Culture

Yomad ou la fête des enfants

«J’ai depuis toujours nourri le rêve de devenir écrivain» dit Nadia Essalmi. Ce rêve qu’elle réalisera peut-être un jour, l’intéressée le trompe en diffusant les livres des autres. Pas n’importe quels livres, mais des livres pour enfants. Nadia Essalmi est en effet la directrice de Yomad, la maison d’édition marocaine spécialisée dans les livres pour enfants.
Nadia Essalmi a été portée à l’édition pour enfants par le manque criant en cette matière. Présente au Salon du livre de Paris en 1998, elle n’a pas su quoi répondre à ceux qui réclamaient des livres de jeunesse. «Il n’y en avait pas un seul dans les stands» se souvient-elle. Commence alors à germer l’idée de remédier à cela en créant une maison d’édition pour enfants. Une fois rentrée au Maroc, elle donne corps à son projet. Quelques jours plus tard, elle fait une rencontre décisive, celle de Driss Chraïbi qui accepte d’ouvrir le bal. «Il m’a fait confiance. Il est rare qu’un écrivain consacré envoie des manuscrits à une maison d’édition qui vient de démarrer. Le fait que Chraïbi l’ait fait a constitué pour moi un raccourci considérable» dit-elle. «L’âne K’hal» reçoit un très bon accueil. Ce livre surprend par la qualité du texte, du papier, le soin apporté à la typographie et à l’illustration. Pour la première fois, une maison d’édition pour enfants, digne de ce nom, semble avoir pris naissance dans notre pays. Après Chraïbi, publications de deux livres de Habib Mazini «Révolte du 30 février» et «Règne de poussin 1er» qui sont vite adoptés dans les écoles en lecture suivie.
Ces livres permettent aussi de saisir la ligne éditoriale de Nadia Essalmi. C’est l’environnement socioculturel marocain qu’elle tient à présenter aux enfants. Il ne s’agit plus d’une féerie intemporelle, faisant référence à une culture étrangère, mais de la réalité des villes marocaines que les enfants vivent au quotidien. «Je veux que les enfants marocains puissent retrouver dans Yomad leurs repères. Qu’ils soient baignés dans leur quotidienneté, et non pas extrapolé vers des situations qui interpellent un autre savoir culturel : le Père Noël, etc.», précise-t-elle. Des écrivains de renom ont par la suite suivi l’exemple de Driss Chraïbi, notamment Abdellatif Laâbi, Abdelhak Serhane et Fouad Laroui, répondant de la sorte favorablement à son souhait. Comme les premiers livres de l’éditrice d’adressaient à des enfants de plus de six ans et que les parents ne voulaient pas laisser les plus petits en reste, Nadia Essalmi a lancé la collection Hikayat qui peut être lue à partir de trois ans.
D’autre part, l’éditrice souligne que «le texte est égal en importance aux images». Le nom de l’auteur et de l’illustrateur sont ainsi inscrits dans les mêmes caractères typographiques. Celui qui écrit n’est pas de surcroît placé au-dessus de celui qui illustre. La non-sujétion de l’image au texte est l’une des exigences fondamentales de l’illustration telle que la conçoit Nadia Essalmi. Elle considère que le peintre ne doit pas adhérer servilement au texte ; au contraire il devrait l’enrichir par une vision inédite qui ajoute un complément esthétique à l’écrit. Il orne, donne de l’éclat, met en valeur le texte en rendant sa lecture plus accessible et plus agréable aux enfants.
Dans «Comment Nassim a mangé sa première tomate» de Abdellatif Laâbi, Alexis Logié, l’illustrateur, a recopié à la main le texte. Il a joué sur la taille des caractères, sur leurs couleurs. Les lettres ne sollicitent pas seulement l’attention de l’esprit, mais ravissent l’oeil par leurs formes et leurs couleurs vives. À la question pourquoi ne pas demander à des peintres de renom de faire l’illustration de ses livres à l’instar du travail fourni par les écrivains, Nadia Essalmi répond : «ils sont hors-prix». Yomad souffre actuellement de la suspension de l’aide à l’édition par le bureau du livre dépendant de l’Ambassade de France. «Il a suspendu ses aides pour une durée indéterminée, et l’édition marocaine en souffre, en particulier les petites maisons». Quant au ministère de la Culture : «il m’a refusé son aide à quatre reprises. J’ai déposé quatre magnifiques textes en arabe qui ont été à chaque fois rejetés».
Le bureau du livre ne subventionne que les livres en français, Nadia Essalmi éprouve une grande frustration de ne pas éditer de livres en arabe. «Je tiens à présenter aux enfants des livres dans les deux langues !» Tel est le voeu le plus cher de cette éditrice. Un voeu qui se justifie et qu’il faut exaucer.

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