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La cité des morts et des vivants

© D.R

«City of deads» ou «cité des morts».
C’est ainsi que les Cairotes appellent cette zone de plusieurs kilomètres carrés, située à l’est de leur ville. Une cité où les morts ont chaleureusement accueilli des vivants, venus les déranger dans leur dernière demeure. En effet, près de deux millions d’habitants ont élu domicile dans les anciens cimetières de la capitale de l’Egypte qui compte, rappelons-le, quelque 16 millions d’habitants. Un chiffre qui passe à 14 millions la nuit. Pratiquement tous sont venus au Caire des campagnes du Delta du Nil ou de la Haute Egypte dans l’espoir d’améliorer leurs conditions de vie. Et tous ont vite déchanté en découvrant un quotidien qui se trouve loin d’être rose puisque chômage, habitat insalubre et taux élevé de criminalité le composent. Et c’est ainsi qu’ils ont été nombreux à investir les territoires des morts pour s’y installer. Un pied-à-terre dans la plus grande capitale d’Afrique asphyxiée par les désordres urbanistiques et dont 30%  des habitations, se situant dans des «quartiers champignons» n’ont ni eau ni égouts. C’était il y a de cela plusieurs décennies. «Les premiers occupants ont choisi de s’installer dans les caveaux et tombeaux des anciens cimetières qui se trouvent à l’Est du Caire. C’est que nous Egyptiens, avons comme coutume de construire des caveaux dans lesquels sont enterrés les différents membres d’une même famille. Certains occupants ont choisi des tombeaux abandonnés alors que d’autres ont été autorisés par les propriétaires, moyennant quelques livres ou tout simplement en contre-partie de l’entretien du caveau», estime Amr Essayd, un Cairote de pure souche qui habite à une dizaine de mètres de la «cité des morts». Des constructions plus ou moins grandes, à l’architecture arabe, fatimide ou omeyade ou tout bonnement construites de pierres et sable. Nombreuses sont celles dont l’édification revient aux siècles derniers.

Plusieurs habitants ont été obligés de construire eux-mêmes leur toit de fortune soutenu par deux énormes pierres tombales. L’eau et l’électricité sont loin d’être généralisées même si nombreuses sont les demeures qui arrivent à partager un raccordement avec le réseau urbain de distribution à l’aide de complicité des habitants des quartiers limitrophes. Quelques familles, qui comptent parmi les plus chanceuses, disposent cependant de toilettes et d’une salle de bain qu’elles ont installées dans une tombe voisine alors que les plus pauvres se contentent du filet d’eau d’une fontaine publique. Mais ce sont les tombeaux des anciens nobles égyptiens qui ont la cote. Les habitants de la «cité des morts» préfèrent ainsi squatter des caveaux appartenant à des beys ou des pachas ayant côtoyé de près les Khédives, différents souverains qui ont régné sur l’Egypte au 19ème et la première moitié du 20ème siècles. Mohamed n’hésite par exemple pas à montrer du doigt une petite pancarte en albâtre jauni par le temps, incrustée en haut de la porte de sa demeure-tombeau et sur laquelle a été inscrit le nom d’un certain Harb bey Tarouat, décédé en 1926. Cette demeure est composée, comme c’est d’ailleurs le cas de la majorité des habitations de la «cité des morts» d’une seule pièce où trône un paillasson recouvert d’un drap en patchwork délavé, une table basse posée sur une sorte de tapis traditionnel égyptien (une simple natte de paille) et un amas d’ustensiles de cuisine est posé dans un coin de la pièce qui accueille sept personnes.
Et à l’instar du Caire, la «cité des morts» change complètement le soir venu. Le calme et la plénitude, habituels dans ce lieu de dernier repos cèdent la place le soir à une agitation étrange à une nécropole. Les ruelles et avenues de cet ancien cimetière s’animent au fur et à mesure que la température baisse pour ressembler fortement aux ruelles du vieux Caire : le même ocre-brun des murs, les mêmes terrasses de cafés populaires célèbres pour leurs petites tables, leur thé rouge et leurs narguilés. L’activité économique bat alors son comble avec les échoppes et les petits gargotes qui lèvent leurs rideaux un peu partout dans les ruelles de cette nécropole. Et quelques jours par an, coïncidant avec les fêtes religieuses, la «cité des morts» redevient un simple cimetière, une ville morte où se rendent des milliers de Cairotes venus se recueillir sur la tombe de leurs défunts. C’est à ces moments-là que la «cité des morts» devient également accessible aux curieux qui viennent visiter le monument funéraire de quelque éminent bey ou pacha ottomans. Des morts dont plus personne ne se souvient. Sauf ceux qui les ont choisis pour voisins.

DNES au Caire
Fadoua Ghannam

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