ALM : Quelle est la situation de l’industrie de la papeterie au Maroc ?
Mounir El Bari : Il y a tout d’abord l’historique et l’actualité. L’Etat marocain a décidé lors de la signature de l’accord de libre-échange avec l’Union européenne en ce qui concerne l’industrie du papier, d’un démantèlement douanier au rythme de 5% par an sur une période de dix ans, entre 2002 et 2012. Les taux des droits de douanes devaient donc baisser progressivement de 50% à l’époque jusqu’à disparition totale. L’association des fabricants de papier (AFPAP) a été justement constituée en 2003 pour accompagner ce processus de démantèlement par un plan d’action appelant à mettre à niveau les sociétés marocaines pour faire face à la concurrence étrangère de plus en plus rude. Ledit plan d’action a été suivi à la lettre par l’AFPAP, un investissement colossal a été consenti. L’AFPAP était optimiste au rendez-vous de 2012. Mais malheureusement, l’Etat n’a pas respecté ses engagements. Aujourd’hui, il est question d’accélérer le processus. En 2005, au lieu des 35% comme niveau des taux de douanes prévus dans les textes, l’Etat parle d’un taux de 22,5%.
Et-ce que d’autres accords comme le libre-échange avec les pays arabes menacent votre secteur d’activités ?
Effectivement. En ce qui concerne l’accord de libre-échange avec les pays arabes, nous sommes au régime de 0% de droits de douanes, mis en application depuis janvier 2005. Cet accord appliqué sans mesures d’accompagnement et de façon brutale a un impact catastrophique sur le secteur. Cela, sans parler de l’accord signé avec les USA et celui conclu avec la Turquie, non encore entrés en application et dont nous n’avons pas les détails. Force est de dire que nous naviguons à visibilité zéro.
Face à la situation, qu’attendez-vous de l’Etat marocain ?
Il faut le souligner, nous ne sommes pas opposés à l’ouverture. Au contraire, nous l’avons soutenue et nous y sommes préparés selon nos moyens, suivant les données qui nous ont été fournies. Mais toute libéralisation doit être encadrée, en tenant compte des intérêts du pays et des contraintes qu’aura le démantèlement sur le tissu économique interne. Concernant nos doléances, nous voulons tout d’abord une baisse de 50% du coût de l’énergie pour rester compétitifs avec les pays arabes. La moyenne au Maroc est d’environ 0,85 dirhams par kilowatt-heure contre 0,32 dirhams KWH chez les concurrents. Nous rappelons que le facteur énergie représente 16% du coût de revient du papier. Nous voulons aussi une baisse des droits de douanes sur la matière première dont la pâte à papier fibres courtes, sur laquelle nous sommes loin d’être compétitifs aujourd’hui. Diminuer les droits de douane est indispensable sur tous les composants qui entrent dans la fabrication du papier, comme les produits chimiques, particulièrement l’amidon. Sur tous ces produits, les droits de douanes sont élevés, situés en général entre 22 et 26%.
A l’instar de ce qui se passe en Tunisie, la mise en place d’un Centre technique de papier nous paraît indispensable pour certifier la qualité du papier importé d’autres pays et venant concurrencer, parfois de manière déloyale, l’industrie locale.
Le Centre servira aussi à veiller à l’application des normes en vigueur à l’étranger. Exemple : le papier transfert importé à 60 tonnes par mois, utilisé dans le secteur textile, le pressing , et qui est cancérigène et non recyclable. Il y a d’autres produits. C’est dire qu’aujourd’hui aucun organisme ne veille sur la qualité des papiers importés.
Enfin, nous avons aussi demandé au ministère une étude sérieuse sur le potentiel de ramassage du papier à recycler. Le ratio moyen de consommation de papier et carton au Maroc étant de 13 kilos par an et par habitant. Et le ratio de recyclage étant de 2 kilos seulement par an et par habitant, on peut voir tout de suite le potentiel de recyclage existant. Il faudra rappeler aujourd’hui que nous importons du papier recyclé à des taux de droits de douanes de 22%, sans parler du coût du fret qui représente 50% de la valeur départ.
Quelles sont les perspectives
d’évolution du secteur ?
Les papetiers doivent relever ce défi et ne pas arrêter de se battre pour se mettre à niveau. L’Etat de son côté devrait mieux accompagner les industriels dans les mutations qu’il a initiées. Se conformer au plan d’action prévu d’avance paraît être la meilleure manière d’encourager les industriels.