Economie

Nizar Baraka : «L’approche royale a eu un impact positif sur l’amélioration du pouvoir d’achat»

© D.R


ALM : Que pensez-vous de la politique sociale du pays?
Nizar Baraka : La politique sociale dans notre pays a connu, pendant les dix premières années de l’accession au Trône de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, une nouvelle dynamique et un changement qualitatif, faisant du Souverain le symbole de l’attention portée aux classes démunies. Dans Son discours à l’occasion du 1er anniversaire de l’intronisation, Sa Majesté a défini les contours de sa politique sociale et économique. Dès le départ, nous avons également lancé le chantier de l’édification d’une société moderne… la rationalisation et la modernisation des méthodes de son administration, la réhabilitation de la notion de solidarité sociale et spatiale, la dynamisation du rôle de la société civile, la promotion du développement économique, l’encouragement des investissements publics et privés et un décollage économique global plaçant au centre de ses priorités l’emploi des jeunes, la promotion du monde rural, des catégories sociales et des régions démunies, la qualification des ressources humaines.
L’approche royale a eu un impact positif sur l’amélioration du pouvoir d’achat des citoyens : le taux global du pouvoir d’achat n’a cessé de s’améliorer à partir de 2001 avec un taux annuel de plus de 4% au lieu de 1,5% dans la décennie précédente. L’amélioration de la croissance économique à un taux annuel de plus de 5%, de même que le taux de pauvreté qui a diminué de 15,3 à 9%.
Les grandes lignes de la politique sociale du roi ont concerné quatre domaines.
 
De quoi s’agit-il au juste?
Premièrement, il y a la création de l’emploi.  Le taux de chômage a fortement diminué dans notre pays, au niveau national, il est passé de 13,8% en 1999 à moins de 10% (9,6%) en 2008.
Cette baisse est due à l’amélioration du climat des affaires, le lancement des grands chantiers et le lancement d’initiatives volontaires, comme «l’Idmaj, Taihil et Moukawalati»
Deuxièmement, il y a l’amélioration des revenus. Durant les dix dernières années, le revenu national brut a augmenté à un taux annuel de plus de 7%.
Troisièmement, il y a la maîtrise des prix. Le contrôle de l’augmentation des prix contribue à l’amélioration du pouvoir d’achat des citoyens (1,9% en moyenne annuelle).
Et quatrièmement, il y a le développement humain durable. A cet égard, Sa Majesté le Roi a mis en place une politique sociale intégrée, qui vise à renforcer la cohésion sociale et le développement humain durable à travers l’INDH, l’adoption d’un système de couverture sanitaire obligatoire à partir de 2005, le renforcement de l’économie de proximité, à travers la promotion de l’économie sociale, et pour la première fois la mise en place d’un ministère chargé de ce secteur. Il y a également l’attention portée au secteur du logement et la mise en place de mécanismes de soutien direct aux familles nécessiteuses dans le cadre du programme «Tayssir» de lutte contre l’abandon scolaire.

Pouvez-vous nous brosser un bilan de l’année 2008 ?
Malgré les difficultés qui ont marqué l’année 2008, notre pays a réalisé des performances économiques en termes de croissance dont le niveau a atteint 5,4% contre 2,7% en 2007, de création d’emplois et de préservation des grands équilibres macroéconomiques et ce, grâce à une économie plus diversifiée, une situation budgétaire consolidée et un secteur financier solide.
En effet, l’économie nationale a fait preuve en 2008 d’une grande résilience et a fait face à une conjoncture internationale difficile, marquée par une flambée sans précédent des cours des matières premières et une crise mondiale aux dimensions multiples qui semble s’installer à l’échelle internationale avec une récession économique de plus en plus généralisée : baisse de l’activité, baisse de la consommation, faillites des entreprises et licenciements massifs.
2008 est l’année du parachèvement, comme l’a souligné Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans son discours à l’occasion du 20 Août dernier, de «l’éventail des outils de soutien social» à travers la mise en œuvre des «mécanismes législatifs et institutionnels nécessaires pour renforcer le pouvoir d’achat des citoyens, contrôler les prix et combattre la corruption». A cet effet, l’Instance centrale pour la prévention de la corruption a été installée dans le cadre de la moralisation de la vie publique. Le Conseil de la concurrence, en tant que mécanisme d’une concurrence saine et loyale, a été redynamisé et la loi sur la liberté des prix et de la concurrence a été révisée en vue de durcir les sanctions pour les contrevenants. Toujours dans le même sens, une unité du traitement des informations financières a vu le jour pour lutter contre le blanchiment d’argent. Les objectifs de tous ces instruments étant évidemment d’assainir le climat des affaires et rendre notre pays encore plus attractif. La décision de ré-ouvrir le dialogue social en avril 2008 et de l’institutionnaliser a également marqué l’année 2008. Cette décision est une réponse structurelle à la nécessité de maintenir voire d’améliorer le pouvoir d’achat des citoyens dans un contexte de hausse des cours des produits pétroliers et agricoles. Des relèvements du niveau des revenus, qui ont coûté au budget de l’Etat plus de 16 milliards DH, ont été décidés et ont permis aux citoyens de faire face à la cherté de la vie et de maintenir la stabilité sociale dans notre pays.

Pour la subvention de produits de première nécessité et les soutiens accordés aux familles démunies, quelles sont les actions menées par votre département ?
Sur la base d’un diagnostic critique qui a montré que le système actuel de compensation, au lieu de soutenir le pouvoir d’achat des couches de population nécessiteuses, octroie des subventions sans aucun ciblage et profitant beaucoup plus aux couches de population nanties, le gouvernement a préparé une stratégie de réforme de ce système pour en faire un outil à la fois de soutien réel aux couches les plus démunies et de renforcement et d’élargissement de la classe moyenne. C’est ainsi que le schéma de réforme conçu comporte deux paliers.
Le premier palier de la réforme vise l’amélioration de la gouvernance du système de compensation et prend en compte, en plus des aspects du prix des produits subventionnés, de rémunération des intervenants et d’intermédiation, les aspects relatifs au système de contrôle des sociétés bénéficiaires des dépenses de la compensation et à la modernisation et l’informatisation des procédures d’intervention de la Caisse de compensation. Dans ce cadre, les premières mesures mises en œuvre ont concerné la révision des structures des prix de la farine nationale de blé tendre (FNBT) et des produits pétroliers. L’objectif visé est de rendre les structures de prix plus dynamiques, en phase avec la réalité du marché et de sécuriser l’approvisionnement du pays, en matières premières, au moindre coût.et de supprimer les distorsions économiques induites par le système. Des mesures visant la rationalisation des mécanismes d’intervention de la Caisse de compensation ont été également mises en œuvre. A cet effet, et pour plus de transparence, le contrôle des sociétés bénéficiaires des montants de la compensation a été externalisé à des agences privées spécialisées en la matière. A la lumière des recommandations du dernier rapport de la Cour des comptes, un système d’information et des manuels de procédures ont été mis en place au niveau de la Caisse de compensation.S’agissant du deuxième palier de la réforme, les mesures prises s’inscrivent dans le cadre du renforcement de la protection sociale et visent à cibler les subventions vers les couches les plus démunies de la population. A ce titre, il a été décidé l’affichage du prix sur les sacs de la FNBT  et l’amélioration du ciblage géographique à travers la révision de la répartition du contingent de la FNBT et ce, en prenant en considération les données de la carte de pauvreté et les localités définies comme pauvres dans le cadre de l’INDH. Des résultats satisfaisants ont été enregistrés. Suite à cette refonte, la totalité des communes de l’INDH bénéficient actuellement des dotations de la FNBT contre 50% uniquement auparavant. Le milieu rural bénéficie de plus de 66% du contingent alors qu’il ne bénéficie que de 46% auparavant. 435 nouvelles communes rurales reçoivent les dotations de la FNBT pour la première fois.

Où en êtes-vous avec l’amélioration du ciblage des dépenses du système de subvention ?
Le ciblage est en cours. En parallèle au ciblage géographique déjà entamé, nous avons lancé le processus d’expérimentation pour mettre en place un programme de transfert monétaire conditionnel qui assurerait des aides directes frontales aux catégories vulnérables. Se basant sur les expériences internationales réussies en la matière, nous avons mis en place de nouveaux programmes de ciblage individuel de la pauvreté tels que le programme du Régime d’Assistance Médicale (Ramed) lancé dans la région pilote de Tadla-Azilal et le programme (Tayssir) des aides sociales pour favoriser l’accès à l’éducation lancé dans cinq régions pilotes (les régions de Beni Mellal, de Marrakech, d’Agadir, de Meknès et d’Oujda). L’évaluation de ces programmes permettrait la construction, avec la cohérence et l’efficacité requises, d’un cadre d’analyse, de conception et d’un schéma de mise en œuvre progressive d’un programme visant un meilleur ciblage des subventions à la consommation des populations démunies tout en maintenant la compensation des prix de certains produits en vue de soutenir le pouvoir d’achat de la classe moyenne.

Vous avez lancé une nouvelle stratégie pour le développement du secteur des coopératives. Quels en sont les objectifs et les premiers résultats ?
Le secteur coopératif dans notre pays constitue un des acteurs essentiels de l’Initiative nationale pour le développement humain lancé par le Souverain. Or ce secteur connaît à l’heure actuelle plusieurs difficultés. Pour donner un nouveau souffle, nous avons lancé des initiatives favorisant son développement. Ces initiatives consistent à réviser la loi 24/83 des coopératives visant la simplification des procédures de leur constitution et la mise en place des outils garantissant leur bonne gouvernance, à renforcer le rôle de l’Office de développement de la coopération (ODCO) dans le domaine de l’encadrement et de l’accompagnement des coopératives ; à promouvoir la commercialisation des produits des coopératives en leur offrant de nouvelles opportunités commerciales pour promouvoir et vendre leurs produits. Ces actions concernent la signature de conventions de partenariat avec les grandes surfaces de distribution (Marjane, Label Vie et Asswak Essalam) en vue de faciliter l’accès des produits du secteur à ces grandes surfaces, l’organisation des salons nationaux et régionaux de l’économie sociale et solidaire et la mise en place des marchés itinérants pour les produits de l’économie sociale et solidaire au niveau de certaines régions.

Vous vous penchez sur l’élaboration de plans de développement régionaux.  Où en êtes-vous ?
Dans le cadre de l’approche gouvernementale visant à établir des contrats-programmes Etat-régions, nous avons lancé l’élaboration des plans de développement régionaux de l’économie sociale (PDRES). Ceux-ci se fondent sur l’exploitation et la valorisation des richesses et des potentialités territoriales en vue de constituer une banque d’activités génératrices de revenus, dans des secteurs à fort potentiel, identifiés en utilisant l’approche filière axée sur le marché. Ils constituent ainsi une feuille de route pour les différents acteurs impliqués dans l’économie sociale et solidaire et permettent la création d’une  synergie et d’une convergence entre leurs actions, et partant un meilleur impact sur les populations cibles en matière de création d’emploi et de richesse.
La première expérience qui a été  menée dans ce domaine est celle de la région de Rabat-Salé-Zemmour-Zaër. Le plan de cette région a été présenté en Novembre 2008 au siège de la wilaya. Son contrat- programme sera signé prochainement. Par ailleurs, huit autres plans ont été lancés et les résultats de certains parmi eux seront présentés au courant de l’année 2009. La couverture de l’ensemble des régions du Royaume par ces plans est prévue pour l’année 2010.

Vous avez relancé, avec le ministère de l’Emploi, le programme Moukawalati. Quelles sont les retouches apportées à ce plan ?
Sur la base d’un diagnostic critique et une évaluation des réalisations du programme Moukawalati depuis son enclenchement en 2006, le gouvernement a mis en place un plan de relance de ce programme dont l’objectif est de le redynamiser et de l’adapter davantage aux attentes de tout porteur de projet.
Ce plan vise ainsi l’ouverture de la cible du Programme à tout porteur de projets, la sensibilisation des agences bancaires locales pour un meilleur accompagnement du programme, la densification du réseau des guichets d’appui pour une plus forte proximité, le renforcement des compétences des accompagnateurs et la dynamisation des comités régionaux Moukawalati ainsi que la création des comités techniques locaux. Ce plan de relance repose par ailleurs sur une campagne de communication de proximité à grande échelle basée sur les cas de réussite du programme et ce, en vue de générer une plus forte affluence des porteurs de projets potentiels.
 
Quels sont les chantiers de votre département pour l’exercice 2009 ?
L’action de notre département en 2009 concernera essentiellement deux chantiers : l’amélioration de la gouvernance économique et la promotion de l’économie sociale. S’agissant du premier chantier, des actions inscrites pour l’année 2009- certaines d’elles, comme la relance du programme Moukawalati, ont été déjà entreprises- visent l’assainissement du climat des affaires et la création des entreprises à travers notamment l’incitation à l’utilisation massive du code de bonne gouvernance des entreprises et des petites et moyennes entreprises et la mise en place du cadre juridique et technique du système de l’identifiant commun des entreprises.
Nous allons poursuivre, avec nos partenaires publics et privés, la mise en œuvre des réformes et des mesures visant la consécration de la transparence, l’amélioration du climat des affaires, la modernisation des structures de gouvernance, la consécration des partenariats régionaux et internationaux et la moralisation de la vie publique. Tous ces efforts devraient être couronnés par l’adhésion de notre pays à la déclaration de l’OCDE sur l’investissement international et les entreprises multinationales et à son Comité de l’investissement, à l’instar de l’adhésion du Maroc au Centre de développement de l’OCDE en mars 2009. En ce qui concerne l’autre chantier, nous voulons que l’année 2009 soit l’année de la promotion réelle de l’économie sociale et solidaire. Face à la crise systémique, économique et financière, dans laquelle est plongé le monde, l’économie sociale et solidaire constitue une réponse structurelle et une des stratégies qui permet une croissance économique durable et la construction d’un modèle de développement centré sur le bien-être. Dans ce cadre, nous comptons finaliser le processus d’élaboration des plans de développement de l’économie sociale (PDRES) et concrétiser leur mise en œuvre par la signature de contrats programmes régionaux. Nous allons également poursuivre les actions visant le développement du secteur coopératif et améliorer le processus de commercialisation des produits issus des organisations de l’économie sociale et solidaire à travers la promotion du commerce équitable.

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