Culture

Y a-t-il une industrie musicale au Maroc ?

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Que signifie au juste une industrie culturelle ? Toutes les définitions s’accordent à considérer qu’il s’agit de secteurs qui conjuguent la création, la production et la commercialisation de biens et services dont la particularité réside dans l’intangibilité de leurs contenus à caractère culturel, généralement protégé par les droits d’auteur. Voilà pour la définition théorique. Au Maroc, les choses se passent autrement. Particulièrement dans le domaine de la musique. La poursuite des traces de cette production dans les commerces permet de dégager quelques éléments. Que produit-on au Maroc ? À l’affiche, ce sont des stars majoritairement jeunes (chabab) qu’on retrouve sur la plupart des maquettes : Chaba Hasnaouiya, Chab Marouan… Les prix sont généralement accessibles, 10 dhs en moyenne pour la cassette en vignile, le double pour le CD. Un marché bien prospère, si l’on croit ce vendeur de cassettes. Mais, par quels circuits passent ces produits avant d’arriver sur le marché ? Et surtout, combien représente cette industrie en termes de chiffres ?
Fait marquant. Il n existe aucune statistique sur le chiffre des ventes, qu’il s’agit des cassettes en bande magnétique, ou les CD, le mystère reste entier. Pourquoi ? D’abord, parce qu’il n’y a pas d’organisme qui veille au contrôle du marché. L’industrie de la musique n’est pas considérée comme une industrie de transformation, et par conséquent, elle ne figure pas dans les bases de données du ministère de l’Industrie. Au ministère de la culture, il existe bien une division de la musique qui fait partie du département des arts. Mais cet organisme gouvernemental ne peut renseigner que sur sa propre production musicale : il s’agit des différents coffrets de CD du patrimoine. Mais pas la moindre donnée statistique sur le marché. Reste le bureau des droits d’auteurs. Ce dernier ne peut se prononcer que sur les oeuvres enregistrées chez lui.
Et encore, personne ne semble disposer au sein de cette institution à s’exprimer publiquement sur la question. Toutefois, et selon plusieurs professionnels, les produits musicaux « légaux » dûment enregistrés auprès du bureau représentent moins du tiers de ce qui circule sur le marché. Donc, 70% des produits qui circulent ne figurent sur aucun registre officiel ! Il existe bien un Syndicat des producteurs de musique, mais il est tout le temps injoignable. Comment expliquer cette opacité ? Première piste pour comprendre ce fait : la nature même des produits proposés. Hormis quelques enregistrements étrangers commercialisés dans quelques boutiques spécialisées, la grande majorité des enregistrements provient des « usines » locales. Trois genres musicaux dominent la scène : Chaâbi, Raï, et Khaligi. Avec une caractéristique quasi commune : bas de gamme. Choix délibéré ou défaut de créativité chez les artistes ? Auprès de certains producteurs, on explique que «le public aime ça!».
La preuve, c’est que justement ça marche. Pas très convaincant si l’on retient uniquement l’extraordinaire diversité des genres musicaux du patrimoine marocain, pas forcément bas de gamme et que l’on écoute dans presque toutes les cérémonies. En réalité, cette tendance s’explique par d’autres considérations, moins métaphysiques qu’une simple question de goût général. En effet, pour sortir un album de qualité, un producteur doit se conformer à une série de contraintes, à la fois légales, techniques et industrielles. Hormis le copyright, qui est souvent ignoré, le processus d’enregistrement sonore nécessite un investissement lourd en termes de matériel et de technologie de pointe. Sans oublier les compétences requises pour le maniement de ces technologies. À ce schéma théorique, beaucoup de producteurs locaux préfèrent travailler de façon plutôt artisanale. Ensuite, il faut bien amortir les machines qui tournent quand même. La technique est simple : «on lance 2000 exemplaires au début, et on jauge son impact sur le marché. En fonction du feed-back qu’on reçoit, on fait la fabrication», explique le responsable d’une boîte de production locale. «L’objectif, c’est d’atteindre une moyenne de 10000 ventes, le minimum pour amortir l’investissement initial» poursuit-il. En réalité, ces chiffres sont en dessous de ce qui se vend effectivement sur le marché.
Il est fort probable que ces ventes génèrent des plus-values impressionnantes. La preuve, certaines de ces sociétés réussissent même à avoir accès à la publicité télé, (Ramadan sur 2M a connu une déferlante sans précédent de ce genre de pub) qui reste tout de même assez coûteuse. Ce qui pose au passage l’épineux problème de la responsabilité de l’Etat, grand dépositaire du paysage audio-visuel dans ce domaine. Et plus globalement, l’oreille marocaine est-elle devenue fatalement otage d’une certaine conception du produit musical propre à certains de nos industriels locaux de la culture ?

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