Economie

Des métiers et des gens : Une femme-patron dans la couture

Leïla Kharroubi est exemplaire. Les lecteurs assidus du magazine moyen oriental «Sayyidati» en auront facilement la preuve directe. Ce magazine lui avait consacré un portrait dans le cadre d’un reportage sur le Maroc et à l’occasion de la tenue au Hyatt de Rabat, l’ex-Hilton, de la convention du groupe «Ach Charq Al Awsat». C’était en 1990.
Cet article, du moins sa photocopie, Leïla vous le montrera volontiers sans pour autant s’en vanter. Simplement, satisfaite de ce que «Sayyidati» avait choisi de sortir des sentiers battus en présentant une femme pour incarner son pays… Une femme entrepreneur certes, mais une femme avant tout et une authentique marocaine surtout, à une époque où la mode n’était pas encore à la promotion systématique de la femme dans les médias nationaux.
Leïla Kharroubi a créé, il y a une dizaine d’années, un atelier de confection spécialisé dans les uniformes, en particulier ceux en usage dans les entreprises du secteur du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration. Vous souhaitez changer la garde-robe de service de vos collaborateurs ? De nouveaux costumes pour vos serveurs ? De nouvelles tenues pour vos hôtesses de l’air ? Leïla peut s’en charger. Son petit atelier, devenu au fil des années une PME accrocheuse dans sa région, a les moyens de ses ambitions. Et de ça, Leïla en est fière. D’ailleurs, il lui arrive même de se dire couturière, ce qu’elle n’a aucun mal à prouver.
Le parcours de Leïla commence pourtant par un renoncement : elle n’a pas fait des études d’art auxquelles tout la prédestinait, préférant d’instinct se lancer directement dans la vie.
En partenariat avec une styliste, elle réalise en sous-traitance des collections de vêtements en cuir destinés au marché européen. C’était au temps où le cuir marocain tenait le «haut du marché», avant la montée en puissance d’autres pays concurrents. Cette activité sera pour elle l’occasion d’acquérir le b.a.-ba du métier, d’en cerner les contours, d’en éprouver aussi l’adversité.
Quatre ans plus tard, elle se décide à créer sa propre entreprise et aborde courageusement le métier de patron. Sachant qu’il n’est pas facile, malgré toutes les avancées de la société, de diriger une entreprise lorsque l’on est du sexe dit faible, même si Leïla n’est pas du genre à se laisser impressionner. Elle tient sans doute de son père, militaire de carrière, son attachement aux valeurs essentielles, son sens de la discipline et sa remarquable combativité.
Un profil et des qualités qui ont fait la notoriété de son atelier et qui lui valent le respect de ses collaborateurs, même lorsque les circonstances lui imposent de faire preuve de la plus grande fermeté. Son métier de patron, Leïla le pratique également dans le cadre associatif. Elle est membre de l’Association des femmes entrepreneurs du Maroc (AFEM) au sein de laquelle elle milite pour une meilleure représentation des femmes sur la scène publique. Il y a aussi la section marocaine de Ladies Circle, créée il y a trois ans, au sein de laquelle elle aime retrouver ses amies. Féminisme ? Non. Leïla a trop les pieds sur terre pour se bercer d’idéologie. Elle déplore certes la survivance des vieux réflexes machistes mais leur oppose paisiblement sa croyance dans le travail considéré comme un acte de foi.
Quant à ses concurrents, impitoyables et quelque peu méprisants, elle leur démontre chaque jour la légitimité de son projet. L’atelier de Leïla voit s’ouvrir devant elle les perspectives de développement du tourisme à grande échelle. « Mon projet d’entreprise, explique-t-elle, est fondé sur les besoins d’un secteur en forte croissance, sachant que les hôteliers, les restaurateurs mais aussi les sociétés de transports de voyageurs ont besoin de vêtements professionnels à l’image du pays, de sa culture et de son identité. La touche marocaine dans ce domaine doit se généraliser, affirme-t-elle, j’ai la conviction que tout reste à créer».
La vision, le coup d’œil et le savoir-faire qui font aujourd’hui la force de son atelier et qu’elle revendique, non sans fierté, Leïla a mis dix ans à les forger.
Une façon pour elle de dire que son parcours d’accomplissement professionnel ne fait que commencer.

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