Economie

Mieux financer les infrastructures

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ALM : Pouvez vous nous renseigner sur les spécificités du financement en Project Finance?
Abdellatif Nasserdine : Il s’agit d’un genre de financement dédié aux projets d’infrastructure et dont les montages financiers sont caractérisés par la recherche de la sécurisation des cash flow générés par le projet, lesquels constituent une réelle garantie. Les montages « Project Finance » font appel à une garantie des actionnaires très limitée (ne dépassant pas généralement 20% des montants de financement). La complexité et l’ingéniosité des opérations « Project Finance » proviennent du fait du partage des risques et des garanties entre plusieurs intervenants.
La banque en charge de structuration de financement se doit de déceler toutes zones de risque et d’innover afin de couvrir ces risques.
Une autre source de complexité est la technologie utilisée par les projets d’investissement. Tels que les centrales énergétiques ou les projets de télécommunication.
Ceci pour vous dire que les intervenants sur de tels projets sont multiples, notamment les banques d’affaires, les banques de financements, les cabinets d’experts, les conseils légaux, etc.
Ne pensez-vous pas qu’il y a un chevauchement entre la direction du financement des projets et la banque d’affaires d’une même banque ?
Nous distinguons clairement le rôle incombant à la banque d’affaires et le rôle joué par les équipes de financement des projets dans une banque. La première accompagne les investisseurs depuis la phase d’appel d’offres et de soumission pour être retenu en tant qu’opérateur du projet, c’est le cas par exemple de la concession d’un BOT (Build Operate and Transfert).
Le rôle de la banque d’affaires est d’accompagner l’investisseur ou le consortium d’investisseurs pour présenter la meilleure offre de financement qui leur permettra d’être retenus. C’est cette même banque qui préparera la documentation nécessaire pour lancer les appels d’offres afférents au financement des investissements projetés par le consortium retenu.
C’est à ce moment-là que les équipes financement des projets vont intervenir pour participer à la course qui aboutira à la désignation de ce que nous appelons dans notre jargon ‘’le Lead Arrangeur ».
Par rapport au pôle banque d’affaires, quel est le mode de rémunération du pôle financement d’une banque ?
Les pôles financement des projets constituent un réel ‘’profit center » pour les banques spécialisées en la matière. Outre les marges d’intérêts réalisées sur les placements des crédits, les services rendus en financement de projets sont fortement générateurs de commissions.
Notamment les commissions d’arrangeur, de souscription et les commissions de gestion de prêt. Ces commissions sont d’autant plus importantes que les montants mis en jeu sont considérables.
Ne pensez-vous pas que suite au mouvement de concentration bancaire, les grandes banques auront plus de chance de financer un projet ?
Le mouvement de concentration que connaît le paysage bancaire marocain a un impact sur tous les compartiments du secteur. Notre métier sera le premier qui bénéficiera des bienfaits de la concentration car elle permet aux banques d’avoir des tailles importantes et par conséquent de pouvoir soutenir les grands projets d’infrastructure.
Cela ne veut pas dire qu’une banque ayant une grande taille peut mieux réussir les opérations de Project Finance, il s’agit d’un métier consommateur de grandes compétences et demandeur d’expertise qui ne peut être acquise que par l’expérience. Cette tendance est confirmée au niveau international où les leaders ne sont pas forcément les grands et où ils sont à distinguer par secteur d’activité.
Nous devons également signaler que généralement les banques se constituent en groupement pour réussir les grandes opérations. C’est d’ailleurs le cas de l’opération de Medi Telecom arrangée en 2000 par un groupement de deux grandes banques internationales et une grande banque nationale.
Quelles sont les principales opérations de Project Finance montées au Maroc?
La plus grande opération est le financement de la Centrale Energétique JLEC à laquelle les banques marocaines n’ont participé que de manière peu significative.
Par la suite, il y a eu d’autres opérations, notamment deux opérations dans les Télécommunications avec Medi Telecom, trois opérations dans le secteur de la gestion de l’eau et de l’électricité avec la LYDEC, Amendis, puis Redal, et enfin l’opération de financement d’une centrale énergétique à cycle combiné de Tahaddart.
Quelles sont vos principales cibles?
Notre target market est constitué principalement des projets d’investissement en infrastructure, excluant les projets à très faible rentabilité financière ayant plus attrait au développement et faisant appel aux financements spéciaux de développement et d’aides intergouvernementales. Ainsi notre cible par excellence est constituée de concession, notamment les BOT ou des opérations en PPP (Partenariat Publique Privé). Le développement des infrastructures de notre pays constitue un réservoir important en matière des opérations de financement des projets.
Une idée sur vos réalisations?
La direction financement des projets de BMCE Bank a participé à l’arrangement de la majorité des opérations intervenues sur le marché marocain, notamment en tant que leader arrangeur sur les deux opérations de Meditelcom, en tant que Co-arrangeur des deux opérations Amendis et Redal et enfin en tant que membre du syndicat de financement dans les deux opérations, Lydec et Tahaddart.

•Abdellatif Nasserdine est actuellement directeur du financement des projets au sein de la Banque Corporate de BMCE BANK. Il a conduit et participé à la structuration et l’arrangement des principales opérations du Project Finance au Maroc. M. Nasserdine a également participé au conseil et au financement de plusieurs entreprises dans différents secteurs d’activité.
Il a également occupé au sein de BMCE BANK le poste de chef de département de l’investissement et avait pour mission le financement et la restructuration de la PME/PMI et la gestion des lignes de financement extérieur.
Abdellatif Nasserdine est titulaire d’un certificat en Executive Education de Harvard Business School et lauréat de l’Ecole Mohammedia d’Ingénieurs. Il est également titulaire de certificats en International Banking et en Management des risques bancaires.

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