Economie

« La mobilisation, notre maître-mot »

© D.R

ALM : Le Marocain  moyen a une idée assez vague de l’Agence du sud. Pouvez-vous nous éclairer sur cet organisme et sur sa mission ?
Ahmed Hajji  : L’Agence du sud est un établissement public dont la création a été annoncée par SM le Roi Mohammed VI lors de sa visite historique à Laâyoune en mars  2002.
Il s’agit d’un outil des pouvoirs publics qui a été pensé et voulu par le Souverain comme un instrument opérationnel d’aménagement du territoire, de mise en synergie des actions de développement et aussi comme une plate-forme d’écoute et de concrétisation des initiatives socio- économiques locales.

Quels sont vos domaines d’interventions ?
Nous gérons actuellement, depuis la tenue le 14 octobre 2004 à Laâyoune du 1er conseil d’administration de l’Agence, la mise en œuvre d’un important programme de développement portant sur un ensemble d’axes majeurs allant de la réalisation d’infrastructures (port de Boujdour, routes, électrification, eau potable, assainissement, etc) à des projets de proximité ayant un impact direct sur le quotidien des populations en passant par l’éradication de l’habitat insalubre, la réalisation de villages de pêche…

Quel est le «plus» que vous apportez par rapport à ce que font les différentes administrations ?
La logique de base de notre programme repose sur la mobilisation, autour de l’Agence, d’un ensemble d’acteurs tels que les administrations et les organismes publics compétents, les autorités et les collectivités locales, le secteur privé, la société civile, autour d’objectifs cibles partagés. Dans ce cadre, l’Agence joue le rôle de fédérateur et de maître d’ouvrage opérationnel, en s’appuyant sur des partenariats pertinents qui garantissent la bonne exécution de ces programmes ainsi que l’adhésion des bénéficiaires.

On ne sait rien –ou presque – des réalisations de l’organisme que vous dirigez…
Il est vrai que depuis le 14 octobre 2004 nous sommes restés, vous me passerez l’expression, «le nez dans le guidon», en ayant pour  unique objectif de donner une impulsion forte à l’économie des provinces du sud, conformément aux hautes orientations Royales.  A ce jour, le programme en cours d’exécution représente plus de 11% du programme global de développement pour la période 2004-2008. Sur les 226 projets prévus pour cette période, 28 sont en cours de réalisation et 10 autres sont dans la phase des appels d’offres. Il est probablement opportun aujourd’hui d’informer le public sur le démarrage palpable d’un ensemble de réalisations.

De quels types de projets s’agit-il ? 
Ces projets couvrent des domaines très importants, tels que  l’éradication de l’habitat insalubre, la mise à niveau urbaine, la construction de villages de pêche, de routes, de barrages et  d’équipements socio-collectifs.

Il s’agit surtout de construction, apparemment ?
Oui, mais pas seulement. Il y a aussi la constitution d’un référentiel d’études stratégiques majeures comme les schémas régionaux d’aménagement du territoire, les zones franches de Laâyoune et de Dakhla, les schémas de développement touristique, les études de programmation pour le développement du secteur artisanal, pour l’appui au développement de l’élevage camelin et bien d’autres projets encore.

Mais ce ne sont là que des études !
Ce serait une grave erreur de négliger ce volet, car il est impératif d’asseoir les stratégies de développement que nous allons mettre en œuvre sur des fondements solides, lesquels ne peuvent provenir que des études sérieuses et approfondies que nous avons entamées. Ces études sont réalisées dans le cadre de partenariats avec les acteurs-clés que sont les collectivités locales et les départements ministériels concernés. Ce qui est de nature à faciliter le processus d’adhésion à leurs conclusions ainsi que celui de mise en œuvre de leurs recommandations. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que dans le processus de montage de projets de développement, la phase fondamentale concerne la partie «programmation et formalisation du projet». Celle-ci conditionne l’accès aux ressources indispensables pour le concrétiser.

Qu’en est-il des 7,2 Milliards DH de budget ? Et comment sont-ils affectés ?
Les 7,2 milliards DH représentent les ressources mobilisées pour la concrétisation du programme 2004-2008. L’Agence apporte 1230 MDH de son budget propre, le montage institutionnel et financier global associe à l’Agence une quarantaine de partenaires qui apportent la différence, un peu moins de 6 milliards (collectivités locales, départements ministériels, organismes publics, etc). Une partie de ces ressources est centralisée au niveau de l’Agence, celle qui  a trait aux projets  à dimension intersectorielle, tels que l’habitat, l’urbanisme, les villages de pêche et les projets d’appui au développement de filières…

Quel est le montant des ressources que vous gérez effectivement ?
Un peu plus de 4 milliards DH sont prévus pour être centralisés au niveau de l’Agence sur la période 2004-2008. Cela correspond à la partie du programme de développement dont l’Agence assure directement la maîtrise d’ouvrage opérationnelle.

Quelle est la place de la question de l’emploi dans le programme de l’Agence ?
Très bonne question. Il s’agit pour nous d’un enjeu majeur, le taux de chômage dans notre zone d’intervention étant le double de la moyenne nationale. Et nous veillons, par conséquent, à prendre en compte cette dimension dans les mécanismes de mise en œuvre opérationnels. A titre d’exemple, nous sommes en train d’exécuter un important programme de proximité dans la province de Laâyoune avec nos partenaires de la wilaya, du conseil provincial et de la Promotion nationale, en mobilisant la main-d’œuvre locale. Le coût global de cette opération est de 25 MDH et le nombre de jours de travail induits s’élève à plus de 200.000. Autre exemple, nous prenons en compte systématiquement la dimension «impact sur l’emploi local» au moment du choix des entreprises de travaux chargées d’exécuter les projets. Résultat : plus de 70% des marchés de travaux de l’Agence ont été attribués à des entreprises locales. Ce qui ne va pas manquer de renforcer la compétitivité de ces entreprises et de faciliter leur mise à niveau.

Comment expliquer la conjonction d’un taux de chômage élevé avec la bonne performance relative à l’indice de développement humain que vous soulignez dans vos documents ? 
L’Indice de développement humain (IDH) est un indice synthétique que calculent les équipes du PNUD. Il se fonde principalement sur les taux de scolarisation, d’alphabétisation, ainsi que sur le PIB par habitant, en parité de pouvoir d’achat. 
Et ces éléments font ressortir que les deux premières régions à l’échelle nationale, du point de vue de l’IDH, sont celles de Laâyoune et de Dakhla, la région de Guelmim occupant la cinquième position. Cette performance résulte des importants investissements réalisés par l’Etat dans ces provinces en termes d’équipement et aussi de la mise en place de filets sociaux dans ces provinces.
Le taux de chômage est, lui, la résultante de la faiblesse des investissements privés.

Est-ce qu’il y a un impact mesurable sur l’emploi de votre action globale ?
Nous avons chiffré l’impact direct du programme 2004-2008 sur deux volets. D’une part, la création d’emplois temporaires dans les domaines liés aux chantiers d’aménagement et de construction qui sont estimés à un volume de 160 millions d’heures de travail. Et, d’autre part, la création de 19.000 emplois stables dans les domaines liés aux zones industrielles et d’activité,  à la pêche, au secteur du BTP, etc. J’ajoute également que nous sommes en train de travailler sur les mécanismes d’appui à l’emploi, qu’il s’agisse de l’auto-emploi ou de l’emploi induit par l’investissement privé.

L’emploi ne serait donc qu’un effet induit de la mise en œuvre de votre plan d’action ?
Bien au contraire, il s’agit là d’un objectif primordial. Le plan d’action de l’Agence doit être perçu comme étant une opportunité pour lui adosser des mécanismes de mise en œuvre qui en démultiplient les effets, notamment au niveau de l’impact sur l’économie régionale et l’emploi local. La démarche volontariste dans laquelle nous sommes inscrits aujourd’hui va permettre de créer les conditions d’un fort développement de l’initiative privée dans les provinces du sud.
Comment voulez-vous développer le Tourisme, qui est une piste majeure, alors que les cités ont des retards importants en matière d’assainissement liquide et solide, que des quartiers entiers sont encore sous-équipés. Nous sommes obligés de passer par une phase de mise à niveau – notamment urbaine- pour pouvoir envisager de façon crédible, de donner une impulsion forte à la filière touristique. Mais nous n’allons, bien sûr, pas attendre d’avoir achevé ce vaste chantier de la mise à niveau pour entamer celui du soutien à l’initiative privée dans un ensemble de filières porteuses.

Quelles sont ces filières porteuses ?
Nous en avons identifié cinq pour le moment. Il s’agit de la pêche, de l’élevage, notamment camelin, du tourisme, de l’artisanat et du BTP.

Le BTP ?
Evidemment. Vous vous rendez bien compte qu’avec un programme de développement aussi important sur 2004-2008, l’économie régionale va être boostée et que le carnet de commande des entreprises locales de BTP va s’en trouver abondamment garni.

Le moment serait donc idéal de monter des entreprises de construction à Laâyoune et Dakhla ?
Je ne vous le fais pas dire !  Mais également dans les autres villes du sud. Il faut veiller à un développement équilibré du tissu d’entreprises, qui soit en harmonie avec l’éclosion progressive des potentialités économiques et sociales de chacune des provinces. 

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