Economie

Le développement agricole participe à la stabilité de l’ensemble de la zone géographique

© D.R

ALM publie l’entretien accordé par Stéphane Le Foll à notre confrère Al Watan. Le ministre français de l’agriculture se prononce sur les différentes relations de coopération entre le Royaume et la République.   

Al Watan : Il semble que les relations avec le Maroc ne sont pas aussi bonnes lorsque la gauche est au pouvoir ? Qu’en dites-vous ?
 

Stéphane Le Foll : Je pense que le Maghreb est un enjeu majeur pour la France et que le Maroc a une relation forte et ancienne avec la France.
Au-delà de ce qui peut être dit et des commentaires qui peuvent être faits, il y a une continuité dans l’action diplomatique de la France.
Il faut dépasser ces controverses inutiles et penser notamment à l’intensité de notre relation, qui se traduit par la participation des binationaux à la vie de notre pays. Donc, le lien qui nous unit dépasse les alternances politiques.

Lorsque les relations se sont apaisées, un intérêt particulier a été accordé aux questions judiciaires et sécuritaires dans les relations entre le Maroc et la France, tandis que les autres aspects sont relégués au 3ème ou 4ème plan. Est-ce exigé par le défi que connaissent la France et l’Europe ou existe-t-il d’autres explications ?

Aujourd’hui, la lutte contre le terrorisme constitue une priorité qui relègue d’autres aspects de coopération au second plan. Cette priorité a pris une acuité particulière après les événements tragiques de ce début d’année, je pense en particulier aux événements en France, au Danemark et plus récemment à l’assassinat et la décapitation de 21 Egyptiens. Les relations avec le Maroc sont importantes dans cette lutte en matière de renseignement notamment.

Au-delà de cet enjeu, Il y a aussi, pour l’avenir, des enjeux importants pour l’agriculture et l’alimentation dans le bassin méditerranéen.

Le grand bassin méditerranéen est un espace majeur : en matière démographique, alimentaire et agricole. C’est pour cela que je me suis engagé, dès ma nomination, sur des partenariats en matière économique comme le développement des filières animales, la formation des vétérinaires ou l’assistance technique dans le cadre du Plan Maroc Vert.
Pour réussir, il faut garder à l’esprit que le développement agricole participe à la stabilité de l’ensemble de la zone géographique.

Concernant la coopération dans le bassin méditerranéen, certains observateurs s’interrogent sur la création d’une coopération saine et solide sachant que les pays du pourtour méditerranéen produisent les mêmes produits agricoles…

D’abord, le bassin méditerranéen connaît une croissance démographique extrêmement forte. La demande en produits agricoles de première nécessité est importante et la rive sud de la Méditerranée est importatrice de céréales. C’est avant tout une condition de la sécurité alimentaire pour ces pays.  Si on se rappelle d’ailleurs des révolutions arabes, notamment en Tunisie, elles ont commencé avec une flambée des prix des produits alimentaires. C’est le processus qu’on a aussi connu en Europe dans l’histoire. Les grandes révolutions ont été précédées par des augmentations des prix des produits alimentaires de base.

L’enjeu n’est pas uniquement économique, M. le ministre, il est également politique !

Bien sûr, je le pense profondément. Nous devons absolument trouver une dynamique économique, compte tenu de l’enjeu démographique. Il faut qu’on soit capable d’assurer l’accès à l’alimentation, parce que c’est une des conditions de la stabilité politique globale. C’est aussi une condition du développement économique et de l’emploi.
J’en suis convaincu, les accords que nous avons passés, en particulier en matière d’enseignement et de recherche sont déterminants. Je suis très satisfait de voir que le colloque en matière de recherche agronomique France Maghreb organisé à Tunis ait réuni les quatre pays (Algérie, France, Maroc, Tunisie) car c’est un enjeu essentiel de coopération. Ce colloque a été un événement majeur et conforte la stratégie et des priorités centrées autour du CIHEAM, pierre angulaire de la coopération en matière de recherches et d’enseignement agronomique en Méditerranée.
Je suis par ailleurs très fier de l’initiative  «Med-Amin» (Mediterranean Agricultural Market Information Network) mise en place grâce au travail du CIHEAM et de la FAO. Med-Amin vise à favoriser la coopération et le partage d’expériences d’information des Etats sur les marchés agricoles. Ce réseau est dédié dans un premier temps aux céréales, production  stratégique pour la sécurité alimentaire des pays méditerranéens.
Dès mon arrivée au ministère, j’ai fait ce choix déterminant pour la France, pour l’Europe, d’entretenir notre relation avec le Maghreb et avec le Maroc de manière plus singulière et spécifique.
Nous avons encouragé nos amis turcs pour que, lors du G20 en Turquie, il y ait un volet consacré aux questions agricoles et alimentaires.

Le Maroc est devenu un hub aérien et financier. Il l’est également en enseignement supérieur de par l’ouverture de Centrale Casablanca et de l’INSA à Fès. Mais jusqu’à maintenant on ne parle pas d’un hub agricole entre la France et le Maroc. Quelles sont les entraves aux co-investissements entre la France et le Maroc dans ce domaine ?

Nous devons désormais regarder l’Afrique comme un continent en développement qui va avoir des besoins extrêmement importants en matière alimentaire, je pense particulièrement à l’Afrique de l’Ouest.
Les pays du Maghreb, notamment le Maroc, sont effectivement des hubs et des plates-formes à partir desquelles on peut avoir un relais pour aller vers les grands pays d’Afrique subsaharienne, d’ailleurs pas seulement francophones. Je pense en particulier au Nigeria.
Je suis personnellement favorable à une stratégie de co-développement entre la France, le Maroc et les pays d’Afrique de l’Ouest, dépassant les simples questions d’échanges de produits agricoles.

C’est le sens du projet engagé par mon collègue et ami, Aziz Akhannouch, en tant que ministre de l’agriculture et de la pêche maritime,  à savoir la création d’un fonds pour le développement agricole en Afrique subsaharienne. Notre coopération permettra en particulier à la France de diffuser son projet en faveur de l’agroécologie, afin de répondre à la fois au défi alimentaire et au défi climatique.

Comment garantir le succès de cette vision au moment où des barrières sont imposées par l’Union européenne aux produits en provenance du Maroc ?

L’accord de libre-échange a été signé entre le Maroc et l’Europe. On le stabilise aujourd’hui. Il y a eu quelques mois de discussions sur la bonne interprétation de l’accord en particulier sur le système de prix d’entrée sur le marché européen. Cela se met en place. Je me suis entretenu avec mon homologue marocain, M. Akhannouch, à  Meknès à ce sujet. Je  pense sincèrement que les choses commencent à se régler. On a mis en place un comité mixte franco-marocain, en particulier sur la question fruits et légumes pour traiter de ces sujets avec les professionnels.

Le Collectif contre  l’islamophobie a souligné dans son dernier rapport  le décalage entre le discours officiel et la réalité. Les Français de confession musulmane reprochent aux pouvoirs publics l’absence de protection à l’instar de celle réservée aux Français de confession juive. Qu’en dites-vous ?

C’est un débat extrêmement sensible. Il y a des Français qui sont musulmans,  des Français qui sont chrétiens, des Français qui sont juifs. Chacun a le droit de croire ou de ne pas croire, et la République a le devoir de protéger tous ses citoyens.

C’est ainsi qu’après les attentats du 7 janvier, le gouvernement a décidé de protéger l’ensemble des lieux sensibles et les mosquées comme les synagogues. Lorsque la mosquée du Mans (Sarthe) a été vandalisée, je suis allé sur les lieux. Je réaffirme aujourd’hui que le gouvernement français protège et protégera tous ses citoyens, quelle que soit leur confession.

Propos recueillis par
Abderrahim Ariri

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