Economie

«Les tarifs du Télétravail sont plus compétitifs au Maroc qu’en Inde»

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ALM : Quel est le domaine d’activité de Progonline ?
Gabriel Cian : Progonline traite des projets très divers en télétravail, permettant à n’importe quelle personne ou société marocaine de proposer ses compétences dans la création de sites Internet, le développement de logiciels, l’administration système, la traduction, la rédaction, la relecture, la création de contenu, l’infographie et plus généralement tout projet réalisable à distance et descriptible dans un cahier de charges précis.

Vous travaillez depuis peu avec des entreprises marocaines. Pouvez-vous nous expliquer le cadre global de ce partenariat ?
Notre projet est de mettre à disposition des sociétés marocaines un service Internet qui leur permette de se positionner en concurrence directe avec des entreprises françaises. Ainsi, elles peuvent gagner des marchés autrement inaccessibles, et mettre en avant leur atout ouvertement : le rapport qualité-prix. Par ce fonctionnement, Progonline facilite la création de relations commerciales entre les entreprises françaises et marocaines, basée sur des critères objectifs de performance.
Les prestataires marocains sont évalués par les donneurs d’ordre à chaque fin de projet, selon plusieurs critères : respect des délais, communication interactive
avec le donneur d’ordre, compréhension du cahier de charges, etc… Cela leur permet d’avoir une réputation et un historique, donc de gagner plus facilement de nouveaux marchés et de pratiquer des tarifs haut de gamme.
Les avantages pour les entreprises marocaines sont de réaliser des prestations à des tarifs certes compétitifs, mais néanmoins très rentables par rapport au marché local. En plus, elles bénéficient de l’abolition des frontières et des barrières géographiques entre clients et prestataires. Grâce à Progonline, les prestataires marocains ou français sont mis sur un pied d’égalité, le seul facteur qui puisse désormais les différencier étant la compétence, le sérieux et la capacité à mener à bout des chantiers parfois complexes.
Par exemple, grâce à Progonline, un professionnel marocain peut gagner plus de 2000 euros/mois, en réalisant des projets de développement informatique complexes pour des SSII et webagencies françaises.

D’une manière générale, en dehors de l’Europe, quelles sont les destinations qui présentent le plus de réserves de compétitivité pour le secteur High-Tech français ?
Progonline travaille principalement avec des prestataires des pays suivants :Madagascar, Ile Maurice, Maroc, Tunisie, Viet-Nam. Les pays intéressants et compétitifs pour le secteur High-Tech sont nombreux, mais dans les relations à distance, l’affinité culturelle compte beaucoup, d’où la recherche de prestataires francophones, et si possible des chefs de projets ayant fait des études en France. Les clients (donneurs d’ordre) de Progonline proviennent principalement des pays suivants : France, Belgique, Suisse, Canada.

Quels sont les points forts et points faibles du Maroc par rapport à l’Europe de l’Est et à l’Inde ?
Le Maroc est beaucoup plus proche culturellement de la culture francophone que l’Inde – largement anglosaxonne. Le Maroc a peu de décalage horaire. En effet, ce paramètre s’avère très important pour la France, où les horaires sont assez rigides. Par exemple, l’Inde a 4h de décalage avec la France. Cela veut dire que selon l’horaire français, par exemple, un prestataire indien ne peut être contacté. Par rapport à l’Europe de l’Est, les tarifs sont plus compétitifs au Maroc. En raison de l’intégration des nouveaux pays à l’UE en 2007, les salaires ont explosé : en Roumanie, un développeur expérimenté et francophone peut coûter 1500 euros/mois en salaire brut. Autre point fort du Maroc, il y a plus de spécialistes francophones. En effet, la Roumanie, par exemple, fournit des services informatiques de qualité, mais le nombre d’ingénieurs francophones est trop faible, ce qui fait monter les prix.

Avez-vous entendu parler de l’offre offshore du Maroc? Qu’en pensez-vous ?
Certains de nos meilleurs prestataires sont localisés au Maroc. Nous connaissons bien l’offre offshore au Maroc, et approximativement 20% de nos fournisseurs sont marocains. Nous traitons avec eux quotidiennement. Mon avis sur l’offre offshore au Maroc s’articule en deux points. D’abord une affinité culturelle essentielle avec la France et les autres pays demandeurs de sous-traitance offshore (Belgique, Suisse, Canada, etc…). Le télétravail nécessite une très bonne compréhension entre partenaires distants, en raison du manque de relations interpersonnelles. L’expérience montre que la proximité culturelle et linguistique est extrêmement importante dans le succès de ce type de collaboration. Deuxième remarque, le potentiel est important au Maroc, mais non encore entièrement révélé à cause de la "fuite des cerveaux" et du développement des infrastructures de communication. Annuellement, de nombreux étudiants marocains brillants quittent le Maroc pour étudier et ensuite s’installer en France, où ils occupent des postes à responsabilité dans les SSII et webagencies. Progonline souhaite offrir à ceux qui le souhaitent de pouvoir revenir au Maroc, et développer des relations commerciales avec les entreprises françaises, tout en étant très bien rémunérés, en faisant du télétravail. Enfin, cette possibilité est freinée par le développement parfois insuffisant des lignes Internet à haut débit. Par exemple, Progonline offre des outils de travail collaboratif sur Internet de dernière génération, qui supposent des bandes passantes larges. De nombreux prestataires marocains ne peuvent malheureusement pas en bénéficier.

Qu’en sera-t-il de l’évolution de ce marché avec la politique de Nicolas Sarkozy, visiblement opposée aux délocalisations ?
Aujourd’hui, plus que jamais depuis l’arrivée de Sarkozy, la France fait face au défi de la mondialisation et de la délocalisation. En effet, cet axe a été clairement identifié par le nouveau Président de la République, et la compétitivité des entreprises françaises est plus que jamais recherchée. Les grosses SSII ont depuis longtemps délocalisé leurs développement, en créant de nombreuses filiales.
L’heure est maintenant pour les SSII et webagencies françaises de chercher des solutions et partenaires internationaux fiables.

Maroc : L’avantage culturel ne suffit pas

La mondialisation trouve un accélérateur dans l’Internet à haut débit. De plus en plus d’entreprises développent le télétravail au sein de leurs équipes. Le dernier exemple en date est celui de Renault, qui envoie des milliers de cadres pour travailler chez eux. Les avantages "officiels" du télétravail sont multiples (écologie, économie d’espace, économie de temps, mamans peuvent travailler, etc). Ces éléments convergent vers un développement important des relations commerciales délocalisées des donneurs d’ordre et fournisseurs entre la France et le Maroc. Dans ce match qui le met aux prises avec d’autres destinations (Asie et Europe de l’Est), l’avantage culturel penche vers le Royaume. Reste seulement à renforcer encore l’offre de l’Internet à haut débit, véritables autoroutes de la mondialisation virtuelle.

Progonline : une jeune pousse tentaculaire

En deux ans et demi d’existence, Progonline, la petite pousse lancée par Gabriel Cian revendique 1600 prestataires et table sur 5000 (indépendants ou sociètés) d’ici la fin 2007. L’entreprise travaille avec des fournisseurs marocains, tunisiens, malgaches et roumains. En 2006, le nombre de donneurs d’ordre français, belges, suisses et canadiens, atteignait 605, un nombre qui a été multiplié par quatre en l’espace d’une année. Côté chiffre d’affaires, Progonline a réalisé 15 500 euros, puis 74 000 euros en 2006. Les prévisions sur 2007 tablent sur 510 000 euros. La  croissance importante découle d’un contexte socio-économique  européen extrêmement favorable à la mondialisation et au télétravail. De nombreux ingénieurs marocains en informatique travaillent avec des entreprises du genre. Reste que le travail à domicile a encore du mal à intégrer la sphère de l’entreprise. Réducteur en charges et plus souples, le système qui a été adopté d’abord par les services est désormais en passe de franchir les barrières du monde de l’industrie. Qui emboîtera le pas à Renault ?

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