Economie

Fouzia Zaâboul : «Un déficit de 5% pour 2011 est tout à fait réaliste»

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ALM : On semble se diriger vers un déficit supérieur à 6%. Quelles sont les mesures envisagées pour éviter une telle explosion ?
Fouzia Zaâboul : Tout d’abord, il faut rappeler que les résultats de l’exécution de la loi de Finances 2011 au terme des sept premiers mois font ressortir des évolutions favorables en comparaison avec aussi bien les réalisations de la même période de 2010 que les prévisions initiales.
L’exception à cette évolution concerne, toutefois, la charge au titre des dépenses de la compensation qui s’est inscrite en nette augmentation en raison de la flambée des cours internationaux des produits énergétiques et alimentaires. Cette augmentation de la charge de la compensation, conjuguée à l’impact des mesures décidées dans le cadre de la dernière session du dialogue social, ne manquerait certainement pas d’avoir un impact sur les  résultats de clôture de l’année budgétaire en termes de déficit et de taux d’endettement.
Toutefois, cet impact ne doit pas être exagéré outre mesure et ce, pour les principales raisons suivantes
•  le comportement des recettes, aussi bien fiscales que non fiscales, laisse présager un potentiel d’amélioration important par rapport aux prévisions,
• du côté des dépenses, le gouvernement a identifié et engagé la mise en œuvre de mesures en vue de dégager des économies, notamment au niveau des dépenses liées au train de vie de l’Administration.
Partant, le déficit budgétaire au titre de l’exercice budgétaire 2011 devrait rester maîtrisé à un niveau autour de 5% du PIB. Cependant, et tenant compte de la conjoncture économique actuelle tant au niveau national qu’international, ce niveau de déficit, bien qu’en rupture avec l’objectif fixé par le gouvernement au cours de ces dernières années, demeure réaliste et compatible avec les possibilités de financement offertes aussi bien sur le marché intérieur qu’extérieur.

Peut-on s’attendre à une deuxième sortie sur le marché international ?
Une sortie sur le marché financier international ne dépend pas uniquement du besoin de financement du Trésor, elle dépend aussi d’une volonté de desserrer la pression sur les avoirs extérieurs, quand elle existe, et donc de la pression sur la liquidité.
Après, il faut voir les conditions qui prévalent sur le MFI. En 2011, la détérioration de la situation des marchés financiers liée à l’aggravation de la crise de la dette aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis a créé beaucoup d’aversion au risque chez les investisseurs qui sont, dans leurs stratégies d’investissement, de plus en plus guidés par la recherche de valeurs refuges (or, matières premières…).
Un tel environnement rend le recours au MFI plus onéreux pour plusieurs pays et favorise ainsi l’arbitrage en faveur des ressources internes. Il reste entendu que la position à l’égard d’une sortie ou non sur le MFI, en 2011 ou pour les années à venir, est une position flexible, souvent revue et adaptée à la lumière notamment de l’évolution de l’environnement national et international dans le cadre de la stratégie d’ar bitrage que j’ai citée. 

Même si le Maroc le souhaitait, l’état des finances malmenées par l’explosion des dépenses de compensation nous permettra-t-il d’obtenir des conditions favorables sur un marché, de surcroît, fébrile ?
Le placement d’une émission sur le MFI est tout d’abord un exercice de marketing, au cours duquel l’émetteur doit convaincre les investisseurs de l’acceptabilité du risque qu’ils courent en achetant ses titres en contrepartie du niveau du rendement offert.
Du côté des investisseurs, il s’agit plutôt d’un exercice de comparaison entre plusieurs opportunités d’investissement offertes sur le marché. Et là aussi, tout est relatif ; les investisseurs comparent le Maroc par rapport aux autres pays et de ce point de vue, la position du Maroc est plus que confortable. En fait, que regardent les investisseurs ?
1- d’abord si le pays a la capacité de rembourser sa dette.
Notre dette extérieure publique représente moins de 23% du PIB, alors qu’en 2000 ce ratio se situait à plus de 43%. Nous l’avons donc réduit presque de moitié en dix ans. Le rapport du service de la dette aux recettes courantes de la balance des paiements est lui à moins de 5% alors qu’il se plaçait à 19% en 2000. Et il ne faut pas oublier que nos avoirs extérieurs couvrent la totalité du stock de la dette extérieure publique ;
2- les réformes démocratiques en cours ;
3-  la prise en charge des problèmes de pauvreté ;
4- les potentialités des stratégies sectorielles qui sont mises en œuvre.
Les stratégies menées par le Maroc sont corroborées par les rapports des agences de notation et par les conclusions du rapport du FMI de la consultation au titre de l’article IV. Et il ne faut pas oublier que le Maroc est parmi les rares pays ayant maintenu leurs niveaux de rating au moment où plusieurs pays ont subi des rétrogradations de leurs notes par les agences de notation. Ces agences ont également maintenu la « perspective stable» pour les notes attribuées à notre pays.

Si la piste de l’emprunt n’est pas retenue et au vu de l’état des recettes, quelles sont les autres solutions réalistes qu’on peut envisager pour soulager le budget général ?
L’état des recettes dont vous parlez n’est pas aussi alarmant. Au contraire, et comme je l’ai déjà signalé auparavant, au vu des réalisations à fin juillet, les prévisions de recettes d’ici la fin de l’année laissent apparaître des améliorations par rapport aux prévisions initiales.
Ceci étant, en plus des plus-values attendues au niveau des recettes, le gouvernement est décidé à continuer d’identifier et de mettre en œuvre toutes les possibilités d’économie qui peuvent être exploitées pour atténuer l’impact des charges additionnelles au titre de la compensation sur le déficit budgétaire.

Cela voudrait dire aussi que le Trésor devrait se rabattre sur le marché intérieur…
Il ne faut pas oublier les financements extérieurs classiques mobilisés auprès des créanciers bilatéraux et multilatéraux à des conditions très favorables.
L’effet des réformes est continu et nous permet de mobiliser des appuis budgétaires au titre de ces réformes ; c’est le cas de la réforme du secteur financier ou celle de l’administration par exemple.
Par ailleurs, les stratégies sectorielles nous permettent également de mobiliser des fonds importants.
Mais il est vrai que l’essentiel des besoins du Trésor sera financé sur le marché domestique qui reste comme d’habitude la principale source de financement.
A cet égard, compte tenu du niveau de déficit prévu autour de 5% pour l’année en cours et à l’instar de l’année 2010, le Trésor devrait se financer à des conditions stables, comme en témoignent les taux de rendement sur le marché des adjudications jusqu’à fin août 2011 ainsi que le taux de couverture des offres qui avoisine 7,6 fois.

On le sait, la liquidité bancaire est déjà sous tension. Le recours massif du Trésor ne risque-t-il pas d’aggraver la situation et de rendre l’argent encore plus cher ?
Non. Cela ne devrait pas avoir un impact significatif ni sur les niveaux de taux d’intérêt ni sur la liquidité bancaire en raison, d’une part, de la présence régulière de Bank Al-Maghrib à travers les avances à 7 jours pour résorber le déficit de liquidité et partant atténuer la pression sur les taux monétaires et, d’autre part, du fait que l’essentiel des mobilisations du Trésor est réinjecté dans le circuit bancaire. Cela se fait de façon permanente, à travers le paiement des dépenses publiques et, de façon temporaire, à travers les opérations de placement des excédents du compte courant du Trésor.
A cela, il faut bien évidemment ajouter la gestion active de la dette et de la trésorerie publique  que nous menons au jour le jour et en quasi temps réel, à la fois sur le plan de nos prévisions de trésorerie et celui de notre intervention sur le marché et cela pour réduire au maximum la pression sur le marché.
La Direction du Trésor et des Finances extérieures a créé, comme vous le savez, le pôle Dette. Cette année, nous avons mis en place un service spécialement chargé des prévisions de trésorerie. Nous sommes, par ailleurs, en train de mettre en œuvre un système d’information intégré qui prend en charge tout le processus d’endettement et de la trésorerie.
Dans ce cadre, je dois signaler qu’en 2010, les levées du Trésor ont atteint un volume record de 101,1 milliards DH dans un contexte de baisse structurelle de la liquidité bancaire. Toutefois, le recours du Trésor au marché domestique s’est fait dans des conditions avantageuses sans impact haussier sur les taux d’intérêt et sans effet d’éviction du secteur privé.


 L’Administration pourra économiser plus de 10% sur son train de vie
L’objectif consistant à économiser 10% sur les dépenses de fonctionnement de l’Administration a-t-il été atteint ?
En premier lieu, ce n’est pas un objectif impossible. Ce n’est pas la première fois que le gouvernement s’engage sur les économies au titre des dépenses de fonctionnement. Rappelez-vous en 2010 ; les économies à ce titre se sont chiffrées à plus de 5 milliards DH, soit 12% de l’enveloppe allouée alors même que la décision n’a été prise qu’au début du 2ème semestre de l’année.
Cette année, la décision a été prise très tôt et sur la base des réalisations à fin juillet, on peut estimer que sur l’ensemble de l’année 2011, le montant des économies devrait dépasser les 10%.

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