Que symbolise pour vous le quartier Derb Sultan ?
Younes Reggab : De grands souvenirs me lient à Derb Sultan. J’y ai passé la plus grande partie de ma jeunesse, bien que je suis né au quartier Mers Sultan. Chaque week-end, et pendant les vacances c’était pour moi l’occasion de rendre visite à mes deux grands-parents qui étaient originaires de Derb Sultan et par la même passer des moments inoubliables. Je me suis imprégné par l’esprit de ce quartier dont est issu un grand nombre de personnalités reconnues dans tous les domaines (politique, artistique ou sportif).
Qu’est-ce qui vous a marqué dans ce quartier ?
Tout le monde vous dira que les gens de Derb Sultan forment une et même famille. Pour moi, Derb Sultan est habité par des gens authentiques. Par leur hospitalité et leur convivialité, les habitants de ce quartier constituent l’archétype du vrai marocain. A travers leur contact, je sais ce qu’est le peuple dont je fais partie. Ce ne sont pas des gens superficielles, leur mode de vie est simple, leur façon de parler est simple, et ce sont des gens sociables et riches par leur âme. Ils manifestent leur esprit de solidarité à toute occasion que ce soit un événement heureux ou une épreuve difficile. Tout le monde se serre les coudes. J’ai été éduqué dans ce milieu par ces gens. Et c’est cette même éducation, ces mêmes racines que je désire transmettre à ma fille.
Rendez-vous visite souvent au quartier où est né votre père?
Jusqu’à aujourd’hui, je reviens souvent à ce quartier étant donné que la famille de mon père y vit toujours. Il y a aussi les marchés de Derb Sultan qui ne désemplissent jamais surtout à veille d’une fête et au mois de Ramadan. Et d’ailleurs, je fais toujours mon marché à Derb Sultan.
L’un des premiers films de votre père, Mohamed Reggab, a été inspiré de Derb Sultan.
Mon père était un amoureux de Derb Sultan. Son film, «Hallak Derb El Foukara» qui constitue d’ailleurs l’un des premiers films de la cinématographie marocaines, était entièrement dédié à Derb Sultan. Même après le déménagement de mon père vers Mers Sultan, il est resté fidèle à ce quartier, à ses habitants et à ses commerçants. Il s’approvisionne toujours chez le même boucher, le même vendeur de petit-lait…
Y a-t-il des personnages issus de ce quartiers dans l’un de vos films ?
Et moi aussi à l’instar de mon père, j’ai été marqué par ce quartier et ses habitants. D’ailleurs, plusieurs personnages qui vivaient dans ce quartier m’inspirent et il y en a d’autres que j’aimerais un jour introduire dans l’un de mes films. Ces petites gents très populaires comme le vendeur de menthe, le vendeur de «harira» (soupe marocaine), «Moul fernatchi», cet homme vêtu à sa manière et qui s’occupe du feu de bois du Hammam . Il vit dans un coin sombre du garage avec pour compagne à ces journées une radio accrochée par un clou au mur.