Economie

Ce que cachent les jeux par SMS

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Après le SMS standard, c’est le temps du SMS surtaxé. Comme son nom l’indique, il s’agit d’une taxe qui s’ajoute au prix d’un SMS normal et qui correspond généralement à un service. C’est le cas des votes par SMS (employé depuis un certain moment par 2M) et qui se présente comme un procédé très lucratif. Dans le même registre, signalons les services de discussion en temps réel par SMS, tels que SMS Zone de Maroc Telecom et SMS-Chat de Meditel. Il existe aussi, et surtout, un procédé d’achat de logos et sonneries via SMS. Un service qui fait un véritable tabac. Mais bénéficier de ces services à un prix : un SMS surtaxé coûte 5 fois (voir plus) plus cher qu’un SMS normal. Mais plus qu’un simple service commercial, le SMS est devenu le nouvel eldorado des jeux-concours. Depuis quelques temps, la ruée vers les jeux par SMS se généralise : médias de masse, grandes marques, petites sociétés…La formule est la même : «envoyez un SMS et gagnez des lots». Techniquement, le fonctionnement de ce service est simple : une fois envoyé, le SMS est acheminé vers un serveur hébergé par un opérateur télécoms déterminé. Souvent, les deux sont impliqués. Une fois le SMS signalé «numéro spécial», il bascule vers une liaison avec la société qui fournit le service.
Pour se faire connaître, les organisateurs de ces jeux ne lésinent pas sur les moyens. Les annonces de ce type inondent quotidiennement plusieurs journaux de la place. Les formules proposées sont variées. Certains proposent de gagner un lot en nature, d’autres vont jusqu’à proposer des lots en numéraire (10.000dh !). D’autres poussent le zèle plus loin en assurant un gain systématique au bout de la cinquième participation…Mais la quasi-totalité de ces formules laisse perplexe. D’une part, celles qui proposent de gagner de l’argent violent tout simplement la loi, qui confère le monopole de ce type de jeux à l’Etat via la Marocaine des jeux. De l’autre, il n’existe aucun moyen pour vérifier les modalités du jeu en question. A aucun moment, il n’est question de règlement ou mention du notaire dépositaire dudit règlement. Qui se cache derrière ces numéros (généralement la seule référence aux organisateurs) ? « Toute société qui dispose d’une déclaration de service à valeur ajoutée auprès de l’ANRT peut exploiter ce service en utilisant un numéro de réception auprès d’un opérateur national », explique un responsable chez un opérateur télécoms.
Quid des tarifs pratiqués par ces derniers ? En principe, chaque suite de numéros (qui commencent par 09, 06, etc.) renvoie à une catégorie de prix. Ainsi, le participant est censé savoir à l’avance le coût du SMS envoyé. Reste que cette indication est inexistante au Maroc.
Pour chaque SMS envoyé, la société organisatrice verse un pourcentage à l’opérateur et empoche le reste. La répartition se fait généralement à hauteur de 20 à 30% pour l’opérateur et 70 à 80% pour le fournisseur de service sur le total du prix indiqué. Ce qui est sûr, c’est que cette activité est particulièrement juteuse, étant la faiblesse des coûts d’exploitation.
En dehors de ces formules, certaines grandes entreprises se mettent aussi à organiser des jeux par SMS. La règle de transparence semble également occultée. À commencer par les chaînes de télévision. Les amateurs des séries mexicaines sur 2M ont eu plusieurs fois l’occasion de se voir proposer de répondre à des questions (simples) sur les personnages ou les interminables rebondissements de la série. Plusieurs émissions s’y mettent aussi. Même le sit-com «Lala Fatima» a été pris au jeu. Les tarifs des SMS, particulièrement élevés, tournent en général autour de 5DH HT. Mais le jeu-tombola par SMS qui fait le plus de bruit (et l’actualité) est bien celui de la Régie des Tabacs, opérationnel depuis le mois de mai. De quoi s’agit-il au juste ? À l’achat d’un paquet de cigarettes de marque internationale, le débitant propose à l’acheteur (qui doit être majeur) un carton de participation à gratter. Dans la zone à gratter figure un code à envoyer par SMS. Immédiatement, le participant reçoit un SMS de réponse lui indiquant qu’il vient de gagner un briquet et qu’il est inscrit à une tombola dont le lot n’est autre qu’une voiture. De quoi «donner l’eau à la bouche» de plus d’un. Le choix du SMS reflète selon les organisateurs le caractère moderne et hig-tech de la marque. Mais cette ambition pèche par une série d’anomalies qui entachent ce jeu. D’abord, l’enregistrement à la tombola (de la voiture) se fait sur la base du numéro de téléphone participant. Alors que la plupart des participants (faute d’information transparente) croient que le tirage se fera parmi les codes envoyés. Ce qui a poussé certains à participer plusieurs fois (jusqu’à 15 fois) à ce jeu. Ensuite, le tarif du SMS à envoyer ne figure pas sur le carton de participation. Auprès de la régie des tabacs, on explique qu’il s’agit d’un «oubli» en assurant que le tarif du SMS est de 3 Dh, «tarif normal d’un SMS», précise un responsable. Ce qui est naturellement faux. Tout le monde sait que le tarif d’un SMS normal est de 0,80 ct. Où vont les 2,20 restants ?
En réalité, ces jeux profitent surtout aux nouvelles sociétés spécialisées en SMS. Ce sont elles qui s’occupent de la gestion du trafic global des SMS. Leurs prestations reposent sur le système des «paques SMS » ou l’envoi en masse de ces messages. Dans le cas du jeu des cigarettes par exemple, la Régie des Tabacs a déployé quelque 450.000 cartons de participation auprès des débitants. Ce qui implique 450. 000 mille briquets à gagner mais surtout 450.000 SMS de retour (qui annoncent que vous avez gagné un briquet). C’est dire les marges que génère le trafic des SMS dans les deux sens.
Et pourtant, dans tous ces exemples, il semble incohérent de gagner de l’argent avec des jeux à la base « gratuits ». Comme son nom l’indique, ces jeux de hasard sont bien des « jeux gratuits, sans obligation d’achat ». C’est le principe de l’interdiction de toutes les loteries en dehors de la loterie nationale, puisque c’est un monopole de l’État. La gratuité de ces jeux implique en principe que le consommateur ne doit rien payer pour y participer. Ce qui suppose logiquement (si on suit à la lettre et le texte de la loi et l’esprit qui en découle) la possibilité de se faire rembourser, au cas où le participant ne gagne pas. Mais là encore, on est bien dans le domaine de la théorie.
Le problème, c’est qu’il n’existe pas de formule institutionnelle qui assure le respect des multiples réglementations en vigueur en la matière. Hormis le rôle très limité de l’ANRT, il n’existe aucun dispositif de contrôle des jeux et autres services.
Le rôle de l’ANRT se limite à «recevoir les déclarations de service à valeur ajoutée», confie un responsable de l’agence. Sans plus. Même si on reconnaît que «l’usage des SMS surtaxés, aussi bien pour les jeux que pour les autres services, cela implique une coordination entre les différents organes de l’Etat, particulièrement en ce qui concerne la légalité des contenus véhiculés par ce mode de communication public», poursuit le même responsable. Pour le moment, cette nouvelle activité technologique n’obéit à aucun code déontologique à même d’assurer un minimum de transparence notamment en ce qui concerne l’information sur les prix et les modes de participation. En attendant, les jeux semblent êtres faits.

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