Economie

Abdellatif Maâzouz : «Les échanges extérieurs se développent considérablement»

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ALM : Quel bilan tirez vous sur le commerce extérieur marocain ?
Abdellatif Maâzouz : Le commerce extérieur marocain connaît une forte croissance dans le sens où les échanges extérieurs se développent de manière considérable depuis le début de la décennie, Cette croissance globale des échanges, que ce soit  pour les importations ou les exportations, s’est traduite par une forte progression de l’ouverture de l’économie marocaine, qui est passée d’environ 49% en 2002 à quelque 63% en 2007 sur les seuls échanges de biens.
Si l’on prend en considération les biens et les services, nous sommes passés de 65 à 87%. Dans cette grande évolution, il faut souligner que nos exportations ont connu une croissance moyenne annuelle de 10% (biens et services), et que nos exportations globales sont passées de 30% à 36,6% du PIB, entre 2002 à 2007.
Mais nos importations ont connu une croissance plus soutenue, puisqu’elles sont passées de 35 à 50% du PIB. Conclusion : le déficit commercial a largement progressé, principalement en raison de deux éléments. Le premier étant que malgré la progression de nos exportations ces dernières années de manière plus soutenue qu’avant, leur croissance est demeurée moins rapide que celle des importations et celle des exportations à l’échelle mondiale, en raison notamment de l’entrée de la Chine à l’OMC qui a pulvérisé la croissance des exportations mondiales. La deuxième raison est que les importations ont marqué une forte progression , liée à la mise en œuvre d’un ensemble de chantiers de développement du Maroc,  qui s’est traduite par une forte importation des biens d’équipement, qui polarisent quelque 22% de nos importations. Parallèlement, nous importons des produits semi-œuvrés qui permettent à nos entreprises d’exporter, qui sont donc des intrants à nos exportations, mais aussi beaucoup de produits finis liés à une progression du tourisme. Cela est aussi lié à une sensible progression du pouvoir d’achat moyen du Marocain. Bien sûr, il ne faut pas oublier le programme de la baisse progressive des droits de douane sur les produits manufacturés que le Maroc a entamé depuis le début de la décennie conformément à ses accords de libre-échange et à ses engagements à l’égard de l’OMC.  Par ailleurs, je dirais qu’il ne faut pas rester les bras croisés, les importations sont presque irréversibles sauf si l’offre marocaine permet de limiter ses exportations par une production nationale plus attrayante, compétitive et bien sûr bénéficiant d’une image valorisée auprès du consommateur national. Si on est compétitif sur le marché national, et que ce marché est ouvert, cela veut dire qu’on est capable de développer une compétitivité à l’export. Le grand chantier Emergence, plan de développement sectoriel, donne une première visibilité dans ce sens. Ainsi, le ministère du Commerce extérieur compte s’adosser à ce plan pour promouvoir les exportations des produits qui sont considérés comme des métiers mondiaux du Maroc par le plan Emergence.

Vous dites compter vous adosser au plan Emergence pour promouvoir les exportations. Comment cela se concrétisera-t-il ?
En fait, cela nous conduit à attaquer sept grands chantiers.   D’abord, il s’agit de travailler sur nos accords de libre-échange pour les rendre opérationnels et facilement utilisables par les exportateurs marocains.
Aussi, il est question de développer une image du produit marocain qui nous permette de capitaliser sur l’ensemble des actions de communication qu’on peut mener au Maroc et à l’étranger surtout, sur notre offre exportable. Il s’agit ici d’un «logo Maroc» qu’il faut inventer et qui doit être non seulement un logo Maroc mais aussi un logo produit Maroc. Ce logo devra pouvoir cohabiter avec les différents produits exportables par le Maroc. C’est une idée sur laquelle nous travaillons, et qui sera un peu le socle de notre action de communication. Le troisième chantier consiste en l’élaboration d’une véritable stratégie de développement dans nos exportations. Cette stratégie se traduira par l’élaboration d’une feuille de route programmée dans le temps et budgétisée. Cette stratégie doit nous dire quels sont les marchés que nous ciblons pour chacun des produits prioritaires et surtout comment pénétrer ces marchés, et quel mode d’appui l’Etat peut-il apporter aux exportateurs pour améliorer leur performance sur ces marchés. Quatrième point. Il s’agit de l’organisation institutionnelle. C’est la redéfinition des rôles du ministère du Commerce extérieur avec ses  directions d’un côté, et des établissements chargés de promouvoir les exportations d’un autre côté.
Dans cette définition, nous comptons réserver une part importante au secteur privé et aux associations professionnelles particulièrement qui doivent jouer un rôle complémentaire à celui du secteur public dans la stratégie d’attaque des marchés extérieurs. Le cinquième chantier est celui d’une procédure à l’export. Il est important pour améliorer la compétitivité dans les exportations d’alléger les procédures à l’export et de réduire le temps et donc le coût des transactions à l’export par une simplification des procédures et leur dématérialisation, les rendre le plus automatique possible et leur unification en ce sens qu’il y ait une sorte  de guichet unique à l’export. Sur ce chantier en particulier nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires de la douane et de l’Agence nationale des ports. Le sixième chantier est celui de la conformité avec les règles de l’OMC et les accords signés avec nos partenaires par une reconsidération des grilles tarifaires  en matière de droits de douane, et en matière du système de protection des normes tarifaires.  Le «last but not least», concerne le chantier de l’information. On dit qu’un homme averti en vaut deux. Les exportateurs, ou opérateurs marocains du commerce extérieur, mais aussi nos partenaires, doivent être informés de notre offre exportable, et les exportateurs doivent être informés des opportunités qui existent sur les marchés cibles. Pour cela nous lançons un chantier pour la constitution d’une banque de données sur le commerce extérieur qui donne une visibilité aussi bien sur les opportunités offertes sur les marchés cibles que les grandes tendances de nos concurrents et également sur les potentialités d’export du Maroc accessibles aux clients potentiels du Maroc.

A valeur d’aujourd’hui,  de nombreux partenariats sont en cours d’étude. Nous avons eu écho d’une récente visite de plusieurs représentants de pays étrangers, parmi eux de nouveaux partenaires. Que pouvez-vous nous en dire?
Dans le domaine commercial en général, lorsqu’on veut développer les ventes d’une entreprise, ou même d’un pays, il est important de cibler. Le Maroc ayant des échanges avec 163 pays différents, cela veut dire qu’il s’internationalise presque de manière spontanée. Pour l’Etat, toute action significative doit porter sur un marché particulier pour un produit particulier et être inscrite dans la durée et dotée de moyens suffisamment importants pour avoir de l’impact. Si on veut respecter cette règle, nous ne pouvons pas, en tant qu’Etat, agir sur 163 pays à la fois. Nous pouvons, par contre, faciliter les choses avec tous les pays du monde dès lors que le secteur privé est demandeur.
Nos actions en termes d’investissement commercial doivent cibler un nombre limité de marchés. C’est pour cela que nous sommes en train de lancer une étude de grande envergure pour connaître nos produits et les marchés prioritaires. Nous agissons par priorité compte tenu des moyens limités dont nous disposons. La première logique veut que l’on aille vers les pays avec lesquels nous sommes en accord de libre-échange. Nous avons déjà un avantage c’est que nous ne payons pas de droits de douane chez eux et donc, cette étude va commencer par voir au sein des pays avec lesquels nous sommes en accords de libre-échanges , quels sont les pays prioritaires pour chacun de nos produits prioritaires. Parallèlement, et dans le cadre de la facilitation, nous avons entrepris des démarches vis-à-vis de certains partenaires pour rendre nos accords opérationnels. Le but étant de d’identifier les dysfonctionnements qui s’opposent au développement de nos échanges avec ces pays partenaires et de les régler de manière  très pragmatique, car lorsqu’on signe un accord on ne peut deviner les problèmes qui pourront surgir au moment de son application. Ce type de démarche a déjà  été entamé avec la Tunisie et l’Egypte avec lesquels il y a eu des disfonctionnements identifiés et significatifs. Les pays nouveaux, eux, sont soit intéressés par le Maroc en tant que marché, à savoir que notre pays est un grand chantier en pleine effervescence et en plein développement économique qui constitue un client sérieux et intéressant pour de nombreux pays, notamment dans les équipements, dans les infrastructures, dans les nouvelles technologies, mais aussi dans certains produits de consommation surtout dans les années de sécheresse. De la même façon, tant qu’on peut avoir des «masses market» , c’est-à-dire les pays sur lesquels on peut viser. Ainsi, notre étude va nous orienter sur les zones où nous pourrons faire du volume avec certains pays autant qu’on peut dénicher des niches d’intérêt dans certains pays même s’ils semblent lointains, et qui peuvent constituer des opportunités d’affaires pour des PME notamment, ayant des moyens d’exporter. Donc, lorsqu’on a à traiter avec un pays comme la Nouvelle Zélande, par exemple, il y a deux types de produits qu’on peut vendre à ce pays. Il y a les produits classiques, c’est-à-dire les ventes en grandes quantités comme par exemple les phosphates, et particulièrement les phosphates transformés, mais aussi des produits typiquement marocains sur lesquels il y a de la valeur ajoutée, comme la cosmétique, certains produits du terroir, des produits de luxe  et notamment l’artisanat, qui peuvent être des niches fort intéressantes pour des entreprises moyennes.

A votre avis, quels sont les marchés les plus porteurs et qui , à valeur d’aujourd’hui, ne sont pas encore assez bien exploités ?
Tous les marchés sont porteurs, mais le Maroc ne représente que 0,13% des exportations mondiales, pour dire que nous sommes encore très loin du compte. Paradoxalement, le Maroc a des atouts considérables. Nous sommes à 3 heures d’avion et 36 heures de route d’un des plus grands marchés mondiaux, qui est l’Europe avec laquelle nous avons des rapports privilégiés. Et sur ce marché là, il y a encore beaucoup à faire, le plus important justement est de savoir dans quel produit et comment le faire. D’autre part, nous sommes à 6 heures de vol et à quelques jours de bateau d’un autre gros marché qui est les Etats-Unis. Donc, comparativement à d’autres pays, nous ne sommes pas très loin en tous cas de la côte est des Etats-Unis qui représentent des milliards et des milliards en termes d’opportunités d’exportations. Pour la moyenne entreprise marocaine, il y a le marché arabe et le marché africain qui présentent aussi certaines opportunités. Avec presque tous les pays arabes, nous sommes en accords de libre-échange et nous sommes en train de négocier des accords privilégiés avec certaines zones de l’Afrique subsaharienne de manière à ce que nous ne payons pas les droits de douane, il s’agit presque de libre-échange à la différence qu’il s’agit d’accords un peu modérés. De fait, sous sommes en négociations avec deux grandes zones du sud du Sahel en Afrique sur lesquelles certaines entreprises, notamment de moyenne taille, peuvent se positionner.

Ainsi, il ne s’agit pour le Maroc que de tirer profit de sa position stratégique pour mieux développer ses exportations, mais aussi l’objectif étant que ses exportations soient toujours plus importantes que les importations ?
Exact. Je tiens tout de même à préciser que lorsqu’on lit une balance commerciale, il faut la lire en entier. Devant un solde commercial,  il faut prendre en compte les biens et les services. Le Maroc a choisi de donner une grande priorité à l’industrie des services, et donc il a choisi d’exporter des services y compris le tourisme. Exporter des voitures ou des tomates ou du tourisme ou même de l’offshoring cela revient au même, l’essentiel étant de créer de la richesse et créer de l’emploi.

L’Europe est le premier partenaire du Maroc en termes d’échanges. Mais depuis une certaine période, avec les fluctuations qu’a connues l’euro et les récentes crises financières, à quel point cela a-t-il ou peut-il impacter les échanges que l’on peut avoir avec ce pôle ?
Théoriquement, la revalorisation de l’euro est très favorable à nos exportations. L’une des doléances des exportateurs marocains, à la fin des années 90, était justement la surévaluation n du dirham par rapport à l’euro. Donc à présent, nous n’avons plus ce souci.
Si nous savons que nos importations les plus pesantes sont l’énergie et les céréales et certains biens d’équipement qui sont facturés en dollar, nous pouvons dire que sur ce plan-ci nous ne sommes pas lésés.Maintenant, à moyen et long terme, il est important que le Maroc définisse une politique de gestion de sa parité, enfin, une politique de change qui soit incitative à l’export. Je pense que c’est un autre chantier, qui ne sera certainement pas conduit par le ministère du Commerce extérieur mais sur lequel celui-ci va demander justement à ce qu’une étude soit faite de manière à ce qu’on sache quelles sont nos marges de valeurs, et quelle est la manière la plus optimale et la moins aléatoire pour gérer notre politique de change à la faveur du développement dans nos exportations.

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