Economie

Bouazza Kherrati : «Le consommateur n’a aucune voie de recours malgré l’existence d’un arsenal juridique»

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ALM : Comment s’organise, en ce moment, l’approvisionnement du marché en produits alimentaires ?
Bouazza Kherrati : Comme tout le monde le sait, à l’approche du mois de Ramadan, on assiste à un rush inhabituel sur la consommation. C’est psychologique, on dirait que les consommateurs sont toujours convaincus que durant le Ramadan il y a toujours de la pénurie et des ruptures de stocks. Naturellement, l’augmentation de la demande génère automatiquement une augmentation des prix de certains produits. Mais, cette augmentation est due aussi au fait que certaines personnes, attirées par l’appât du gain, s’érigent en intermédiaires occasionnels notamment pour stocker de manière illicite certaines denrées, créer la pénurie et, au final, en tirer profit. Hormis, la grande distribution et le commerce structuré, de larges pans du commerce sont approvisionnés à travers des circuits parallèles qui ne sont transparents en termes de facturation et de déclaration. Malheureusement, la loi sur les prix ne rend obligatoire que l’affichage. Les prix sont libres, mis à part certains produits réglementés. mais cela n’empêche que l’Etat doit pouvoir contrôler et sanctionner de telles pratiques. Le département du Commerce doit absolument agir dans ce sens.

Quelle évaluation faites-vous des actions en matière de contrôle sanitaire ?
Le contrôle sanitaire est l’une des prérogatives de l’Etat dont les pouvoirs régaliens sont appliqués par l’Office national de la sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA). Ce dernier reste l’unique autorité compétente en la matière pour les denrées d’origine agricole qui regroupent les denrées animales et d’origine animale et les produits d’origine végétale. Le reste, surtout en matière de dol n’est contrôlé par aucune autorité. C’est un vide qui risque de porter préjudice au consommateur. Quant aux activités des associations de protections et d’orientations du consommateur dans le domaine du consumérisme, elles restent très larges et se concentrent sur la sensibilisation d’aussi bien le consommateur, les professionnels et les responsables des départements de contrôle.

En situation de fraudes ou de rupture de stocks, que prévoient les textes de loi pour la protection du consommateur?
A l’exception des prérogatives générales sur l’étiquetage, la loi 31-08 relative aux mesures prises pour la protection du consommateur ne prévoit rien pour les denrées alimentaires. Par ailleurs, elle a limité en une seule ligne, et d’une manière générale, l’interdiction du refus de la vente : «Il est interdit de : refuser à un consommateur la vente d’un produit, d’un bien ou la prestation d’un service, sauf motif légitime». C’est une loi faite pour les transactions commerciales et plus particulièrement les crédits. En réalité, c’est la loi 28-07 relative à la sécurité sanitaire des aliments qu’on devrait appeler «loi de protection du consommateur».
Cette dernière reprend en application les termes de la loi 13-83 relative à la répression des fraudes. Quant au monopole et les stocks, ils sont réglementés par la loi 06-99 relative à la liberté des prix et de la concurrence (Articles 49, 54 et 55)

Selon vous, ces mesures sont-elles suffisantes?
La loi reste un cadre légal de référence juridique et sans instruments d’application (décrets et arrêtés), elle sera difficile à appliquer. Prenons le cas des fraudes et l’applicabilité de la loi 13-83. Un consommateur achetant 1kg d’amandes et trouvant 100g de noyaux d’abricots va-t-il s’amuser à entamer une procédure judiciaire longue et coûteuse? Bien sûr que non. Il contactera certainement le Mouhtassib qui, s’il se déplace, ne trouvera qu’un bon sac d’amande car le marchand a eu le temps de changer la marchandise. Va-t-il s’orienter vers une association de protection et d’orientation du consommateur ? Dans ce cas, cela ne servira à rien car la loi 31-08 a estropié les associations en exigeant la reconnaissance d’utilité publique pour pouvoir ester en justice. Ainsi, le consommateur commun n’a aucune voie de recours malgré l’existence d’un arsenal juridique, car ses défenseurs sont impuissants.

Que pensez-vous des cas de rupture de stockd durant le Ramadan ?
Il faut bien le souligner, les ruptures de stocks sont généralement très rares au mois de Ramadan. Quand elles arrivent, elles sont dues à une défaillance du transport ou à des stockages illicites. Il ne faut pas oublier que le Maroc est un pays agricole et notre production est capable d’approvisionner correctement et largement le marché.

Que fait une association comme la vôtre pour protéger les droits des citoyens de la hausse des prix ?
A l’exception des produits subventionnés, la loi 06-99 laisse la liberté au commerçant de fixer le prix qu’il veut mais l’oblige, en revanche, à l’afficher. De ce fait, légalement, les marchands sont conformes si leur marchandise n’est pas frelatée et la balance pipée. C’est à ce niveau que l’Etat devrait intervenir. Or, depuis 1998, notre association présente dans 14 villes du Maroc n’a que rarement vu les équipes d’inspection contrôler les balances utilisées dans le commerce pour le pesage. Au lieu de se pencher sur de telles pratiques pourtant préjudiciables, le législateur a cru bon de priver les associations de moyens légaux pour défendre le consommateur. C’est dommage.

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