Economie

Aspects positifs de l’accord de libre-échange

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Les relations entre le Maroc et l’Amérique remontent à très loin, puisque dès 1777, soit un an après la déclaration d’indépendance des Etats-Unis (4 juillet 1776), le Roi Sidi Mohammed Ben Abdellah accordait à l’Amérique le libre-accès des ports marocains, avec la possibilité de s’y approvisionner en vivres, et d’y « jouir des mêmes libertés que les autres nations avec lesquels le Sultan est en paix ». Ces relations devaient être formalisées par un traité signé en 1787.
Cet accord est d’abord positif sur le plan politique et stratégique. Il lie le Maroc à la plus grande puissance mondiale actuelle (PNB 2001 : 9708 milliard de $). Les Etats-Unis n’ont qu’un nombre limité d’accords de libre-échange : Canada, Mexique, Chili en Amérique, Jordanie et Israël au Moyen-Orient ; et Australie. Le Maroc est le seul pays africain à bénéficier de cet accord.
Robert Zoellick, représentant des Etats-Unis pour le Commerce extérieur donne l’explication « le Maroc est un partenaire économique et politique clé dans la région du Maghreb et du Moyen-Orient, et un pays attaché aux valeurs de tolérance, d’ouverture et de démocratie ».
Cet accord permet au Maroc l’ouverture « vers le large » à l’Ouest, après son ouverture au Nord grâce à l’Accord d’association avec l’Union européenne, et à l’Est avec les pays faisant partie de la déclaration d’Agadir (Tunisie, Egypte, Jordanie).
Sans que cela soit spécifié explicitement dans l’Accord, le Maroc peut, du fait de sa nouvelle proximité avec les Etats-Unis, en tirer des gains politiques quant à sa cause nationale : la récupération de ses provinces sahariennes, et à la sensibilisation de son nouveau partenaire à la juste cause palestinienne.
Sur le plan économique, et selon les déclarations officielles à ce jour, cet Accord présente également des avantages que nous allons examiner successivement au niveau des investissements, des exportations et des importations. Au niveau des investissements, il est certain que le nouveau cadre légal va attirer tout d’abord les investisseurs américains, non seulement pour vendre sur le marché marocain, mais également sur les pays voisins, notamment l’Union européenne qui est liée au Maroc par un Accord de libre-échange. Ceci a été confirmé par M. Zoellick qui a expliqué que le Maroc occupe « une position géographique stratégique, au carrefour de plusieurs continents», lui permettant de constituer une plate-forme de production et d’exportation.
Cet Accord va attirer également des investisseurs production et d’exportation. Cet Accord va attirer également des investisseurs européens et asiatiques qui pourraient exporter sur les Etats-Unis à partir du Maroc, en exonération de droits de douane.
Outre l’industrie (notamment textile et agro-industrie) les investissements vont concerner les services : banque, assurance, transport, audiovisuel, apportant de nouveaux produits à des prix compétitifs, et créant une dynamique nouvelle sur le marché. Pour sauvegarder l’existant, les investissements américains dans les secteurs des services ne pourront être réalisés que dans le cadre de la législation marocaine. Pour l’audiovisuel par exemple, la présence des partenaires marocains devra être à hauteur de 50%. Ces nouveaux investissements vont accélérer la mise à niveau du secteur productif marocain, tant au niveau des équipements que de la gouvernance et de la gestion.
Au niveau des exportations marocaines vers les Etats-Unis : 99% des produits industriels marocains seront exonérés totalement dès la mise en vigueur de l’Accord. Mais les opportunités d’exportation n’existent réellement que pour les textiles, les produits de la pêche et les produits agricoles frais et transformés. C’est ainsi que les produits textiles 100% marocains bénéficieront d’un taux nul dès la mise en vigueur de l’Accord dans le cadre d’un contingent annuel de 1,2 millard de dollars, avec une progression de 25% par an.
Pour les produits textiles marocains, utilisant des intrants d’origine autre que le Maroc et les USA, il a été prévu un quota de 30 millions de m2 par an, et pour une durée de 10 ans. Pour les produits de pêche et les produits agricoles frais et transformés, le Maroc a obtenu l’accès immédiat au marché américain à condition de franchir les barrières sanitaires (agrément de la FDA : Food and Dryg Adminitration).
Pour ce qui des importations américaines vers le Maroc, et qui constituaient les problèmes les plus sensibles, les résultats obtenus sont satisfaisants dans la mesure où ils prévoient des contingents limitatifs, et un démantèlement douanier à long terme (jusqu’à 25 ans pour l’agriculture).
Examinons les par secteur:
L’agriculture :
L’agriculture marocaine, à part le secteur moderne qui est tourné principalement à l’export (agrumes et primeurs) est archaïque avec une compétitivité très faible. Malgré cinq décennies d’indépendance, peu de progrès ont été réalisés dans le secteur traditionnel : petites exploitations, faiblesse de la mécanisation, insuffisance des techniques modernes de culture et d’irrigation, manque d’encadrement. Ce secteur a besoin d’une véritable mise à niveau, vu son importance sociale (50% de la population totale) et économique (autosuffisance alimentaire). Aussi, le Maroc doit mettre à profit la décennie à venir pour concevoir et exécuter un vaste programme de modernisation de ce secteur. Quant à l’Accord de libre-échange Maroc-USA, il tient compte de cette situation, en fixant des quotas limitatifs d’exportation, et en prévoyant de longues périodes de démantèlement douanier pour les produits suivants : Blé tendre : quota de 240.000 à 700.000 T la première année. Quota entre 400.000 à 1.000.000 T après une période de 10 ans. Démantèlement douanier total en 10 ans. Légumineuses démantèlement douanier total en 18 ans sans limitation quantitative. Viande rouge : quota de 4.000 T avec démantèlement douanier sur 5 ans.
Boeuf : quota de 2.000 T avec démantèlement douanier sur 10 ans.
Poulet entier : quota de 1.250 T avec démantèlement douanier sur 10 ans.
Cuisse de poulet : démantèlement douanier total sur 25 ans sans limitation quantitative.
Noix, raisins, poires, cerises, produits à base de dinde : démantèlement douanier total sur 5 ans sans limitation quantitative.
Fromage pour pizza, corn flacks, préparation à base de poulet : droit nul dès mise en vigueur de l’Accord, sans limitation quantitative.
NB : A noter que pour les produits sensibles (blé tendre, viande rouge, boeuf, poulet entier) les quotas seront maintenus, même après le démantèlement douanier total. Autrement dit, il n’y aura pas de libération quantitative de ces produits quelques soit le timing. De plus, pendant la première décennie, les quotas de céréales seront indexés sur la production nationale.
Produits industriels (autre que textiles et habillement) L’Accord prévoit un taux nul pour 32,6% des positions tarifaires du Maroc dès la mise en vigueur de l’Accord, un démantèlement sur 2 ans pour 14% des positions tarifaires, sur 5 ans pour 10,8% des positions tarifaires, sur 9 à 10 ans pour le reste soit 42%.
Pour les produits industriels, le Maroc peut tirer avantage de ces nouvelles dispositions en mettant en concurrence les fournisseurs européens et américains.
Médicaments
Selon les déclarations officielles, et en attendant le texte intégral de l’Accord, ce dernier s’aligne sur les dispositions en vigueur de l’OMC, à savoir une protection des brevets pour une durée maximum de 20 ans. De plus, le Maroc conformément à la déclaration de Doha pourra bénéficier des flexibilités nécessaires pour protéger la santé publique et garantir l’accès aux médicaments.
Culture
Peu d’informations officielles ont été données sur ce secteur, sinon que l’Accord confirme la diversité culturelle et le respect des engagements internationaux du Maroc au sein de la francophonie. De même le Maroc pourra maintenir toutes les subventions accordées aux différents supports culturels.
En conclusion, et en se basant sur les déclarations officielles publiées à ce jour, on peut affirmer que l’Accord de libre-échange entre le Maroc et les Etats-Unis finalisé le 2 mars 2003 est globalement positif pour le Maroc. Son impact sur le plan politique et stratégique ne peut être que favorable à notre pays.
Si les mesures d’accompagnement internes sont mises en oeuvre rapidement et efficacement, il peut favoriser grandement l’investissement, et constituer de nouvelles opportunités d’affaire sensibles de notre économie, notamment l’agriculture, il a l’avantage de fixer un délai de dix à vingt ans pour promouvoir leur mise en niveau.

• Par Jawad Kerdoudi
Consultant économiste,
président de l’Institut marocain
des relations internationales (IMRI)

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