Economie

Événement : Les patients marocains sont pénalisés

ALM : Comment réagissez-vous face aux actuelles négociations de l’OMC se rapportant aux médicaments génériques ?
Abdellah Filali Lahlou : Je vous répondrais en tant que PDG de laboratoire dont plus de 95 % de sa production est générique. Je suis tout simplement contrarié pour ne pas dire autre chose. De par ses obligations internationales, le Maroc a été contraint à signer les accords de l’OMC limitant la production de médicaments génériques. Notre pays aurait pu attendre jusqu’en 2005 mais il ne l’a pas fait. Le Dahir limtatif est paru en février 2000 mais son décret d’application n’a pas encore vu le jour. De ce fait, nous sommes désormais obligés de respecter, comme beaucoup d’autres pays, les brevets.

Qu’est-ce qui va changer pour les industriels marocains ?
Auparavant, les laboratoires marocains pouvaient faire toutes les copies de n’importe quel médicament, même ceux qui étaient sous générique ailleurs. Après l’application de cette loi, ils ne pourraient plus reproduire les produits qui sont encore sous brevet et dont la durée est de 20 ans. Le problème qui se pose actuellement est qu’à travers les discussions en cours au sein de l’OMC, ces grandes multinationales essayent de prolonger la durée de ces brevets et ce, de deux manières.
La première se rapporte aux données confidentielles non-divulguées alors que la seconde concerne les données complémentaires. Pour les premières, la loi de février 2000 stipule que le générique produit ne doit pas utiliser de formule ou de donnée confidentielle. Ce qui est aberrant puisque partout dans le monde, le générique n’utilise que des données qui sont à la portée de tout le monde, même du public non avisé.
Le second point concerne les médicaments qui constituent des compléments de traitement à des maladies autres que celles pour lesquelles ils ont été produits. Je prends l’exemple de l’aspirine qui est prescrite contre les maux de tête, fièvres ou en tant qu’anti-inflammatoire. Parce qu’elle fluidifie le sang, ce médicament est également utilisé pour empêcher la constitution de cailloux de sang, notamment dans le cas d’un infarctus du myocarde.
Les grandes multinationales exploitent donc ces données pour prolonger la durée de leurs brevets.

Que représente le générique sur le marché des médicaments au Maroc ?
En chiffre d’affaires, le générique au Maroc représente moins de 10 %. En unité, il représente plus de 20 % des médicaments mis en vente sur le marché national. Mais il faut tenir en compte que deux marchés parallèles existent dans notre pays, l’un est privé et est constitué des pharmacies et autres officines, alors que le second est public et est représenté par le ministère de la Santé publique. L’introduction du générique il y a une dizaine d’années a révolutionné ce marché. Prenant l’exemple de Pharma5. Sur une période de cinq ans, les prix des produits que nous avons vendus au ministère ont chuté de 40 % grâce au générique. En contrepartie, la demande a augmenté de 43 %. Actuellement, plus de la moitié des médicaments mis à la disposition des citoyens dans les hôpitaux sont des génériques.

Quel est donc l’impact de cette limitation de produire du générique sur ce marché ?
Cette nouvelle législation va pénaliser essentiellement le malade. Un médicament est avant tout un remède avant qu’il ne soit un produit. D’autre part, l’industrie pharmaceutique nationale, vieille de 52 ans, n’est plus désormais à l’abri de certaines dérives, notamment le recours à l’importation systématique de produits pharmaceutiques étrangers, ce qui posera à moyen et long termes, le problème de sa compétitivité.

Quelle est la position de l’Association marocaine de l’industrie pharmaceutique quant à cette limitation de production ?
Malgré une entente officielle entre les membres de l’association, les points de vue des différentes parties sont loin d’être unanimes autour de ce sujet. Il ne faut pas oublier que les sociétés multinationales installées au Maroc et qui sont une dizaine ont des moyens de pression très persuasifs. Il est sûr que nos intérêts ne convergent pas toujours.

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