Culture

Youssef Boudlal : «La peur est ma boussole»

© D.R

Youssef Boudlal a immortalisé ce moment pendant un photoreportage sur la minorité yézidie qui fuyait le nord de l’Irak, tombé sous les mains de Daesh. Ce natif d’Oujda est aujourd’hui un habitué des zones de conflit. Après un premier voyage en Palestine en 2000, Youssef y est revenu plusieurs fois jusqu’en 2009 et a visité le Pakistan et l’Afghanistan en octobre 2001, au tout début de l’invasion américaine. Il était également présent pendant toute la période du printemps arabe et des événements qui l’ont suivi en Libye, Tunisie, Egypte et Syrie. En plus de ses travaux dans les zones de guerre, Youssef Boudlal est un photographe de mode, basé à Casablanca. «Chaque photo que je prends est pour satisfaire ma curiosité», peut-on lire sur son site web. ALM l’a rencontré pour vous.

 ALM: Vous mettez votre vie en danger pour rapporter la souffrance des victimes de guerre. Pourquoi ?

Youssef Boudlal: Mettre ma vie en danger? Je ne vois pas les choses ainsi. Je suis photojournaliste et je fais ce métier pour témoigner, avec mes images. Je m’intéresse à la réalité, au vrai, à ce que je vois, à l’histoire, la petite et la grande. Je fais ce que j’aime avec une passion infinie. Quand on décide d’aller chercher l’information là où les autres ne vont pas, ou plus, oui, il y a des risques. Mais si nous ne le faisons pas, une partie de l’Histoire serait ignorée et nous avancerions, sans voir.
 
Vous avez souvent déclaré que votre travail était, pour vous, un engagement. Dans quel sens ?

Quand on est photojournaliste, on s’engage à informer, a raconter le « vrai », sans tricher, sans mentir, sans artifices.  La photographie est un moyen de s’exprimer, de faire passer ses idées, des sentiments. A notre époque, l’image a un fort impact. Dès lors, la photographie, plus accessible, s’imprègne plus vite dans la rétine des lecteurs et se diffuse aussi plus largement.

Votre photo de la petite fille yézidie est poignante, comment est ce que vous avez vécu cette expérience ? Qu’est-ce qui vous a le plus marqué en rencontrant ce groupe de réfugiés ?

C’est une expérience forte. Je me suis rendu en Irak en août 2014, plus précisément à Fishkhabour, à la frontière entre la Syrie et l’Irak. De nombreux réfugiés yézidis fuyaient l’Etat Islamique (Daesh). Ils ont marché pendant des jours, des semaines, sous une chaleur frôlant les 45ºC. Ils étaient épuisés et attendaient une aide humanitaire kurde. Ce qui m’a marqué c’est la souffrance qui pouvait se lire dans les regards et qui s’entendait aussi puisque beaucoup pleuraient la mort de leurs proches. Il suffit de regarder mon portrait de la jeune yézidie pour s’en apercevoir : on y voit de la peine et aussi de la colère.

A quoi ressemble la Syrie que vous avez visitée ? Comment y avez-vous pénétré ?

J’ai connu la Syrie avant et après la guerre civile. D’abord en 2007, je suis allé à Alep et Damas en tant que touriste. Je garde un souvenir merveilleux de la citadelle d’Alep et de ses vieux quartiers historiques. J’y suis retourné entre août et septembre 2012, la guerre civile avait commencé depuis quelques mois. Je ne reconnais plus ni Alep ni Damas. Dans mon champ de vision, des ruines et encore des ruines…

Y a-t-il eu un moment pendant vos voyages où vous avez eu réellement peur pour votre vie?

C’est déjà arrivé. Si vous n’avez pas peur c’est que vous êtes fou ! La peur, c’est votre boussole. Si je me fie souvent à  mon instinct, je sais, par expérience, quand il faut s’arrêter.
 
Trouvez-vous que le Maroc a une empreinte sur vos travaux ?

Je ne savais pas qu’il existait une empreinte marocaine… si vous la voyez dans mon travail, j’en suis ravi, puisque je suis Marocain !
 
Vous êtes en même temps photographe de mode et reporter, comment vivez-vous les paradoxes entre ces deux univers?

Avec harmonie
 
Quelles sont vos ambitions dans le futur?

Continuer mon métier.
 
Que conseillez-vous aux jeunes, particulièrement marocains, qui s’intéressent à la photographie?

Il faut être passionné, curieux et persévérant

 

La meilleure photo 2014 de Youssef Boudlal

 

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