Economie

Le coaching ou le meilleur de soi

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ALM : Qu’est-ce que le coaching, un mot à la mode ou un véritable levier de productivité pour l’entreprise?
Patrick Amar : Le développement du coaching répond à la fois à une combinaison de phénomènes structurels et conjoncturels. Sur le plan structurel, le coaching s’insère dans des tendances de fond qui, devant la perte de vitesse des repères collectifs, mettent en avant des valeurs centrées sur l’autonomie, l’individualisme et le développement personnel de l’individu. La complexité et la compétitivité de l’environnement ainsi que de nouveaux modes d’organisation du travail plus informels appellent une démarche d’optimisation des compétences où il faut davantage autonomiser les personnes. Il est vrai aussi que le coaching présente, par ailleurs, des aspects de phénomène de mode, largement médiatisés et parfois caricaturés, ce qui entretient une confusion dans sa nature. De préoccupations pratiques comme le coaching sur son look ou dans la recherche de l’âme sœur à une réflexion plus profonde sur le sens à donner à sa vie, le coaching attire un monde hétérogène de consultants conseillant un public non moins hétéroclite en mal de repères.  Devant des risques de dérive, il apparaît d’autant plus important d’être clair sur les spécificités du coaching, de préciser son champ d’intervention, ses objectifs et ses limites.
 
Pourquoi un livre sur le coaching?
Nous l’avons voulu pour au moins trois raisons : d’abord car c’est un exercice porteur de sens qui place l’homme au centre, par ailleurs il nous paraissait important d’expliciter la richesse et le potentiel de cette intervention et enfin il était aussi important de clarifier le sujet et de ne pas céder aux fantasmes et autres méconnaissances dont il fait parfois l’objet. Il nous a paru, par ailleurs, important de montrer la richesse de ce champ au croisement du monde de l’entreprise et de la relation d’aide.  Le coaching fait en effet intervenir un cadre et des outils bien spécifiques qui en constituent une discipline à part entière.  L’intervention est cadrée, scandée par une intention stratégique au service du coaché.  Plus largement, cet ouvrage participe à nos efforts d’institutionnaliser le coaching en France (création d’un diplôme universitaire à l’université, constitution d’une organisation professionnelle, l’Association Européenne de Coaching « AEC », etc.). 

Vu sous l’angle pragmatique de la productivité, le coaching dans le milieu d’entreprise n’est-il pas seulement un moyen d’obtenir un meilleur rendement du salarié?
Un des objectifs du coaching est effectivement une meilleure performance du salarié et c’est aussi la raison pour laquelle il est souvent financé par l’organisation. En principe cette proposition est gagnant/gagnant tant pour le salarié que l’organisation car les objectifs sont en général (mais pas toujours) alignés.  Cet objectif n’est pas le seul.  Nous avons évoqué comment le coaching doit être, avant tout, un instrument d’alignement de valeurs personnelles et professionnelles et de recherche de sens.  Dans ce cas là, l’amélioration de la performance survient presque comme un bénéfice secondaire parce qu’un climat de confiance et de liberté d’exploration a été créé pour le coaché et qu’il a clarifié certains enjeux identitaires importants pour lui. L’entreprise ne maitrise pas ce qui ressort de ce processus et c’est la condition même de l’efficacité de cette intervention. A l’extrême, il est possible que le coaching fasse ressortir des incompatibilités entre les désirs du coaché et les demandes de l’organisation et qu’il faille en tirer les conséquences. 

Le coach doit-il être nécessairement un psy. Y a-t-il une formation adaptée?
Non absolument pas. En revanche il est important que le coach ait une forte sensibilisation à la relation d’aide au sens large complémentée au besoin d’études spécifiques dans sa zone de spécialisation.  Il est important de dire que le coaching n’est pas une psychothérapie même si un certain nombre d’outils de ce champ peuvent être mobilisés. Il est, en effet, résolument ancré dans l’univers professionnel du coaché et s’il investigue certains aspects de son identité personnelle, c’est pour éclairer la problématique professionnelle de ce dernier.  Par ailleurs, l’objectif visé est le plus souvent une amélioration de la performance de l’autre et beaucoup moins l’apaisement d’une souffrance existentielle.
Des formations spécifiques au coaching se sont largement développées sur les cinq dernières années en France. Aujourd’hui, une vingtaine d’écoles privées et d’universités dispensent des formations sérieuses en  coaching.  Certaines écoles se situent davantage sur le versant organisationnel alors que d’autres privilégient les aspects plus psychologiques.  Les références théoriques sont tirées notamment de la psychanalyse, des thérapies brèves, de la systémique, de la PNL ou de l’analyse transactionnelle.  A titre d’exemple, l’Université Paris 8 a créé en 2004 un Diplôme d’Etudes Supérieures d’Université (DESU) (niveau BAC+4) qui représente une vingtaine de journées de formation sur une année.

Ce terme coaching, véritable  anglicisme ,  ne trahit pas ses origines anglo-saxonnes. Les entreprises françaises en font-elles recours?
De façon paradoxale, le terme de «coaching» vient initialement du français «coche» qui, au XVIème, siècle est une grande voiture tirée par de chevaux pour le transport des voyageurs et conduit par un «cocher». Celui-ci est, de fait, une personne qui accompagne ces voyageurs d’un point à un autre, ce qui évoque bien l’aspect de passeur ou de guide que revêt parfois la fonction de coach.  Le coaching renvoie effectivement aux Etats-Unis des années 50-60 où les entraineurs sportifs, des « coachs » s’attachent à développer les qualités physiques mais aussi mentales et émotionnelles du champion.  Le coaching a, par la suite, annexé le champ de l’entreprise et pénètre en France vers la fin des années 80.  Les entreprises françaises ont un recours croissant au coaching qui devient de plus en plus accepté comme outil de développement des compétences. Alors qu’il était initialement réservé aux dirigeants, le coaching se «démocratise» vers d’autres niveaux hiérarchiques (cadres, managers, agents de maitrise…).

Le concept est-il  transposable dans un environnement marocain, arabe et africain?
Il n’y a rien qui me paraisse incompatible. J’ai, par exemple, en ce moment en coaching une cadre algérienne brillante qui prend appui de façon efficace sur son coaching pour accompagner sa progression dans des fonctions managériales de plus en plus importantes.  Au cœur du travail du coach, il y  a cette nécessité de comprendre le coaché dans son univers référentiel et ses valeurs pour pouvoir au mieux l’accompagner. L’environnement marocain, arabe ou africain et de façon générale la dimension culturelle, est essentiel à prendre en compte dans la mesure où les valeurs –conscientes et inconscientes – d’une société se retrouvent au niveau de l’individu dans sa vision du monde et ses repères et qu’il faut travailler sur des choses qui sont compatibles et pragmatiques par rapport à ses représentations.

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