Economie

L’acier tire sur le marché

© D.R

Aujourd’hui Le Maroc : Le marché local se fait l’écho de trois hausses consécutives des prix Sonasid. Confirmez-vous cette information ?
Abdelouahab Ben Sari : Augmentation oui et je confirme. En chiffres, nous avons procédé, au total, à une hausse de 12,5 %, soit en valeur absolue 600 DH la tonne. Elle s’est faite en trois étapes, entre décembre février derniers. Cette hausse est directement liée aux très fortes augmentations subies par les prix de la matière première, la billette. Il faut dire que nous vivons depuis six mois une période caractérisée par une tension extrême exercée sur les produits sidérurgiques en général et les matières premières en particulier. La ferraille d’abord, ensuite les minerais, les produits semi-finis et les produits finis. L’ensemble de la filière a subi cette tension externe. Pour vous donner des chiffres précis, pour la même période de décembre-février, au moment où nous avons augmenté nos prix de 12,5%, nous avons subi une augmentation de la biellette de 170 dollars, soit 64%.
Quelles sont les raisons derrière cette flambée des prix au niveau international?
L’explication est simple. C’est d’abord ‘’le phénomène chinois ». Avec ses taux de croissance exceptionnels, la demande de produits sidérurgiques en Chine a augmenté en 2003 de 40 millions tonnes. Elle est passée à 220 millions T pour une demande mondiale de 960 millions T. La Chine a eu des besoins énormes en ferraille, ce qui a entraîné de très fortes pénuries. S’y ajoute aussi les pays du sud-est asiatique. Au niveau mondial, la consommation a crû de 6,6 %. D’où la forte tension sur la ferraille dont les échanges mondiaux se limitent à 50 millions T en tout et pour tout. C’est un marché étroit. De 120 à 130 dollars, qui est le prix normal de la ferraille qui avait atteint un record historique de 220$ avant 2003, elle s’achète aujourd’hui à 300 dollars et plus. A ces prix-là , j’estime qu’il faut lui changer de nom et ne plus l’appeler ferraille, dont la traduction en arabe est ‘’El khourda ».
Avez-vous répercuté cette hausse intégralement ?
De part notre activité de laminage, le marché de la billette a connu une vive tension. Le prix est passé de 265$ en septembre 2003 à 435 $/T aujourd’hui, voire plus. Nous avons même eu trois cas d’annulation de contrats fermes d’achat de billette qui ont failli entraîner l’arrêt de nos laminoirs. Compte tenu de notre part de marché (90%), nous nous devons d’approvisionner régulièrement le marché marocain et d’éviter des ruptures de stocks sources de pénurie. Quant aux hausses subies sur la billette, il était impensable de les répercuter sur le prix consommateur qui aurait flambé et qui n’aurait pas manqué de freiner l’essor de la construction que connaît le Maroc. Nous avons fixé la hausse à un niveau raisonnable en rognant sur nos marges. Nous sommes également tenus par un impératif de rentabilité. Je rappelle que notre société est cotée en bourse et que 37% de notre capital est détenu par des petits porteurs. Notre souci encore une fois a été d’éviter la hausse brutale des prix, en accompagnant l’ambitieux programme de construction lancé par l’Etat.
Comment se présente la concurrence sur votre marché ?
Sonasid détient 90% de parts de marché sur les ronds à béton et le fil machine. les 10% restant proviennent d’une petite production locale historique et de l’import. Avec le démantèlement douanier jusqu’à l’horizon 2011, plus le niveau de protection baissera, plus il deviendra facile d’importer. Durant les premiers mois de cette année, les importations se sont taries à cause des prix bas pratiqués par Sonasid. Un nouveau concurrent local producteur de «rond à Béton» démarrera bientôt sa production avec une capacité allant de 100 à 150.000 T/an. C’est une chose naturelle. Sonasid ne pouvait pas rester éternellement à 90% de parts de marché. La libéralisation est en train de se faire, à nous de nous adapter.
En attendant la montée en charge de l’aciérie en 2005, quels sont les leviers de croissance pour Sonasid?
– Je citerai, en premier, le marché local qui connaît des taux de croissance très élevés (10% en 2003, 8% prévu en 2004). Avec la concurrence locale qui se développe, nous cherchons à consolider nos parts de marché qui baisseront fatalement.
– La diversification en aval à travers les «laminés marchands» que nous sommes en mesure de fabriquer à notre usine de Jorf, les armatures industrielles…
– Développement de l’export au niveau régional où il semble y avoir des opportunités, et sans oublier les facilités fiscales à l’export.
– Enfin les marges d’amélioration de la productivité et de la réduction des coûts. Nous avons un vaste programme sur ces deux plans au niveau de nos deux usines Nador et Jorf Lasfar.
Avec votre actionnaire de référence Arcelor, leader mondial, quelle est sa logique sur le plan régional ?
Arcelor avec 40 millions de tonnes d’acier produit annuellement est le leader mondial. Sa stratégie est clairement centrée sur l’Europe, l’Amérique du Sud, les pays de l’Europe de l’Est, la Chine et les autres pays asiatiques où il y a encore une forte demande. Les ambitions régionales de Sonasid ne sont pas forcément antagonistes avec la stratégie d’Arcelor. L’Algérie est un gros importateur de «rond à Béton» (1,5 million de tonnes). La Tunisie en importe 700.000 T environ. Nous pensons partir bientôt à l’exploration de ces marchés.
La valeur en bourse est très rentable. Mais la stratégie des différents actionnaires devait s’éclaircir. Le noyau mou devait éclater en novembre 2002. est-ce un handicap à la liquidité du titre?
Je n’ai pas en tête l’idée que le noyau dur formé à la privatisation autour de la SNI, devait obligatoirement se désagréger. Il devait en tout cas garder sa composition durant les cinq années qui ont suivi la privatisation. Maintenant, il est évident que chaque actionnaire peut se déterminer en fonction de ses intérêts propres. Je ne peux pas présager de ce que chacun voudra décider en la matière. Quant à la valeur de l’action, je ne peux que constater comme vous qu’elle a évolué assez fortement ces derniers temps. Je n’ai pas de commentaire à faire à ce sujet. En conclusion, Sonasid, avec le projet d’aciérie qui démarrera en mai 2005, est en train de bâtir une sidérurgie nationale intégrée dans les ‘’produits longs ». L’investissement réalisé sur la période 2001-2005 dépasse les deux milliards de dirhams en autofinancement. L’avenir ne manque pas de risques et de menaces. Les opportunités ne manquent pas non plus. La plus belle opportunité pour Sonasid et pour le pays tout entier sera certainement la coupe du monde 2010 dont je souhaite du fond du coeur qu’elle reviendra au Maroc.

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