Culture

Voyage au pays des hommes intègres

© D.R

Le «Pays des hommes intègres» est un immense chantier. Une expérience inédite de développement en Afrique dans un grand laboratoire à ciel ouvert. En plein centre du Sahel. Dans une paix sociale préservée, à vol d’oiseau  du feuilleton ivoirien (3 millions de travailleurs burkinabés vivraient en Côte d’Ivoire), l’ancienne Haute Volta, au sous-sol aussi aride que ses immenses terres-plates et sa brousse, fait figure désormais d’étalon dans la course au développement entre les huit pays de la zone UMEO (Union monétaire des Etats de l’Afrique de l’Ouest).
Euphémisme que de dire que la  nature n’a pas gâté le Burkina Faso,  qui baigne dans une température moyenne de 30 degrés tout au long  du mois de décembre.
Pourtant, les 13 millions d’habitants que compte l’ancienne colonie française, aujourd’hui classée au  28ème  rang des pays les plus pauvres de la planète, ne désespèrent pas de se hisser un jour  vers la classe des nations prospères. «Nous n’avons pas des richesses, mais nous avons des hommes !»,  martèle Gaspard Jean Ouédrago, président de la Banque internationale du Burkina Faso, l’un des accompagnateurs des projets de développement du pays. De l’option révolutionnaire lyrique des années 1984-1987, l’on est revenu à une sorte de social-démocratie où le réalisme l’emporte. De Thomas Sankara, héros de la jeunesse africaine des années 80, il ne reste pratiquement plus rien à Ouagadougou.
Coincée entre sept pays dont le Mali, la Côte d’Ivoire, le Niger, le Bénin, Togo et le Ghana, sans aucun accès à la mer, sans aucune richesse autre que l’agriculture intimement liée à la pluie, la patrie de Zoseph Ki-Zerbo, grand maître de la littérature africaine d’expression française, disparu en décembre 2006,  bat d’année en année les records de croissance du PIB dans la région. En 2006 comme en 2005, la barre des 10% a été pulvérisée sans tapage.
Il ne s’agit pas d’une performance de laboratoire. Dans l’ambiance de Ouagadogou, l’optimisme l’emporte largement au traditionnel afro-pessimisme qui plombe le ciel de Dakar à Lomé. Symbole de cette embellie relative, la si vivante avenue Nkwamé Krumah, aux bordures bien achalandées de boutiques de luxe et de cafés-restaurants aux accents modernes. Ailleurs,  la rue Urbain-Yaméogo, appelée aussi «La rue des jeunes filles » dans le jargon local, ne désemplit pas en cette veille de fête.
Ici, de la même manière qu’en Chine populaire, le travail est une religion, la discipline une seconde nature. Aux sorties des bureaux, l’impressionnant  «lâcher» de motos et de bicyclettes rappelle  celle des taureaux durant certaines fêtes dans  les villes espagnoles.  Pas étonnant à ce que l’emblème de Ouagadougou soit un vélo.
Les artères à larges voies,  refaites selon un nouveau plan de développement stratégique, sont équipées de feux de signalisation. La largeur des chaussées, bien entretenues, a de quoi surprendre le visiteur gavé de littérature  sur la pauvreté de l’Afrique. Le Burkinabé s’arrête patiemment au feu rouge et marque le stop sans état d’âme. 
L’homme «Mossi », 50% de la population, reconnaissable aux  cicatrices qui couvrent une bonne partie de son visage (ces signes varient selon les clans et la hiérarchie sociale),  fixe les étrangers avec une certaine distance. Réserve partagée chez les Peuls, les Dioula, etc, tous  moulés dans une même attitude digne face aux visiteurs. 
Hormis les commerçants libanais, quelques coopérants français et des routards, le Burkina Faso compte peu d’étrangers. En tout et pour tout, il n’y a que 35 Marocains, dont une bonne partie est dépêchée dans le cadre de la coopération bilatérale pour des travaux d’irrigation.
Le Burkina Faso, qui a mené sa révolution culturelle dans les années 80 (consommez Burkina, slogan qui faisait fureur à l’époque), a subi peu d’influences étrangères.
Pas de grand banditisme, pas de harcèlement en vue, pas de mendicité outrancière.C’est souvent ce qui surprend les touristes au contact de cette terre qui poursuit, depuis quinze ans, une expérience démocratique saluée par la communauté internationale par sa rigueur dans la bonne gouvernance. «Nous avons rarement vu en Afrique une tenue aussi rigoureuse des états comptables comme au Burkina», s’exclame un représentant de la maison Rothschild. Même remarque, presque étonnée, de la part de quelques cabinets d’affaires français, habitués des  tortueux sentiers d’Afrique.
C’est dire, qu’avec l’âge, le régime du président Blaise Compaoré s’est bonifié, a mûri. D’où d’ailleurs son influence grandissante dans la résolution des conflits de la sous-région (Côte d’Ivoire, Liberia) et notamment au Togo. Dans ce pays qui donne au Burkina un débouché maritime primordial  depuis les troubles de la Côte d’Ivoire, c’est le président Compaoré qui est parvenu à trouver in-extremis la voie de sortie de crise entre Faure Eyadéma et ses opposants. 
Ami du guide libyen (dont la photo est bien en vue sur l’hôtel Libya, nouveau fleuron des établissements hôteliers de la ville), le président Blaise comme l’appellent les Ouagalais, vient d’aménager dans un nouveau Palais, baptisé «Koyssam» et qui constitue la nouvelle attraction des Burkinabés.
Pas de policiers en vue, notre arrivée intervenant au lendemain d’une rixe inhabituelle entre policiers et militaires. Ces derniers, payés encore à la quinzaine, comme du temps de la colonisation, font traditionnellement le tour des  maquis (bars semi-clandestins) où l’alcool coule à flots. Ce qui occasionne quelques épisodiques casses, et malentendus vite réprimés. Il faut dire que Ouagadougou durant  la nuit est assez éclairée, nettement mieux que Dakar et dans certains cas, Abidjan. De quoi faire des jaloux dans la sous-région.

• De notre envoyé spécial Adam Wade

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