ALM : Une quarantaine de convocations ont été envoyées dans le cadre de l’affaire de la CNSS. Quel est votre commentaire ?
Rahhou El Hilaâ : Une quarantaine de convocations ont effectivement été adressées dernièrement à des personnes dont les noms ont été cités dans les différents rapports d’enquête qui ont concerné l’affaire de la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS), une quarantaine en somme. Le dossier a été remis à la justice et l’instruction suit actuellement son cours normal. Il n’y a aucun lieu de soupçonner la moindre intention d’enterrer l’affaire qui, comme tout le monde le sait, revêt un caractère politique en plus de son caractère juridique. La convocation de ces personnes est certainement un signal fort. La volonté de respecter les institutions est manifeste. Nous ne pouvons qu’applaudir. La justice doit se prononcer. Cette fois-ci, j’espère que l’on ira jusqu’au bout et que les responsables de la dilapidation catastrophique des deniers publics seront sévèrement punis.
Pensez-vous que le choix du timing est opportun ?
Le dossier se trouvait depuis plusieurs mois chez le juge d’instruction M. Sarhane, celui-même qui a instruit de nombreuses affaires similaires, notamment celle de Laâfora et Slimani. Je ne pourrais vous dire pour quelles raisons le dossier n’a pas été ouvert plus tôt. Ce retard arrangeait certainement certaines personnes qui trouvaient que le temps n’est pas encore venu pour traiter ces dossiers sensibles. Ce qui n’est pas mon cas puisque j’estime que chacun d’entre nous doit assumer pleinement les conséquences de ses actes. Mais comme on dit, vaut mieux tard que jamais.
Quelles sont les personnes qui sont concernées par ces convocations ?
Il s’agit de tous les anciens Pdg de la Caisse, de ses ex-secrétaires généraux ainsi que de nombreux directeurs de départements impliqués d’une manière ou d’une autre, notamment en ce qui concerne l’application de consignes ou d’instructions contraires à la loi. Ces personnes concernées ont toutes été citées dans le rapport présenté par la commission d’enquête parlementaire au Premier ministre qui l’a remis à son tour au ministre de la Justice. Ce dernier a saisi l’Inspection générale des finances (IGF) qui a fait son travail de contrôle financier durant une année et demie et a présenté à son tour un rapport encore plus accablant que celui des parlementaires. Un rapport où sont également citées les mêmes personnes.
Qu’en est-il des sommes astronomiques qui ont été détournées?
Le total des sommes qui ont été détournées durant trente années, c’est-à-dire de 1972 à 2002 est estimé à près de 115 milliards de dirhams. Les pertes sont pour leur part estimées à près de 49 milliards de dirhams. A titre d’exemple, je dirais que les cotisations non encaissées se chiffraient à plus de 20 milliards de dirhams. Les dépenses, non justifiées, étaient colossales. La subvention annuelle des polycliniques atteignait les 400 millions de dirhams, soit l’équivalent de 6 milliards de dirhams de subventions qui n’ont pas de raison d’être. Et il est à signaler que les chiffres des détournements établis par l’IGF sont supérieurs à ceux que notre commission a mentionnés dans son rapport. C’est compréhensible dans la mesure où ladite commission ne disposait que d’un délai de six mois fixé par la loi en plus de différentes considérations d’ordre politique. Pour ce qui est du recouvrement, je tiens à préciser qu’une grande partie de ces sommes peut être récupérée. Les fortunes qui ont été massées sont considérables.
Que prévoit la loi dans ce sens ?
Toute cette affaire est actuellement du ressort de la justice, seule habilitée à dire son mot. Le dossier est devant le juge d’instruction. Attendons pour voir.