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Piratage : La justice hausse le ton

© D.R

La lutte antipiratage est relancée, par une voix hautement officielle cette fois-ci. En effet, le ministre de la Justice vient de rendre public le contenu d’une circulaire interne en ce sens. Le message de la note est clair : « Les procureurs généraux du Roi près des Cours d’appel et à leurs homologues des tribunaux de première instance ne sont pas suffisamment fermes dans la lutte contre le piratage des enregistrements audiovisuels et de l’exécution des jugements rendus à ce sujet ».
De l’aveu même du ministre de la Justice, il a y bien laxisme en la matière. Le rappel à l’ordre des fonctionnaires du parquet intervient dans un contexte où le piratage prend une ampleur phénoménale. Le ton de la circulaire, grave, s’y réfère : « Face à l’aggravation et la prolifération du phénomène de la contrefaçon et du piratage des enregistrements audiovisuels, le ministère a demandé à ces responsables judiciaires de se conformer et de mettre en application les dispositions des règlements se rapportant aux droits d’auteur et régissant l’industrie cinématographique, ainsi que les articles du code pénal sanctionnant l’atteinte à la propriété intellectuelle ». Le constat du département de la justice ne rapporte rien de nouveau.
Depuis un bon moment, le commerce des fameux VCD piratés n’est plus l’exclusivité des zones grises de non-droit économique. Et sur les artères de Casablanca, beaucoup de marchands ambulants se sont reconvertis à ce commerce, le rendant particulièrement visible. Il est vrai que le problème du piratage suscite débat, notamment sur les moyens de lutte conte le fléau. D’un côté, les partisans de plus de fermeté à l’égard des pirates et de l’autre, ceux qui soutiennent que le problème ne peut être résolu sous le simple angle judiciaire. Sur un plan strictement juridique en effet, le Maroc est signataire de conventions internationales, telles que la convention de Berne et celles dont l’adoption est en cours à savoir les conventions de 1996 relatives aux droits d’auteur et aux exécutions phonogrammes. La protection de la propriété privée figure ainsi dans le dispositif juridique du pays. Lutter par des moyens judiciaires se justifie amplement. Il se trouve que cette démarche se heurte à un problème de société.
Aujourd’hui, on estime que pas moins de 20.000 personnes vivent directement de ce commerce. Les VCD de films piratés emploies non seulement celui qui les vend, mais aussi ceux qui les fabrique, et tout dernièrement, ceux qui font le doublage en « Darija » marocaine des dialogues. L’extension du champ des artisans du piratage pose d’un autre côté un problème à la justice, notamment au niveau des moyens même de la lutte.
Dans sa note, le ministère a demandé aux procureurs de lui faire part des difficultés qui pourraient entraver les jugements rendus en la matière et de proposer les solutions adéquates pour les surmonter. S’il est relativement aisé de saisir une marchandise piratée, voire démanteler une structure de fabrication à grande échelle, ce n’est certainement pas le cas avec les fabricants éphémères. Grâce à de simples outils technologiques, plus besoin de grandes structures pour fabriquer: un PC et un graveur suffissent. D’un autre côté, les partisans de la fermeté ne manquent pas non plus d’arguments. Les conséquences néfastes du piratage sont nombreuses.
D’abord sur le plan social, si le piratage fait vivre certaines couches de la société, il conduit en même temps à la ruine des artistes et des auteurs puisqu’il les prive de leurs droits. Économiquement ensuite, les professionnels du secteur en prennent un sérieux coup. Les salles de cinéma qui ferment l’une après l’autre en est un exemple édifiant.
L’investissement est également affecté car personne ne souhaite investir son argent dans un secteur non protégé. Mais ce sont bien les accords de libre-échange, notamment l’ALE avec les Américain qui expliquent la dernière mobilisation des autorités. Le timing des différentes actions gouvernementales laisse présager que, plus qu’une simple prise de conscience (tardive) de la gravité du phénomène, la lutte s’impose aujourd’hui comme un impératif dicté de l’extérieur. À suivre de près.

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