Economie

Aérien : Des perspectives et des risques

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Quelle place doit occuper le secteur aérien dans le processus de modernisation de l’économie nationale ? Et quels sont les voies et les moyens à adopter afin de garantir la pérennité d’un secteur qui reste également tributaire de la création d’avantages compétitifs durables ? Telles sont quelques unes des grandes questions auxquelles une étude, élaborée par BMCE Capital et rendue publique récemment, a essayé d’apporter des réponses. Si la réponse à la première question paraît plutôt évidente, l’aérien étant un maillon nodal du développement de l’industrie touristique nationale qui vise 10 millions de touristes à l’horizon 2010, la visibilité, quant aux éléments de réponse pour la deuxième, n’en est pas moins marquée par des zones de turbulences. Même si les prévisions des uns et des autres restent on ne peut plus optimistes.
Selon les prévisions de l’ONDA (Office national des aéroports), le trafic aérien de passagers commerciaux évoluerait de 5,5% en rythme annuel moyen pour atteindre un peu plus de 8 millions de voyageurs en 2007, dont 78% seraient enregistrés au niveau du trafic international. Les prévisions du ministère de l’Equipement et du Transport, elles, tablent sur un besoin en trafic aérien, se chiffrant à 15,6 millions de voyageurs, soit un accroissement moyen de 13,4% par an entre 2003 et 2010. Des prévisions qui jurent cependant avec la réalité. Et pour cause, bien qu’ayant évolué favorablement au courant des dernières années dans un environnement relativement protégé, le transport aérien au Maroc demeure la proie de plusieurs obstacles. Faible attractivité pour les opérateurs étrangers, insuffisance des garanties de transparence et d’équité dans le jeu de concurrence (dumping, anti-trust, concurrence déloyale des vols charter, etc.), forte dépendance à l’égard du marché français, inadéquation des infrastructures aéroportuaires avec les exigences du marché et subsistance du monopole d’assistance en escale de la RAM, dont la fin est toutefois prévue courant 2004, sont autant d’insuffisances structurelles qui handicapent le plein essor de ce secteur.
Face à cette situation, les autorités en charge du transport aérien ont entamé une réflexion stratégique sur le devenir du secteur. Quatre pistes ont ainsi été explorées. Parmi elles, la création d’une deuxième compagnie aérienne nationale spécialisée dans le charter et le régulier loisir à bas coûts et recentrage de la RAM sur le régulier. Un projet retenu et qui vient appuyer le projet de libéralisation du secteur aérien au Maroc, en donnant naissance à un pôle marocain concentré autour de deux compagnies nationales fortes et complémentaires.
Spécialisée dans le charter et le régulier «loisirs», la nouvelle entité sera dotée de trois bases opérationnelles situées à Marrakech, Agadir ainsi que dans une destination au Nord du Maroc. Elle sera également munie d’une structure de coûts très avantageuse, similaire à celle des compagnies low cost européennes, rendant possible la pratique de tarifs attractifs. Bras armé du secteur touristique, la nouvelle structure sera appelée à accompagner le développement des capacités hôtelières en améliorant la compétitivité du produit « Maroc» et en multipliant au fur et à mesure les dessertes aériennes des destinations encore sous-exploitées. La séparation des marchés des deux compagnies marocaines implique la focalisation de la RAM sur les activités de transport régulier domestique et international. La Royal Air Maroc continuera de développer les métiers annexes à l’aviation civile, notamment l’assistance en escale, les activités de maintenance industrielle, la fabrication de faisceaux électriques pour avions et la formation du personnel aux métiers de l’aéronautique. Quant au pôle touristique, outre le renforcement de son autonomie et de son indépendance, la stratégie adoptée préconise la séparation des activités «catering» de celles hôtelières. Ce schéma, en cours de mise en oeuvre, s’est traduit, dans un premier temps, par un rapprochement des activités touristiques de la RAM et celles de la Caisse de Dépôts et de Gestion –CDG- au sein d’une même structure Atlas Hostpitality Morocco.
Cette dernière, appelée à devenir un opérateur de taille dans le paysage touristique national, s’organise autour de trois filiales : Atlas Invest, société patrimoniale détenant le parc hôtelier, Atlas Management Hotels Resort, société de gestion et Atlas Loisirs, entreprise spécialisée dans les métiers annexes (spectacle, parc de loisirs, etc.).
Enfin, la RAM devra consolider sa stratégie d’affirmation en tant qu’acteur majeur de la région nord-africaine et pourrait être amenée, dans la lignée de sa participation majoritaire dans Air Sénégal International, à orchestrer d’autres opérations de croissance externe en Afrique et à intégrer des alliances au niveau européen. L’ouverture de nouvelles lignes pose avec acuité les soucis de rentabilité que peuvent rencontrer les opérateurs aériens durant la phase de lancement. Conscient de son rôle majeur dans la promotion des destinations touristiques encore méconnues du Royaume, le gouvernement envisagerait d’accorder, aussi bien aux compagnies aériennes locales qu’étrangères, des subventions sur les lignes déficitaires jusqu’au maintien de l’offre par les seules forces du marché. Ces subsides pourraient être assurés soit par une augmentation de la taxe de séjour acquittée par les touristes, soit par les professionnels du secteur touristique via l’application du principe de l’utilisateur-payeur.
A l’instar des mouvements de privatisation intervenus en Europe à la fin des années 90 aussi bien des compagnies aériennes que des aéroports, le Maroc pourrait connaître, dans les années à venir, des opérations de transfert au privé. Ceci devrait concerner au premier chef la compagnie historique, RAM, sa nouvelle filiale low cost ainsi que certains aéroports. Le programme de développement des capacités aéroportuaires est fondamentalement destiné à accompagner la politique engagée par le gouvernement et à préparer le Maroc à intégrer le ciel européen, en se conformant aux exigences sans cesse évolutives des normes internationales en matière de sûreté, de sécurité et de qualité. Ayant pour objectif de porter la capacité globale de l’ensemble du réseau aéroportuaire de 12 à 18 millions de passagers par an, ce programme concerne la modernisation d’un total de six aéroports. D’autres extensions sont prévues pour les aéroports de Tanger, Dakhla, Essaouira, Errachidia et Al Hoceima.
L’investissement dans ce type de projets serait d’autant plus viable s’il se réalisait par l’intégration de la chaîne économique, via le regroupement d’activités complémentaires. Ceci devrait permettre d’assurer une rentabilité optimisée et une flexibilité accrue par rapport aux aléas du marché. Le montage financier d’un projet d’investissement de la taille d’une deuxième compagnie devra assurément prendre en considération l’aspect extrêmement capitalistique du secteur afin d’éluder le risque d’insuffisance du fonds de roulement par rapport aux besoins d’exploitation.
L’exemple type à méditer est incontestablement celui des deux premières compagnies privés marocaines, Atlas Air et Mondair, qui n’ont pas fait long feu.

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