Economie

Berglind Asgeirsdottir : Vers de nouvelles pistes d’échange maroco-islandais dans le domaine de la pêche

© D.R

ALM : L’Islande vient de sortir d’un épisode noir de son histoire. Que s’est-il passé en 2008?
Berglind Asgeirsdottir : Tout notre système bancaire s’est effondré en 2008. Nous avons été les premiers en Europe à tomber, mais, heureusement, nous avons eu l’aide du FMI. Aussi, en 2011, le FMI avait fait tout le nécessaire, la croissance était revenue à des niveaux plus normaux en 2011-2012 et le déficit budgétaire a été réduit. En effet, nous avions tourné avec un déficit de moins 10% et là nous allons, je l’espère, atterrir en hausse de 0,9% en 2014. Notre monnaie avait perdu de la valeur et nous avions donc dû réduire les dépenses et augmenter les impôts. Ce fut une période d’austérité très difficile mais nous avons eu de bons résultats relativement vite.

Pourquoi l’Islande ne fait-elle toujours pas partie de la zone euro?
Nous avons demandé à intégrer l’Union européenne en 2009. Les négociations ont commencé depuis 2010 et aujourd’hui elles se poursuivent et n’ont pas encore abouti, notamment à cause de certains chapitres toujours en difficulté comme le domaine de la pêche. Mais, il faut noter que l’Islande est depuis 20 ans membre de l’espace économique européen. En effet, la Finlande, la Suède, la Norvège, l’Islande et l’Autriche ont signé un accord avec l’Union européenne pour le marché libre et nous avons adopté les quatre libertés. Aujourd’hui nous nous plions aux mêmes règles de marché et de compétitivité. Cependant, la Finlande, la Suède et l’Autriche sont devenues membres, mais pas encore l’Islande et la Norvège. Il est clair qu’une adhésion à l’espace euro va beaucoup nous aider sachant que notre monnaie est très volatile et qu’après la crise, nos exportations ont beaucoup augmenté et nos importations ont diminué parce que notre monnaie a perdu de la valeur.

L’Islande en bref

• Population : 320.000 (août 2012) avec une moyenne d’âge de 35,6 ans.
• Régime politique : République constitutionnelle parlementaire.
• Langue : L’islandais, une langue germanique du nord dérivée du vieux norrois. L’anglais est parlé couramment et compris.
• Fuseau horaire : L’Islande est à l’heure de Greenwich (GMT) toute l’année.
Superficie : 103.000 km2, elle est légèrement plus grande que la Hongrie et le Portugal, et légèrement plus petite que Cuba.
• Ressources naturelles : Pêche, énergie hydraulique et géothermie.
• Capitale : Reykjavik. Les villes les plus importantes sont Reykjavik avec une population de 118.000 et les deux villes situées dans sa région Kopavogur avec 30.000 habitants et Hafnarfjördur avec 25.000 habitants. Mais il y a aussi Akureyri avec 17.000 habitants et Reykjanesbaer avec 14.000 habitants.

Quel bilan faites-vous de votre visite au Maroc?
Lors de ma visite au Maroc, j’ai eu l’occasion de discuter avec les autorités marocaines de trois volets distincts. Il s’agit en premier des énergies renouvelables. Dans ce domaine l’Islande a réalisé beaucoup d’avancées avec l’énergie hydraulique et principalement géothermique. A ce titre, l’Islande et la Banque mondiale travaillent avec plusieurs pays africains dans ce domaine-là. D’ailleurs, j’ai appris qu’il était possible d’échanger dans ce domaine avec de potentiels sites au nord du Royaume. Le deuxième volet concerne le tourisme et ensuite la pêche.

Comment comptez-vous dynamiser les échanges touristiques entre le Maroc et l’Islande?
Au fait, j’ai rencontré le ministre des affaires étrangères et le ministre du tourisme marocains dans le cadre d’un accord aérien. Parce qu’il n’y a pas de tourisme s’il n’y a pas l’aérien. Dans ce sens nous avons remis sur la table un accord qui avait été préparé par l’Islande, il sera renégocié dans les prochains mois et signé avant la fin de l’année. Il s’agira d’une ligne directe qui permettra aux Islandais de venir faire du tourisme au Maroc. D’ailleurs, le Maroc est un pays qui risque de devenir très vite une destination très prisée par les Islandais et moi-même j’en suis le meilleur exemple.
Ça va aussi dans l’autre sens. En effet, la dévaluation de notre monnaie a fait que le tourisme a réalisé une croissance variant entre 15 et 20% cette année et devient donc accessible à des pouvoirs d’achat moins importants.
Aussi, le Maroc a pour ambition de doubler le nombre de ses touristes d’ici à 2020. Je trouve qu’il serait très intéressant pour les deux pays de coopérer à ce niveau. J’en ai parlé au ministre du tourisme du Maroc et nous avons une même vision du sujet. Tous deux nous sommes d’accord pour orienter notre vision sur le tourisme vers l’écologie et donc le durable.

La pêche est un créneau très important de l’économie islandaise. Comment les échanges se font-ils entre les deux pays ?
En effet, le Maroc et l’Islande sont presque au même niveau d’extraction de ressources maritimes. Et c’est déjà un bon point de départ. Mais les relations de coopération dans ce domaine ne datent pas d’hier. En effet, en 2004, l’Islande a reçu la visite du ministre marocain de la pêche. À cette occasion, un accord entre les deux pays avait été signé. Il concernait le domaine de la recherche halieutique, la vente et la transformation des produits de la pêche et n’était valide que pour quelques années. Maintenant qu’il est arrivé à expiration je suis là pour discuter avec le ministère de la pêche de la possibilité de renouveler cet accord ou de le renforcer encore plus. Que ce soit au niveau de la recherche, avec des échanges plus approfondis ou de la transformation des produits de la mer étant donné que l’Islande exporte beaucoup son savoir-faire. Dans ce sens, nous avons travaillé avec plusieurs pays de l’Afrique du Sud dans le cadre d’accords de coopération pour le développement. En Islande, il y a une université des Nations Unies spécialisée dans la pêche. Cette université a envoyé des invitations à plusieurs pays, dont le Maroc, pour des formations de six mois dans différentes villes islandaises. Beaucoup de travaux de recherche dans cette université donnent lieu à la création de nouvelles entreprises en Islande.

En Islande vous avez orienté toutes vos stratégies vers le durable. Comment cela s’est-il traduit dans le domaine de la pêche?
Il faut savoir que la pêche dans mon pays n’est pas subventionnée comme c’est le cas dans beaucoup de pays européens. Et en dépit de cela, nous avons instauré, il y a trente ans, un système de quotas transférables. Ainsi, les pêcheurs doivent acheter ou louer leurs quotas. Cela fait que les entreprises de pêche ont diminué et il n’y a que les plus grandes et les plus efficaces qui ont résisté. Aujourd’hui pour éviter le monopole du marché, l’Islande a décrété qu’une même entreprise ne peut pas posséder plus de 12% du quota général. Chez nous quand le conseil de la recherche en pêche maritime donne une décision elle est sacrée et respectée par tous les ministères, on ne prend aucun risque quand il s’agit de la préservation des ressources. Aussi, nous assurons des contrôles des systèmes de surveillance extrêmement stricts. Et même en période de crise nous n’avons pas augmenté les quotas en dépit des pressions et des demandes. Avec toutes ces mesures nous avons réussi lors de ces dernières dix ou quinze dernières années à rétablir les niveaux de pêche, notamment celle du cabillaud, et assurer sa durabilité.

Comment avez-vous perçu les derniers changements politiques au Maroc?
J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt les changements qui se sont opérés au Maroc. Mais surtout l’instauration de la nouvelle Constitution. L’expérience réussie du Maroc pourrait être un bon exemple pour nous, étant donné que nous sommes en pleine élaboration de notre propre Constitution en Islande. C’est un exercice nouveau pour nous puisque nous n’avons jamais rédigé une Constitution.  

Y a-t-il des ouvertures entre le Maroc et l’Islande en matière d’investissements?
Des investissements islandais au Maroc il y en a dans le domaine de la transformation de la pêche. Mais, après ma visite, je suis convaincue qu’il faut que les entrepreneurs islandais viennent en prospection ici au Maroc. Je crois que dès mon retour en Islande je vais faire en sorte de fédérer un tel événement. En effet, dans le domaine de la pêche par exemple, le contact direct est très important. J’étais à Marrakech il y a 7 ans et aujourd’hui je trouve que les choses ont beaucoup changé. Le Maroc évolue rapidement et représente pour l’Islande un partenaire stratégique non seulement en matière d’investissements mais aussi par rapport aux échanges commerciaux. Et c’est là mon rôle de diplomate, venir constater et partager l’information par la suite dans mon pays. Cependant, le contact direct entre investisseurs reste le meilleur moyen de concrétiser les échanges et les projets.
 
Quelles conclusions avez-vous tirées  de la semaine que vous avez passée au Maroc?
De retour en Islande, je vais partager toutes les informations que j’ai récoltées au cours de cette semaine très riche passée au Maroc. Etant donné que nous n’avons pas d’ambassade ici au Maroc, les réunions que j’ai eues ont été de grande importance. Je vais donc jouer le rôle de médiateur pour rapporter aux départements concernés de mon pays le fruit de ce séjour.
En effet, les possibilités de rapprochement, de faire des affaires et d’échanger sur les domaines culturel, économique, technologique et social entre les deux pays sont énormes.

La pêche responsable, une règle pour l’Islande

L’industrie islandaise des produits de la mer, basée sur la pêche durable et la protection des écosystèmes marins, est l’une des plus modernes et des plus compétitives du monde. La zone économique exclusive de 200 milles nautiques gérée par l’Islande s’étend sur 758.000 km2. Elle inclut les fonds marins les plus poissonneux de la planète. Pour protéger ces zones et assurer une pratique responsable de la pêche, indispensable à la pérennité de l’activité, l’Islande s’est dotée d’un système efficace de gestion des pêches. Les données scientifiques fournies par les programmes de recherche sur les stoks de poisson, la biodiversité et l’écosystème marin, sont reprises dans l’avis émis chaque année par l’Institut islandais de recherche océanique (MRI). Cet avis scientifique ainsi que les recommandations établies par le Conseil internationale pour l’exploration de la mer (ICES) sont les bases de l’établissement annuel des totaux admissibles de capture (TAC) pour chaque espèce. Enfin, la Direction de pêches assure le respect du système établi et le suivi des captures. Ainsi, le système islandais de gestion des pêches répond à la demande du secteur des produits de la mer et de ses acheteurs d’utiliser durablement les ressources marines. Il faut noter que les produits de la mer islandais, et notamment la morue, sont historiquement les produits phares des exportations du pays. Toute une industrie s’est rapidement développée en Islande autour de la pêche et de la transformation des produits de la mer. Ainsi, une politique de pêche responsable est la condition sine qua non pour la pérennité du secteur de la pêche et de toute l’activité économique qui en découle. De ce fait, ce secteur restera pour l’Islande un pilier de l’économie et un moteur des exportations.

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