Culture

Yves Saint-Laurent, le styliste de génie, tire sa révérence

© D.R

C’est au début des années 60 qu’Yves Saint-Laurent, celui qui habilla la femme d’une élégance lâchée comme un baiser secret, créa sa maison de haute couture, rajeunissant ainsi les codes de la couture et créant son style, basé sur la nécessité d’adapter le vestiaire des femmes à leur époque. Les unes de ses pièces fétiches : tailleur-pantalon, caban, saharienne ou smoking,
En habillant les femmes différemment, Yves Saint-Laurent ou le prince de la mode comme ses amis le surnommaient, a libéré les femmes et leur a donné le «pouvoir».
C’est en Algérie, à Oran qu’est né le 1er août 1936, Yves-Mathieu Saint-Laurent. Ses croquis sous le bras, il arrive à Paris à l’âge de 17 ans et devient l’assistant de Dior, un an plus tard. Il est propulsé directeur artistique, après le décès brutal du maître en octobre 1957. Son premier défilé du 30 janvier 1958 est une réussite. Les clientes et la presse s’enflamment pour le jeune couturier, timide qui se cache derrière de grandes lunettes. Sa ligne «Trapèze», triomphe et rompt avec les tailles de guêpe de l’époque. Faisant écho à la radicale mutation du vestiaire initié par les «garçonnes» dans les années 1920, qui adoptèrent les codes masculins, Yves Saint-Laurent a réinterprété les vêtements homme, s’amusant de l’androgynie. En 1962, quatre ans après la fameuse ligne trapèze qui le rendit célèbre chez Dior, il dessine un premier smoking porté par Catherine Deneuve, et un caban en laine à boutons dorés avec un pantalon cigarette en shantung blanc façon officier, une marinière, une tunique, une chasuble de curé acier qu’il associe à une jupe fourreau en velours noir. Suivront le trench, le blazer, la saharienne, la parka, les cuissardes.
Des pièces indémodables, d’«un classicisme qui est sans époque et de notre époque», dira-t-il, et qu’il réinvente à chaque saison. Les cinquante versions de son Smoking forever («Smoking pour toujours», titre de l’exposition, consacrée, en 2006, aux 50 modèles à la pièce phare de la garde robe Saint-Laurent), illustrent ses jeux avec ce costume d’apparat. Yves Saint-Laurent est appelé sous les drapeaux, en 1960, mais réformé pour raisons de santé. Il fait une dépression nerveuse. Entre-temps, la maison de l’avenue Montaigne le remplace par Marc Bohan, un autre créateur.
En 1961, Saint-Laurent ouvre sa propre maison au Spontini à l’orée du Bois de Boulogne puis au 5 avenue Marceau, avec l’aide de Pierre Bergé, qui va jouer un rôle essentiel dans sa vie, privée et professionnelle: au premier la création, au second la gestion. La griffe sera rachetée une première fois en 1993 par Elf-Sanofi, puis en 1999 par le groupe Gucci (filiale de PPR). Seule la haute couture dessinée par M. Saint-Laurent restait au 5 avenue Marceau avant l’arrêt de l’activité en 2002. Il était le maître du dépouillement des lignes, le couturier pour qui le noir est «refuge» et deviendra aussi un maître du jeu des couleurs. Féru de peinture et grand collectionneur, il a souvent parlé de sa passion en transposant des tableaux en modèles de robes ou de vestes: Mondrian (1965), Picasso (1979), Matisse (1981) ou Van Gogh (1988). Les voyages seront une autre facette  de ses inspirations (Afrique en 1967, Russie en 1976, etc.)
En 1971, c’est le «scandale» avec sa collection «40», en référence aux années noires de la guerre qui ne passe pas auprès d’une des plus grandes chroniqueuses américaines. La même année, Saint Laurent pose nu sur les publicités pour le lancement de son parfum «Homme». Six ans plus tard, il lance «Opium», autre scandale, autre triomphe.
Ce passionné d’opéra et de théâtre, dessine des décors et des costumes pour des pièces ou des spectacles signés Edmond Rostand, Marguerite Duras, Jean Cocteau ou Roland Petit.
C’est lors de ses adieux en 2002, que Yves Saint-Laurent avait avoué avoir connu dans sa vie «La peur et la terrible solitude. Les faux amis que sont les tranquillisants et les stupéfiants. La prison de la dépression et celle des maisons de santé».
Devenue une Fondation en 2004, la maison organise depuis des expositions et abrite 5.000 des créations du maître ainsi que plus de 15.000 dessins, croquis et objets divers. Il était déjà un mythe de son vivant. Le couturier, qui vient de s’éteindre à l’âge de 71 ans, a incarné tout à la fois la rébellion et la tradition, la liberté et la rigueur, la créativité et la pérennité d’un style qui a sublimé le quotidien de millions de femmes dans le monde entier. Ses obsèques auront lieu vendredi.

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