Economie

La Cour des comptes: Driss Jettou sévit ?

© D.R

La Cour des comptes sévit. Traditionnellement connue pour ses rapports annuels concernant la gestion des deniers publics, la Cour regroupant les juridictions financières du Royaume dirige aussi des procès et rend des verdicts. Driss Jettou, président de la Cour du comptes, dévoile la liste des verdicts rendus par les juridictions financières.

Des présidents de communes, des directeurs généraux de grands établissements publics ou encore des présidents d’agences régionales et sectorielles ont ainsi goûté aux châtiments de la Cour des comptes qui ne fait pas que dans la «paperasse» mais agit quand il le faut. Jettou semble bien décidé de le faire savoir. Au total, le rapport dont ALM détient copie, ne liste pas moins de 28 décisions portant sur des sanctions et disciplines budgétaires et financières. Une liste non exhaustive bien évidemment mais qui dévoile le travail de «répression» effectué par les juridictions financières durant une période qui court de l’année 2010 jusqu’à l’exercice de 2014. Les magistrats des juridictions financières reprochaient aux mis en cause des faits qui vont de simples vices de procédure à des malversations dans les appels d’offres.

«Anonymous»

Inutile, cependant, de chercher l’identité des personnes concernées par les procédures disciplinaires. Car contrairement aux rapports annuels de la Cour des comptes qui précisent les noms des établissements concernés, les documents rendus publics par les services de Driss Jettou gardent secrète l’identité des personnes impliquées. Malgré cet effort de transparence, quelques lacunes sont relevées. Il s’agit tout d’abord de la lourdeur de la procédure. En effet, les juridictions financières ont parfois rendu leur verdict en 2010 ou 2011 concernant des faits qui remontent à huit ou dix ans, voire plus dans certains cas. C’est notamment le cas d’un procès sur la gestion financière d’une Chambre de commerce, d’industrie et de services.

Le verdict final a été rendu en 2012 mais les faits reprochés concernaient l’exercice budgétaire de 2002. Autre remarque, la valeur des amendes infligées aux responsables reconnus coupables pour les faits qui leur sont reprochés. Les montants peuvent être considérés comme modestes, voire dérisoires. Un dossier qui peut rester dix ans sera sanctionné par une amende de 1.000 dirhams ! Les amendes les plus lourdes, quant à elles, dépassent rarement les 10.000 dirhams. Par ailleurs, les charges retenues contre certaines personnes peuvent être tout simplement abandonnées par la suite.

C’est ainsi qu’un dossier a été abandonné par la Cour des comptes parce que la personne concernée est décédée. Certaines charges peuvent également être supprimées pour prescription (principe général de droit qui désigne la durée au-delà de laquelle une action en justice n’est plus recevable). Il faut enfin préciser que certaines personnes poursuivies peuvent être finalement innocentées, comme quoi même la Cour des comptes peut se tromper dans son diagnostic…

Prescription

Certains dossiers instruits par la Cour des comptes peuvent être tout simplement abandonnés pour prescription. Il s’agit bien évidemment du principe général de droit qui désigne la durée au-delà de laquelle une action en justice n’est plus recevable. Selon l’article 107 du code des juridictions financières, les infractions nécessitant une procédure disciplinaire, tombent en prescription lorsque celles-ci ne sont pas découvertes par la Cour ou une autorité compétente dans un délai maximum de cinq années révolues à partir de la date durant laquelle les infractions ont été commises. Il faut préciser que les décisions dévoilées par la Cour des comptes dans son dernier rapport concernent des affaires déférées par les instances des juridictions financières en vertu de l’article 84. Ce dernier stipule que l’instance ayant réalisé l’audit saisit le procureur général du Roi en cas de constatation d’une infraction à l’occasion de l’examen du projet de rapport d’audit.
 

Etapes de la procédure

Si la procédure pour indiscipline budgétaire ou financière peut prendre du retard, c’est probablement en raison des étapes d’instruction des dossiers. Grosso modo, la loi prévoit trois grandes étapes. La première concerne la procédure de poursuite engagée par le ministère public. La deuxième est relative à l’enquête alors que la troisième concerne le verdict. C’est donc, le procureur du Roi qui décide dans la première étape et sur la base des documents fournis, d’enclencher la poursuite ou, au contraire, classer l’affaire. C’est un conseiller qui est désigné pour enquêter lorsque la poursuite est enclenchée. L’enquête peut concerner toutes les administrations publiques qui peuvent avoir un lien avec l’affaire sous la supervision du parquet. Un rapport est enfin réalisé puis transmis au ministère public. Avant de rendre son verdict final, la personne impliquée ou sa défense peuvent consulter le rapport du parquet dans un délai de 15 jours.
 

Les sanctions

En vertu de l’article 66 du code des juridictions financières, la Cour peut condamner les personnes reconnues coupables d’une ou plusieurs infractions, d’une amende dont la valeur est fixée selon la gravité des charges retenues.
Cependant, la valeur de l’amende ne peut pas descendre sous la barre des 1.000 dirhams pour chaque infraction commise alors que le total d’une amende pour l’une des infractions relevées ne peut pas dépasser le salaire net annuel du mis en cause.
Aussi, la valeur totale de toutes les amendes ne peut pas excéder quatre fois le salaire annuel du condamné. Par ailleurs, la Cour des comptes peut condamner une personne impliquée de restituer tous les fonds à son administration lorsque le magistrat juge que l’infraction commise à provoquer des pertes considérables pour l’établissement concerné. A noter enfin que cette sanction ne s’applique pas aux comptables publics et aux contrôleurs.

Quid des organes de contrôle ?

Conformément à l’article 57 du Code des juridictions financières, les autorités habilitées à soulever des cas d’infraction ou à effectuer des contrôles restent légion. Ainsi par exemple, le procureur du Roi, de sa propre initiative ou à la demande du président ou de l’un des organes de la Cour des comptes, peut détenir cette prérogative. Parmi les autorités capables d’émettre des rapports de contrôle ou d’inspection, on retrouve en première ligne le chef de gouvernement, suivi du président du Parlement, du président de la Chambre des conseillers, du ministre des finances et de tous les ministres en ce qui concerne les employés, agents ou salariés opérant sous leur autorité.

Qui peut être condamné ?

Quelles sont les entités, institutions et personnes concernées par les décisions disciplinaires émanant de la cour des comptes ? L’article 51 du code des juridictions financières ratisse large et soumet à la juridiction de la Cour toutes les institutions publiques, mais aussi les sociétés contractantes dans lesquelles l’Etat ou les institutions publiques détiendraient directement ou indirectement, à titre individuel ou collectif, une majorité de parts dans le capital. Logique, lorsque l’on sait qu’une majorité de parts dans un capital confère d’office un pouvoir décisionnel au détenteur. Concernant les personnes physiques qui peuvent être assujetties à la compétence de la Cour, là aussi le texte, dans son article 52 et 53, propose un traitement «largo sensu», exhaustif et transversal. Ainsi, tout fonctionnaire, ordonnateur, employé ou travailleur qui s’engagerait dans des questions budgétaires et financières, pour le compte de l’Etat ou d’une institution publique, pourrait se voir condamné à des mesures disciplinaires en cas d’infraction.

 

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