Economie

Code du travail : La sécurité des travailleurs

© D.R

Enquête autour de l’artisanat : une journaliste de la chaîne M6 m’a demandé, la semaine dernière, de la renseigner sur la législation du travail et s’il existait au Maroc des lois réglementant les conditions de travail dans les activités d’artisanat traditionnel en particulièr. La journaliste semblait avoir été, lors de sa récente visite à Marrakech pour les besoins de son reportage dans le cadre de l’émission Capital, sidérée par les conditions déplorables, d’hygiène et de sécurité dans lesquelles sont employés les travailleurs, elle se demandait comment des jeunes travailleurs, souvent des enfants, peuvent être employés dans des conditions qui mettent en danger leur santé et leur sécurité. Cette question qui semble intéresser fortement la journaliste de M6, n’est pas spécifique au travail dans l’artisanat traditionnel, il s’agit d’un phénomène qui touche l’ensemble des artisans, toutes activités confondues, c’est-à-dire toutes les micro-entreprises dirigées par des personnes physiques, le plus souvent illettrées, ayant appris leur métier dans le tas, ne possédant aucune formation de gestion et, dans tous les cas, ne peuvent supporter les charges et obligations imposées par la législation du travail, compte tenu de leurs faibles revenus.
Un peu d’histoire
Dès l’occupation du Maroc par la France au début du 20ème siècle, l’occupant a doté le Royaume d’un énorme arsenal juridique afin de moderniser le fonctionnement de l’Etat chérifien sous le protectorat français.
Parmi cet arsenal figuraient des textes relatifs à la réglementation du travail et, notamment, ceux relatifs aux mesures d’hygiène et de sécurité.
En fait, ces textes étaient destinés à protéger la santé et la sécurité des travailleurs européens, puisque l’activité économique des Marocains était, à l’époque, cantonnée dans le secteur des médinas et que, de ce fait, la législation du travail ne leur était pas applicable.
Ces petits opérateurs appelés « artisans », étaient des menuisiers, des ferronniers, des coiffeurs, des teinturiers, des maroquiniers, des épiciers, des vendeurs de lait, plus tard il y’a eu des plombiers, des électriciens et des opérateurs qui emploient deux ou trois aides (travailleurs), souvent des apprentis.
Situation inchangée
Après l’Indépendance du Maroc en 1956, et durant ces cinquante dernières années, des dizaines de milliers de micro-entreprises, y compris celles exerçant l’activité d’artisanat traditionnel, se sont créées dans toutes les villes du Maroc, en dehors des médinas, elles ont gardé leur statut d’opérateurs économiques exonérés de l’application de la réglementation du travail, notamment celle relative à l’hygiène et la sécurité des travailleurs. En effet, les conditions de travail de leurs « aides » ne sont soumises à aucune réglementation car, ces micro-entreprises ne connaissent ni SMIG, ni durée maximum de travail, ni congé annuel et encore moins des mesures d’hygiène et de sécurité, et pourtant, ce secteur, dit informel, est le plus gros employeur, puisqu’il emploie actuellement près de 4 millions de travailleurs.
La voie de la sagesse
Le législateur a été, au moment de l’élaboration de la loi 65/99 formant code du travail, devant deux choix, soit de soumettre ces petits employeurs à l’ensemble des dispositions réglementant les relations de travail, notamment les conditions relatives à l’hygiène et à la sécurité, ce qui signifie la perte d’emploi pour bon nombre de travailleurs, ces petits employeurs étant, compte tenu de leurs faibles revenus, incapables de supporter les charges et les obligations imposées par la réglementation du travail, soit de fermer les yeux, comme cela a été le cas depuis l’institution de la législation du travail au Maroc au début du siècle dernier, en les laissant opérer sans cadre juridique. Le législateur a opté, avec beaucoup de réalisme, pour une troisième voie, celle-ci consiste à classifier cette population en trois catégories, chacune devant être réglementée par une loi spéciale. Ce qui est frappant dans l’attitude du législateur est sa disposition (article 4) selon laquelle il est dit, sans ambiguïté aucune, que les travailleurs de certaines catégories d’activité ne seront pas soumis au code du travail. Il n’est pas difficile de saisir l’ampleur de cette disposition lorsqu’on sait que le nombre de ces employeurs exonérés est de l’ordre de 800.000 et que chacun d’eux emploie trois ou quatre travailleurs, voire plus.
En vertu de l’article 4 du code du travail, ces micro-entreprises sont classées en trois catégories : 1- la catégorie des personnes physiques qui emploient des aides (travailleurs) ne dépassant pas 5 assistants, et dont le revenu annuel ne dépasse pas 5 fois la tranche exonérée de l’IGR.
Cette catégorie d’employeurs sera fixée par voie réglementaire.
2- la catégorie des activités à caractère purement traditionnel au sujet de laquelle une loi spéciale sera instituée et ayant pour objet de déterminer les relations entre employeurs et salariés et les conditions de travail de ces salariés. D’après l’article 4 du code du travail, «est considéré comme employeur dans un secteur à caractère purement traditionnel, toute personne physique exerçant un métier manuel, avec l’assistance de son conjoint, ses ascendants et descendants et de 5 assistants au plus, à domicile ou dans un autre lieu de travail, aux fins de fabrication de produits traditionnels destinés au commerce.
3- la catégorie des employés de maison qui fera l’objet d’une loi spéciale fixant les conditions d’emploi et de travail de ces employés. Il ne s’agit pas que des domestiques ou des cuisinières, mais aussi des chauffeurs, des jardiniers, des gardiens etc.
Employeurs exonérés
Concernant la 1ère catégorie, le législateur parle de plusieurs catégories, d’après le libellé du texte, il exige pour l’exonération, trois conditions, à savoir:
l’employeur doit être une personne physique, employant 5 travailleurs au plus, et réalisant un revenu inférieur ou égal à 5 fois le revenu exonéré de l’IGR.
La 4ème condition, sera fixée par voie réglementaire. C’est ainsi que toutes les catégories d’employeurs exonérées devront faire l’objet d’une liste exhaustive qui sera publiée par un décret du Premier ministre.
Les travailleurs employés par ces catégories exonérées ne seront pas protégés par la législation du travail, notamment en ce qui concerne le SMIG, la durée légale de travail, le congé annuel et les mesures préventives protégeant leur santé (hygiène) et leur sécurité.
Personnellement, je considère qu’il aurait été plus sage que le législateur réserve, pour ces catégories, une loi spéciale qui les exonérerait de toutes les obligations de la législation du travail, mêmes les charges fiscales et sociales, sauf pour les points suivants qui doivent, au nom des droits humains, être institués par la loi spéciale :
– tenir un registre sur lequel seront inscrits les travailleurs en indiquant avec précision leur âge.
– instituer un SMIG spécial pour ces catégories d’employés.
– instituer une durée maximum de travail journalier, quitte à la fixer à 10 heures par exemple.
– imposer un jour de repos hebdomadaire.
– imposer des mesures d’hygiène et de sécurité afin de protéger la santé et la vie des travailleurs, sachant que ces derniers sont engagés pour une prestation de service et non pour contracter des maladies graves ou pour se faire tuer par accident.
– imposer, avec l’appuie des pouvoirs publics, la couverture de ces risques par l’adhésion à une assurance groupe.
Artisanat traditionnel
Le code prévoit l’institution d’une loi spéciale réglementant les conditions de travail des salariés des activités à caractère purement traditionnel. A ce jour, cette activité n’est soumise à aucune réglementation de travail, et encore moins, à celle concernant les mesures préventives relatives à l’hygiène et à la sécurité afin de protéger les travailleurs de ces activités contre tous risques de maladies professionnelles ou d’accidents de travail. Le produit artisanal traditionnel, on le sait, est une partie de notre patrimoine culturel et est, en plus, un générateur d’emplois, il mérite, de ce fait, qu’il fasse l’objet d’un statut particulier fixant, d’une part, les mesures d’encouragement par des exonérations et, d’autre part, les conditions réglementant les relations et les conditions de travail.
Les mesures d’encouragement liées aux obligations patronales ne doivent pas se faire au détriment des droits les plus élémentaires des travailleurs dans ces activités, les jeunes adolescents ont bien droit à un minimum vital, et surtout à des mesures d’hygiène et de sécurité les protégeant contre tous risques de maladies ou d’accidents graves.
Ce sont les conditions déplorables de travail relatives à l’hygiène et à la sécurité qui ont attiré, en premier lieu, l’attention de la journaliste de la chaîne M6, lors de sa récente visite à la Médina de Marrakech, son reportage qu’elle effectue pour l’émission Capital ne manquera pas de mettre en exergue la situation de jeunes travailleurs qui travaillent dans des conditions mettant en danger leur santé et leur sécurité, sans pour autant que leurs employeurs ne soient soumis à des mesures obligatoires de prévention contre les risques de maladies ou d’accidents. Je souhaiterais, personnellement, que la loi spéciale annoncée par le code et ayant pour objet de réglementer le travail dans le secteur purement artisanal, tienne compte de mes suggestions formulées plus haut au sujet de la première catégorie, celles-ci peuvent être applicables à l’activité artisanale traditionnelle, à l’exception cependant du cas des ascendants ou descendants.
Employés de maison
Toute loi concernant la réglementation des conditions de travail des employés de maison serait, à mon avis, prématurée, il est encore tôt d’accorder aux domestiques et autres employés de maison le droit de traîner leurs employeurs devant la justice, tant qu’il est impossible pour ces derniers d’être en mesure de tenir un registre de paye et de congé annuel, de délivrer une carte de travail, un bulletin de paie, etc, pour pouvoir se défendre devant les tribunaux.
De toute façon, ces employés ont bien des moyens, qu’ils n’hésitent pas à mettre en oeuvre, en s’assurant constamment des avances sur salaire à toute occasion et quitter leur emploi sans donner signe de vie ou…

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