Economie

Les bazars dans le collimateur

© D.R

La nomination, la semaine dernière, de Bouziane Abdeljelil comme président et de  Mahjoub Arfouch, en tant que nouveau vice- président de la nouvelle Association des bazaristes à Marrakech ne s’est pas faite sans grincements des dents. Tenue à la Maison de l’Artisan, attenante à la place Jama El Fna, cette élection marque le début de la réorganisation de tout un secteur. Les autorités de la ville, à savoir la wilaya et la municipalité veulent que tous les métiers impliqués dans le tourisme soient réorganisés de manière à avoir des interlocuteurs. «Il y a 350 bazars à Marrakech. On ne peut pas s’occuper d’eux individuellement», déclare le maire de la ville, Omar Jazouli.  Après les bazaristes se sera au tout des guides de tenir leur assemblée générale. Celle-ci est prévue le 11 juin prochain.
L’important c’est d’arriver à une meilleure organisation de l’activité touristique. Mais Abdeljlil Bouziane, qui jouit de la confiance d’un bon nombre de ses pairs, y arrivera-t-il ?
Présentée à tort et à travers comme favorable aux «guides de la Mamounia», cette fameuse congrégation composée d’anciens du métier, le nouveau président se trouve d’office, à cause de cette sympathie supposée, en porte à faux avec d’autres clans des guides.
Les critiques fusent naturellement. Pour certains, l’association ainsi créée ne regrouperait q’un tiers des bazars. De plus, le nom choisi, «Association des bazaristes et artisans», est élogieux, attendue que cette deuxième catégorie dispose d’une représentation anecdotique.
Bref, le chemin sera forcément long.
Gelé déjà une première fois,  en 1995, cette association réactivitée  a émis, d’emblée, le vœu de s’impliquer dans la réorganiseation  du secteur. En fait, il s’agit surtout, déclare un habitué de ce monde opaque, plutôt sceptique, d’une tentative de reprendre les choses en main, et, au passage, contrôler les guides, dispositif essentiel dans la vie d’un bazar.
Faut-il le préciser,  la plupart des guides recommandent à leurs groupes de touristes des bazars, moyennant des commissions sonnantes et trébuchantes. «Nous percevons entre 10 et 30% du total des achats des groupes que nous emmenons chez le bazariste . C’est notre unique source de revenu», déclare un employé temporaire d’une grande agence de la place.
Chose normale, scandent, du coup, plusieurs guides interrogés sur la question, qui préfèrent en général s’apesantir sur les relations toujours passionnées et intéressées entre les bazars et les agences de voyages: «C’est là que se jouent les grosses commissions apprend-t-on. Pas  à notre niveau», lance, tout de go, un guide attaché à la Mamounia depuis sept ans.
Donc, tout comme le guide, l’agence de voyages perçoit une commission de la part du bazariste. Celle-ci varie entre 500 et 1 000 dirhams en moyenne, par passage de groupes de touristes.
Les TO français ont d’ailleurs commencé à déclarer au fisc ces «extras», appelés commmunément droits de passage, destinés selon leurs justifications,  à financer leurs campagnes de promotion. La situation est encore plus critique avec les TO espagnols qui préfèrent encaisser directement en Espagne (problème courant à Fès). Les groupes combinés qui viennent de l’Amérique, passent par l’Espagne puis atterissent dans la capitale spirituelle du Royaume, s’ils sont prisés en et raison de leur pouvoir d’achat élevé, ne le sont pas quant au mode rémunératoire des commissions.
Dernièrement, de plus en plus de bazaristes, à l’image de certains députés de la place, ont commencé à investir le monde de la restauration. Les restaurants-bazars fonctionnent suivant un mode attractif. Les clients mangent gratuitement après un passage (de préférence concluant) au bazar. Cerise sur le gateau, l’agent de voyages qui ne paie rien peut recevoir une facture de consommation de la part du restaurant.
 De telles combines sont courantes  à Marrakech, Zagora et dans tous les pôles touristiques du Royaume. La commission est l’huile de la machine touristique, justifie pour sa part un responsable local à Marrakech. «Seulement en Suisse et ailleurs, en France,  il y a un encadrement strict pour éviter les dérapages et la concurrence déloyale».
Pour sa part, le maire de Marrakech se déclare favorable à la légalisation de la commission. «Cela nous permettra d’éviter les dérapages. Fixer un taux aux guides donnerait une meilleure transparence. Ce n’est pas encore le cas. Le bazariste majore librement son prix d’achat avec le bénéfice et ajoute les commissions données aux guides ou aux TO.
Parfois cette commission peut atteindre 50% du prix donné au touriste.
A Marrakech et dans plusieurs villes du Royaume, les commissions ont tendance à se multiplier, souvent dans l’anarchie. Plusieurs corps de métiers sont concernés. Cela commence en général dans l’enceinte de l’hôtel même, où, sur sa demande ou non, le touriste se voit recommander un  restaurant à fréquenter, au détriment d’autres ». Combien gagnerait un chef concierge d’un établissement de luxe comme la Mamounia ou l’Amanjena, lequel qui dispose de son propre label pour les bazars ?
Les chauffeurs qui transportent les touristes du Palmeraie Golf Palace à bord de superbes limousines de cet hôtel, ne sont pas moins cotés. Viennent ensuite pêle-mêle, ceux de Palmariva, de l’hôtel Issil, les clients de Fram, etc.
D’après les informations, il y a souvent des rémunérations informelles à la base des «renseignements » fournis par les guides et des passages de clients effectués avec l’aimable suggestion d’un chauffeur. Certains hôtels affichent, en outre et ouvertement, la liste des restaurants amis.
Ce gateau juteux n’a jamais laissé indifférent les petits taxis qui s’y sont mis à leur tour, en alimentant les restaurants, moyennant une reconnaissance sonnante et trébuchante.
La plupart des taxis qui attendent  le touriste au pied de son hôtel connaissent par cœur les restaurants où il faut aller. Naturellement, les adresses qui paient cash et bien sont servies en premier. Les bons payeurs sont les restaurants marocains, lesquels paient environ 100 dirhams par «tête de pipe ».
Un luxe que cette catégorie peut se permettre, puisqu’elle vend le couvert moyen au dessus de 700 dirhams. En revanche, pour la restauration internationale, la question relève à la fois d’un ordre éthique, mais surtout économique. Derrière l’élègante explication «ce n’est pas dans les habitudes de la maison de faire usage d’un tel procédé », il y a surtout le fait que cette catégorie de restaurants ne peut payer une commission élevée  à cause d’un prix moyen de couvert assez modeste par rapport aux restaurants marocains.
Tout comme les guides, les petits taxis sont aussi rémunérés par les bazaristes. La commission tourne  à 50 dirhams par client. D’ailleurs, pour optimiser leurs recettes, certains bazaristes investissent aussi dans ce moyen de transport. Ainsi, il y aurait des bazaristes qui se débrouillent pour trouver des agréments donnés par la suite à un chauffeur de taxi qui aura pour unique rôle de drainer la clientèle vers le bazar de son mentor.
C’est rarement que le ministère du Tourisme s’intéresse à ce magma d’intérêts.  Il y a eu, certes, d’épisodiques rappels à l’ordre, mais ces coups de semonce ont rarement dépassé le corps des guides, lesquels ne sont, en définitive, que la face visible de l’iceberg. «Le guide est entre les mains du bazariste qui impose souvent  à l’agent de voyages celui avec qui il veut travailler». Pour mieux le contrôler, le Bazariste lui accorde un prêt important contre la présentation d’un chéque par celui-ci. A la moindre escarmouche, le commerçant peut déposer le chèque à l’encaissement. Une véritable épée de Damoclés!
Le rattachement de l’Artisanat au département du Tourisme ne change en rien a priori aux règles du métier, puisque après tout, selon cet hôtelier qui s’érige en expert, «le bazar dépend du ministère du Commerce». De ce fait, ces boutiques sont tenues à l’affichage des prix, obligation curieusement non respectée dans plusieurs endroits à Marrakech. Pourtant, il y a une sémillante commission de prix qui fait régulièrement des passages dans le souk.
En tout cas, si le bazariste s’enrichit du système,  l’artisan,  lui,  s’en apauvrit. Un  tapis acheté à 1 000 dirhams dans un atelier où le travail se fait à la main peut valoir  25 000 dirhams dans une échope.

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