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Karim Tazi : «Il est indispensable de maintenir une continuité dans notre action»

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Entretien avec Karim Tazi, président de l’AMITH

ALM : Votre mandat touche à sa fin au sein de l’AMITH. Quel bilan faites-vous de la période passée aux commandes de l’association ?

Karim Tazi : Ce mandat s’achèvera bientôt et j’ai, avec mon vice-président Abdelhai Bessa, la fierté d’avoir servi notre secteur avec des résultats probants. Tout d’abord, nous avons permis au secteur d’approcher la barre inédite des 38 milliards DH à l’export. Ensuite, nous avons redynamisé l’investissement en le multipliant par 3 par rapport aux performances historiques. De plus, la création d’emploi est repartie à la hausse après une décennie noire (-200.000 emplois depuis 2008) avec environ 80.000 emplois créés sur les 4 dernières années (dont 110.00 nets en 2018). Enfin, nous avons renforcé la position de notre association vis-à-vis des pouvoirs publics. De nombreuses dispositions favorables à l’ensemble des acteurs et des régions ont été entérinées, notamment l’allègement de la pression fiscale, l’accès massif aux aides étatiques du Plan d’accélération industrielle, l’accès à de nouveaux marchés et la lutte contre la concurrence déloyale. L’aboutissement de ces réalisations a permis d’installer des fondamentaux indispensables pour repositionner notre secteur, que la plupart des décideurs considéraient comme peu attractif. Ce bilan est d’ailleurs reconnu par nos membres dont le nombre a augmenté durant ce mandat.

Vous et votre binôme êtes par ailleurs candidats aux prochaines élections de l’association. Pourquoi vouloir rempiler pour un deuxième mandat ?

Avec Abdelhai Bessa, nous avons pris la décision de nous représenter pour solliciter la confiance de nos membres et ainsi présider aux destinées de l’AMITH pour les 3 prochaines années. Les nombreuses marques de reconnaissance et les encouragements de nos confrères nous ont en effet convaincus de la nécessité de parachever le projet de développement que nous avions ensemble tracé pour notre secteur. En particulier, alors que notre premier mandat nous a permis de construire des fondations solides, il est indispensable de maintenir une continuité dans notre action pour finir le travail. C’est grâce aux efforts de tous nos membres et à l’écoute attentive des opérateurs publics que nous sommes aujourd’hui porteurs d’une ambition sectorielle solide. Nous avons une vision claire des dynamiques nationales et internationales qui viennent impacter le secteur textile et nos acteurs, et nous sommes convaincus que si nous ne poursuivons pas la dynamique, ce secteur  «socio-économiquement» critique pour notre pays serait en difficulté.

Comment se distingue votre candidature et quels sont les principaux axes de votre programme électoral ?

Nous avons l’ambition d’atteindre le seuil des 60 milliards DH de chiffre d’affaires en export et sur le marché local en 2025, voire plus si les conditions de concurrence déloyale sont levées. Notre objectif est de ré-enchanter le secteur textile et soulager ses acteurs des contraintes inutiles qu’ils subissent. Notre programme s’articule autour de 4 piliers. Il s’agit de transformer l’association pour que les membres se la réapproprient. Nous voulons également simplifier, clarifier et communiquer les mesures d’aide obtenues les 3 dernières années pour en faire bénéficier un maximum d’acteurs. Parmi les piliers identifiés : rendre le Maroc une destination incontournable pour les donneurs d’ordre et attirer de nouveaux clients ainsi que défendre le marché local.

Justement comment comptez-vous opérer la transformation de l’association ?

En effet, la transformation de l’association me tient à cœur car c’est une demande forte de nos membres. Pour traduire notre programme en actions concrètes, nous aurons besoin de dynamiser notre structure associative. Elle devra renforcer à la fois sa proximité et sa capacité d’écoute auprès des membres pour répondre à leurs attentes. L’ensemble des acteurs et des régions devront être associés pour assurer une meilleure représentativité. Elle devra également développer davantage les services mis en place pour les membres : interface avec l’administration pour gestion de litiges, accès aux formations, participation aux actions de promotion, accès aux aides de l’État… Pour cela nous constituerons une direction autonome capable de répondre aux requêtes de nos membres et régions dans les délais les plus courts pour compléter les actions existantes.

D’un point de vue plus global, quelle lecture faites-vous du développement du secteur du textile au niveau national ?

Nous bénéficions d’avantages majeurs, étant à proximité du premier marché mondial, l’Europe, et d’un savoir-faire reconnu notamment en fast-fashion, où le Maroc est un partenaire clé du premier groupe mondial. Mais pour continuer à être positionnés sur l’échiquier mondial, nous devons continuer de progresser sur les leviers clés. Citons en premier le capital humain, avec la création de centres d’expertise, comme l’expérience en cours avec le CITEVE portugais. Nous ambitionnons de développer l’état d’esprit  «mindset» à la fois au sein de l’association qui sera plus à l’écoute que des acteurs en passant d’une culture de fournisseurs à une culture d’apporteurs de solutions. Le troisième levier clé est le climat des affaires, notamment avec la nécessité de gagner le combat contre la concurrence déloyale, qui s’acharne contre les acteurs vertueux sur le plan socio-économique. La compétitivité figure également parmi nos priorités. Nous misons dans ce sens sur l’accélération de la mise en œuvre des mesures du PAI pour un maximum d’acteurs, et une batterie de mesures, en l’occurrence le financement, le dispositif de soutien pour développer l’éco-fashion, les mesures de défense commerciale, la renégociation des règles d’origine, le lean confection, et autres. Nous comptons également sur la consolidation des relations avec les clients actuels et la diversification du portefeuille client (Maroc PME, Amdie).

Quels sont les enjeux à relever pour promouvoir un rayonnement de la production marocaine aussi bien sur le marché local qu’étranger ?

Au niveau international, le secteur connaît une évolution ultra-rapide. Nous affrontons aujourd’hui de nouvelles dynamiques, avec 3 changements majeurs. On énumère en premier les consommateurs, qui consomment moins de textile au profit de la téléphonie, des divertissements. Ils sont en quête de sens dans leur consommation (générations XYZ alpha), notamment un désir d’éco-responsabilité. Citons ensuite les nouveaux business modèles basés sur le digital et le e-commerce (Digitally Native Vertical Brands), avec des opportunités majeures autour de l’industrie 4.0. Et en définitive, la naissance de models logistiques nouveaux notamment avec la nouvelle route de la soie (TGV reliant l’Europe et la Chine en 4 jours) et l’émergence de nouveaux acteurs comme l’Ethiopie qui bénéficie d’un Smig à 25 dollars.

Au niveau local, le secteur textile est sous pression du fait du poids endémique de l’informel, de l’excessive concurrence déloyale des importations (contrebande, importations subventionnées au pays d’origine, dumping social) et des insuffisances des protections contre les acteurs voyous. Nous avons initié une nouvelle dynamique en termes de perception et de crédibilité du secteur textile national auprès des partenaires (pouvoirs publics, acteurs institutionnels et sociaux, donneurs d’ordre internationaux) et notre ambition, si nous sommes réélus, consiste à œuvrer pour le rayonnement de notre industrie textile au Maroc et à l’export.

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