Economie

Bouazza Kherrati : «L’augmentation des salaires engendrerait une fuite des investisseurs»

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ALM :Quelle lecture faites-vous de la dernière publication du HCP?
Bouazza Kherrati : Les simulations restent du domaine du probable et le HCP est en droit d’en présenter pour orienter les décideurs à choisir. Et souvent, le choix est difficile car le facteur « Humain » est imprévisible. De ce fait, l’AMPOC prend acte de cette publication et espère que les autres départements fassent ce genre de simulation et de ne plus présenter aux Marocains que les rapports roses ou tout semble aller pour le mieux dans le meilleur du monde comme disait «Panglosse»

Quels sont les points positifs de l’augmentation des salaires sur l’économie du Maroc et sur le consommateur?
Le consommateur est le point de chute de toute politique sociale appliquée par n’importe quel gouvernement. En effet, la hausse des salaires qui ne devrait pas être conjoncturelle, pourrait améliorer le pouvoir d’achat des consommateurs si les cours gardent leur niveau et ne subissent pas de flambée. Car, généralement lors des augmentations de salaires, les prix suivent automatiquement et l’effet social escompté se dilue et engendre d’autres augmentations. Une augmentation des salaires permet une augmentation du pouvoir d’achat des consommateurs. Ce dernier se permet un supplément de satisfaction de ses besoins primaires et secondaires. Et toute augmentation de la demande permet la promotion des ventes, ainsi la marge bénéficiaire réalisée par les entreprises va également connaître une augmentation qui sera bénéfique pour les recettes de l’Etat à travers l’impôt sur les transactions commerciales.

Quel impact pourrait avoir l’augmentation des salaires sur la balance commerciale ?
L’augmentation des salaires ne pourrait influencer négativement la balance commerciale, que si l’ensemble des produits de large consommation sont importés. Or, un gouvernement digne de ce nom ferait de son mieux pour minimiser les importations en développant les structures nationales de production très compétitives. Par ailleurs, toute augmentation des salaires incite à la consommation et par ricochet sur la productivité nationale ou l’importation. De même, le facteur qualité des produits et service serait très déterminant de la fonte des barrières douanières et les entreprises nationales devraient être au moins égales au niveau de leurs concurrents étrangers pour que le consommateur opte pour leurs produits et peser légèrement sur la balance commerciale.

Quelles seront les retombées sur le marché de l’emploi ?
Le marché de l’emploi reste tributaire des investissements réalisés par le secteur privé et par l’Etat (principal garant de l’emploi). Et si les pays développés délocalisent leurs unités de production des pays aux salaires élevés aux pays dont la main-d’œuvre est moins exigeante.
De ce fait, l’augmentation des salaires engendrerait une fuite des investisseurs et accentuerait le chômage, car la marge bénéficiaire s’amenuise. D’où la nécessité d’une pratique salariale réelle tributaire des indicateurs du développement économique et social du pays. D’autre part, la baisse de l’investissement empêche la création de nouveaux emplois. En effet, le marché de l’emploi est normalement affecté par l’augmentation des salaires car l’augmentation de la demande va entraîner une augmentation des prix (inflation par la demande), suivie d’une augmentation des coûts de production et les entreprises seront moins compétitives et produiront moins ; ce qui exigerait l’obligation de limiter ou diminuer les postes d’emploi existants. La meilleure solution pour palier à ce problème est d’encourager la mise en œuvre des zones franches. Aujourd’hui, l’Etat déploie des efforts remarquables pour l’instauration de ces zones qui compte tenu des avantages fiscaux qu’elles présentent, ces zones encourageront l’investissement au Maroc.

Qu’en est-il de l’investissement direct?
Si nous considérons que de l’équation suivante : revenu = consommation + épargne. Alors, si la consommation augmente, l’épargne va diminuer, et par conséquent l’investissement suit dans le même sens.


 Simulation par le HCP de l’impact de l’augmentation du SMIC et du SMAG
Le Haut Commissariat au Plan (HCP) a publié récemment une simulation d’impact de l’augmentation des salaires du personnel de l’administration publique et du SMIG et du SMAG dans le secteur privé. Dans cette note, le HCP souligne que l’augmentation des deux catégories salariales pourrait avoir des effets positifs et négatifs sur l’économie nationale. Selon le HCP, l’augmentation des salaires du personnel de l’administration publique devrait améliorer le revenu, le pouvoir d’achat et la consommation des ménages, ainsi que l’investissement, l’emploi et la croissance. En revanche, elle affecterait négativement le solde du budget de l’Etat et de la balance commerciale. Dans le même sens, l’augmentation du SMIG et du SMAG devrait améliorer le revenu, le pouvoir d’achat et la consommation des ménages. De même, elle devrait, du fait de l’augmentation nominale du PIB, avoir un effet positif sur le budget de l’Etat. Par contre, cette augmentation devrait réduire le taux de marge des entreprises, pesé sur la compétitivité de ces dernières et affecter négativement l’investissement, l’emploi, la croissance et l’équilibre de la balance commerciale. Se référant au HCP, les revenus des ménages s’accroîtraient progressivement à partir de 1,64% en 2011 pour atteindre 6% en 2015. En outre, la consommation augmenterait de 1,01% en 2011 à 1,86% en 2015 tout en enregistrant un pic de 2,01% en 2013. Les prix, quant à eux, connaîtraient progressivement une hausse de 0,52% en 2011 pour s’établir à 3,97% en 2015. Par ailleurs, la croissance du PIB enregistrerait une augmentation de 0,29% en 2011 et de 0,27% en 2012 et un manque à gagner à partir de 2013 de 0,12% atteignant ainsi 0,97% en 2015. En parallèle, l’effet de ces augmentations se traduirait par une baisse croissante de l’investissement allant de 0,88% en 2013 à 3,07% en 2015. De même, le HCP indique que cette baisse sera accompagnée d’une perte continue d’emploi allant de 15.940 en 2013 à 96.860 emplois en 2015. En outre, cet effet favoriserait les importations et conduirait à une dégradation de la balance commerciale de 0,46% en 2011 à 0,64% en 2015 avec un pic de 0,85% en 2013. D’autre part, l’équilibre budgétaire enregistrerait un supplément de déficit de l’ordre de 0,32% en 2011 et de 0,22% en 2012 avant de connaître une amélioration à partir de 2013 de 0,10% atteignant en 2015 1,03%.

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