exprime une volonté d’existence alors que le ventral est presque banni. Tout ce qui se rapporte à l’exhibitionnisme abject est réfuté dans l’Oriental. L’honneur de la tribu est souvent attaché à la dimension masculine et un homme qui se respecte n’a pas à bafouer sa fierté même en dansant. La danse avec un fusil à poudre ou un  bâton  est beaucoup plus importante que le maniement  d’un accessoire  de danse. L’outil de persuasion  est un indicateur de référence sur le pouvoir et l’ordre tribal.  Quant à la danse, elle se  termine dans un nuage de poudre. La danse reine par excellence est Laalaoui. Elle est exclusivement masculine accomplie pour  exhiber les qualités d’endurance et  de maîtrise de la géométrie de l’espace et des calculs des percussions. A chaque air,  une cadence et à chaque cadence, un ensemble de coups de pieds sur la terre avec vivacité et  élan vital pour accentuer l’attachement à la terre et à la tribu. Elle est aussi synonyme de  force et de  vigueur qui préparent la délivrance finale des musiciens et des danseurs. Danse aux percussions endiablées qui peuvent être exécutées sur les rythmes de  N’hari, Reggada, Mengouchi. Les musiciens et les danseurs se distinguent à la couleur des «rezzas» qu’ils portent. Elle est jaune pour les chioukh et blanche pour les arfas. Le «aarif» ajoute un  «tehlil» sur sa «aabaya» et l’orne de «Tkhamels» en laine de couleur  pour ceinturer l’«Aabaya» et le «Selham».   Laalaoui est une danse cadencée sur la rythmique de l’instrument à percussions et qui peut être un bandir ou un guellal. De son côté, l’air  accompagnateur joué  par  un zamer  ou  une ghaita, ou gasba,  régularise les mesures de danse qui peuvent être annoncées par le meneur. Avec  «Arreche», les danseurs exécutent trois coups de pied avec un interlude sur deux. Une fois la «Sbaissia» annoncée, tout le monde doit taper un ensemble de coups impairs du pied sur le sol. Et ainsi de suite à chaque fois que le meneur invite les danseurs à réaliser de nouvelles voltiges par les cris de «Dkhoul» et «Jarre». De son côté, une «Taâricha» qui émet le son et le bruit, perd   son entrain et permet à la  «Sbaissia» d’être  expressive, frénétique, gracieuse, lascive, et voluptueuse. Le mouvement perçu dans sa singularité avec une mobilité uniforme ascendante, ascensionnelle ou centrifuge. Il prendra des allures intensives, lentes, voire violentes lorsqu’il s’agit d’atteinte à l’honneur et à la fierté de la tribu.
Tout cela montre que la danse dans l’Oriental découle des traditions  et valeurs guerrières d’une population qui s’est trouvée, le long de son histoire, face à des ennemis qu’elle devait dissuader.  La danse «Imdiazen» telle  qu’elle est exécutée au Rif dénote une pratique à base de bâtons, remplacés par la suite par des «Azidane», fusils de combat. Deux groupes d’hommes alignés les uns en face des autres, comme face à l’ennemi, exécutent à l’unisson des chorégraphies guerrières. Et là aussi, c’est tout un exercice de persuasion. Les «Arfas»  usent de leurs bâtons qu’ils manient avec force pour démontrer leurs maîtrises et les faire croiser à l’instar de ce qui se fait lors des combats à mort. Seulement ici, aucune victime car la consécration est d’ordre artistique. Dans certaines régions du rif, cette danse est nommée «Talebbante». Au-delà  de leur fonction, la canne ou le bâton symbolisent un pouvoir ancestral. Une danse à base de musique  révélée au monde entier par le groupe mythique des Rolling Stones après les compositions de Brian Gysin qui s’en est inspiré.La recrudescence du genre Lâalaoui qui procure à  la danse  sa dimension masculine, trouve son écho  dans le galop  envoûtant d’un pur-sang arabe et l’allure frénétique   d’un danseur en quête de consécration artistique et chevaleresque. C’est presque la même rythmique d’un cheval dompté à l’allégresse  et à l’attendrissement du geste  révélé sur une échelle de sons de pas fluides étincelants. Ce sont les coups d’un  galop au cantique de la poudrière. Et si Khalil Elfarahidi avait taillé la poésie arabe sur la chevauchée d’un cheval d’Arabie ; les danseurs de l’Oriental ont mesuré leurs mouvements dansants sur un barbe marocain bon à tous les travaux et excellent en fantasia.  
                                          

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